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L’assemblée
générale du FMI qui vient de se terminer à Tokyo ne
laissera pas un souvenir impérissable, car l’organisation
internationale semble condamnée à lancer des alertes sans effet
et à formuler des préconisations sans résultat. En
définitive, cette impuissance exprime bien l’élan
brisé de G20 présentés il y a encore peu comme prenant
les choses en main au nom d’une nouvelle gouvernance qui ne fait pas
ses preuves.
Divergeant
sur le rythme du désendettement en Europe, Christine Lagarde et
Wolfgang Schäuble se sont à
l’issue de l’assemblée appliqués à minorer
du mieux qu’ils pouvaient leurs désaccords, après
n’avoir pu éviter de les exposer publiquement. « En
réalité, ce qui a été parfois présenté
comme un désaccord tient surtout à la perception [qu'on a de ce
sujet]», a tenté la directrice du FMI. Animée par la
volonté de convaincre – contre toute évidence –
elle a prononcé des paroles définitives : « Nous ne
sommes peut-être pas d’accord sur tout, mais je crois qu’il
existe un consensus général sur le fait que l’action
collective est en train de produire des résultats », en
référence à la précieuse consigne qu’elle a
donnée et qui tient en un seul mot : agir ! Face à
l’adversité, Wolfgang Schäuble a
semblé mettre un peu d’eau dans son vin en expliquant : «
on peut parler du rythme de réduction de la dette, mais pas de son
principe », sans aborder la question essentielle des moyens…
Les
représentants de la Chine et du Brésil ont lancé de
véritables mises en garde. Yi Gang, le gouverneur adjoint de la Banque
centrale chinoise, a estimé que l’économie mondiale
était perturbée par l’absence « d’un plan
crédible de réduction du déficit budgétaire
à moyen terme dans des économies développées importantes,
comme les États-Unis et le Japon ». Car la lente reprise dans
les pays développés entraîne « des retombées
coûteuses sur le reste du monde » et l’effet
bénéfique des mesures massives d’assouplissement
monétaire des banques centrales de ces pays « restait à
prouver ». Il a prôné « la nécessité
d’une action résolue, rapide et décisive pour stopper le
ralentissement économique mondial et préserver la
stabilité financière ».
Guido
Mantega, le ministre brésilien des finances,
a été encore plus direct : « Les pays avancés ne
peuvent pas espérer se débarrasser de la crise aux
dépens des pays émergents », a-t-il
déclaré, justifiant que le Brésil puisse prendre «
toutes les mesures nécessaires » pour se protéger des
flux de capitaux qui résultent des injections de liquidités de
la Fed. « Il est évident que si vous pratiquez une politique
monétaire accommodante pendant dix ans, à un certain moment
vous allez obtenir des résultats, mais les effets collatéraux seront
peut-être pires que les résultats directs », a-t-il
prédit.
Ne
contribuant pas à détendre la situation, les décisions
du G20 de 2010 sont toujours bloquées et le renforcement de la
présence des émergents au sein du FMI n’avance pas en
raison du veto américain, au grand soulagement des Européens
qui devraient se serrer pour leur faire de la place. Guido Mantega a évoqué un « échec
» et un « signe négatif » envoyé au reste du
monde. Répercutant les critiques qui se sont vigoureusement
exprimées, Christine Lagarde a estimé que l’impact de la
politique des banques centrales, qu’elle saluait jusqu’alors,
était désormais « incertain » et qu’elles
risquaient de créer une « surchauffe » dans les pays
émergents.
Il
est loin le temps où, avec assurance, il était prédit
que l’Asie allait relancer la machine et la croissance. La dynamique
s’est au contraire inversée, conduisant le ministre du
Trésor australien, Wayne Swan, à déclarer « il est
temps que les autres fassent leur part du travail », car «
l’Asie ne peut porter l’économie mondiale ». La
question ne peut manquer d’être à ce stade posée :
qui peut donc la porter ? Telle qu’elle a été
conçue, la mondialisation est en berne et ses effets se retournent
contre ses artisans. Après celle de la machine à fabriquer du
crédit, cela fait beaucoup de pannes décidément ! Mais
que fait l’OMC ?
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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