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Le concept de
sélection naturelle est avant tout d’ordre biologique. Mais il a
fait l’objet d’« adaptations » dans
d’autres disciplines, dont celle qu’en fit
Friedrich August Hayek en philosophie politique. En lui remettant son prix,
le comité du Prix Nobel de sciences économiques en 1974 estimait
que les institutions sociales étaient, elles aussi, le fruit
d’une sorte de « sélection naturelle »,
les plus performantes continuant à être utilisées par les
êtres humains, tandis que celles qui le seront le moins seront mises à
l’écart.
Cette analyse
est néanmoins difficilement tenable car elle supposerait
que l’humanité choisit des régimes politico-juridiques
constamment améliorés. Ce n’est pas le cas et Hayek, ce
grand critique des totalitarismes au XXe siècle,
n’est pas sans l’ignorer.
Enfin, plus
surprenant encore, le concept de sélection naturelle a fait
récemment son apparition dans le domaine de l’intelligence
artificielle. L’intelligence artificielle, rappelons-le, est, selon
l’un de ses créateurs, Marvin Lee Minsky,
« la construction de programmes informatiques qui s’adonnent
à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de
façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles
demandent des processus mentaux de haut niveau tels que :
l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire
et le raisonnement critique ».
En
résumé, il s’agit de rendre les ordinateurs intelligents.
Aussi intelligents que les hommes. Un objectif ambitieux et a priori
irréaliste. En effet, un ordinateur ne fait normalement que
retranscrire l’intelligence humaine et c’est probablement mieux
ainsi.
Pourtant,
l’être humain, si orgueilleux en temps ordinaire, est prêt,
pour l’occasion, à partager son
« leadership » en matière d’intelligence.
Et, pour cela, les chercheurs en informatique ne lésinent pas sur les
moyens. Ils ont créé une nouvelle branche : la
programmation génétique.
Le professeur
Cyril Fonlupt la définit de la façon
suivante : elle permet de créer automatiquement un programme pour
résoudre un problème donné. La programmation
génétique répondait ainsi à un vœu
pieux émis, pour la première fois, par Alain Turing, à
la fin des années 1940. Or, on ne saurait y parvenir sans introduire
de l’intelligence dans les systèmes informatiques.
En outre, elle
s’inspire, elle aussi, du paradigme de l’évolution
darwinienne, le but ultime étant de faire émerger des
« populations de programmes » ayant survécu au
processus de sélection naturelle. Enfin, un autre objectif est celui
de limiter
les coûts.
Le père
fondateur de cette branche est l’informaticien, John R. Koza.
Un premier
bilan a été effectué en 2004 et il apparaîtrait
que cette méthode a produit des résultats, notamment dans les
domaines suivants :
-
calcul
quantique,
-
CAO
électronique,
-
Résolution
de jeux, tris, recherches…
Il semblerait
que la programmation génétique ait produit des résultats
aussi élaborés que ceux du cerveau humain, notamment
lorsqu’il s’agit d’élaborer des algorithmes
mathématiques. De nombreuses inventions
ont déjà été brevetées en la
matière.
Ainsi, le
rêve de certains informaticiens de voir apparaître des
ordinateurs intelligents est en passe de se réaliser. La
récente et écrasante victoire de l’ordinateur
d’IBM, Watson,
au jeu américain, Jeopardy, en est
l’exemple le plus révélateur, d’autant plus
qu’en l’espèce, il s’agit d’épreuves
requérant justement de l’intelligence.
Ce type
d’événements est, à la fois, extraordinaire mais
également inquiétant. Comme le rappelle la personnalité
politique française, René Trégouët,
il est à espérer vivement que cette intelligence artificielle
n’échappe pas un jour au contrôle de l’homme.
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