Au XVIIème siècle, l’argent suédois
transitait par Amsterdam pour être transformé en pièces
de monnaie par les banques hollandaises qui les utilisaient pour acheter des
biens qui, eux-mêmes, étaient revendus en Suède. Les réserves d’argent suédoises
s’écoulaient ainsi rapidement à l’étranger.
Un décret
émis en 1607 par le roi suédois Charles IX permettait, pour
chaque once de métal argent déposée, de
récupérer des Dalers convertibles
(monnaie suédoise d’alors). L’invitation n’a pas
connu un grand succès, probablement parce que public comprenait la
valeur de la tutelle. Cependant, un droit statutaire illimité existait
pour frapper de manière privée des pièces à
partir du métal brut. Il était connu sous le terme de
« brevet de frappe libre de la monnaie ». Et en effet,
il existait maintenant deux manières distinctes de transférer
le métal et les pièces en quantités illimitées
–même si assez peu de choses entravaient la libre circulation des
métaux précieux en Suède.
Mais, davantage
d’argent passait à l’étranger en raison du
traité d’Alvsborg par lequel les
Suédois donnèrent pratiquement tout ce qu’ils avaient en
rançon pour la restitution d’une forteresse perdue à la
faveur des Danois pendant la guerre. Ensuite, en l’absence de mieux et
parce que les Suédois contrôlaient les meilleures mines de cuivre du
monde, une ancienne monnaie constituée de pièces de cuivre
hautement surévaluées a commencé à circuler.
Les suédois
étaient peut-être à cours de réserves de
métaux précieux, mais ils constituaient toujours une force
militaire puissante et ces pièces de cuivre furent émises en
large quantités par Gustave II en 1625 pour financer une guerre contre
Ferdinand II, empereur revanchard et expansionniste de l’Empire
Germanique. Gustave de Suède fut celui qui détruisit les
armées catholiques de Ferdinand au cours de quatre campagnes et
finalement assura au nord de l’Europe sa population à dominante
protestante.
Cependant les dettes
militaires de l’Etat ajoutées à la monnaie
surévaluée de cuivre et une structure législative
planifiée pour une monnaie-marchandise allaient maintenant conduire la
Suède dans un système absurde de monnaie de cuivre. Le cuivre
fut acheminé et frappé pour obtenir son statut
surévalué et il conduisit promptement la valeur de la monnaie à celui de son
coût de bien de production qui - dans un pays producteur - est
très faible. Les réserves monétaires de la
majorité de la population furent balayées.
La fille de Gustave,
Christine, qui monta sur le trône à l’âge de 6 ans,
eut ses 12 années d’enfance pour comprendre ces mystères
monétaires avant sa majorité à 18 ans, pendant
lesquelles elle fut instruite sur l’émission de ces bons de
l’échiquier garantis sur du cuivre, appelés assignats,
qui circulaient comme monnaie. Ensuite une banque fut créée qui
prenait le cuivre et émettait des reçus appelés billets
de transport, sorte de précurseurs de nos billets modernes. Ces
billets étaient faciles à utiliser et faciles à
contrefaire.
Pour commencer ces
papiers très populaires remplirent de cuivre les coffres-forts de la
banque. Mais le papier perdit sa crédibilité et la demande se
rabattit sur la solidité du métal. Alors le cuivre fut
coupé en feuilles, estampillé de manière assez peu
élégante et remis en circulation comme monnaie par morceaux
pesant jusqu’à 15 kilos [l’exemple montré ici
provenant du Bristish Museum date de 1658 et une
longueur d’environ 65 cm].
Les gens devaient marcher
dans la rue en portant ces grandes barres en équilibre sur la
tête. Ce n’était pas très commode au départ
mais ensuite le prix du cuivre sur le marché mondial plongea tandis
que les mines suédoises perdaient leur prédominance et
finalement la monnaie devint inutile aussi.
Le baron George Heinrich
de Goertz offrit ensuite ses services en tant que
banquier central à ce pays riche de cuivre mais devenu pauvre dans
tous les autres domaines.
Il fit frapper une
monnaie fiduciaire en cuivre
validée par le portrait du roi et une valeur légale faciale
(cours forcé) d’un daler. Il ne limita
pas l’émission, ni ne se préoccupa de la qualité
des pièces qui était en dessous des possibilités
technique de l’époque. De plus, il s’essaya à cet
exercice en faveur d’une administration qui avait virtuellement perdu
tout son crédit financier auprès de la population et y ajouta
l’erreur de permettre à une rumeur publique de se
développer largement selon laquelle, à un moment encore inconnu
dans le futur, les percepteurs d’impôts refuseraient les
pièces en tant que moyen de paiement légal pour les
impôts. En d’autres termes, il fit fi de toutes les règles
inscrites dans le manuel du « bon banquier central ».
Les pièces furent détestées et, l’économie
suédoise débordant de celles-ci, se déprécia
rapidement.
Goertz avait été
un ministre brillant dans d’autres domaines de gouvernement et il
n’avait profité jamais de la débâcle, mais il
était tout de même responsable de la misère
financière et de l’évaporation associée du pouvoir
suédois.
Dans tous les
témoignages en défense contre le chef d’accusation de
“ruiner le crédit public avec une monnaie imaginaire”, il
monta une défense courageuse et articulée pour son propre
compte, puisqu’on lui dénia tout avocat. Mais ce ne fut pas
suffisant. Il fut le premier banquier central décapité, le 3
mars 1719, et la punition fut populaire.
Paul Tustain
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