Le fait que les cercles
les plus sardoniques du monde politique trépignent devant les barrissements
éléphantesques de Donald Trump ne fait que prouver des limitations
pathétiques de leur monde narquois. Ils apprécient les discours sans filtre
de Trump, ses provocations hostiles envers les autres prétendants à la
présidence, et sa supposée empathie télépathique pour la souffrance du public
résidant hors du royaume fabuleux de DC.
Trump aborde la question
légitime de l’immigration, mais semble aussi avoir une dent contre l’incompétence
générale des politiciens professionnels ainsi que des revendications
grandioses quant à ses capacités majestueuses en matière d’entreprise et d’affaires.
Au train où vont les affaires en ce paradis de boniments, être promoteur
immobilier est peut-être juste au-dessus du rang de concessionnaire
automobile, et le fait que certains contrats rusés de Trump puissent bientôt sombrer
dans la banqueroute risque de contrer les arguments en faveur de son savoir-faire
autoproclamé. Voilà pourquoi il devrait être relégué au rang de clown.
Ce que Trump représente
le plus vivement en cet instant de l’Histoire est le manque ahurissant de sérieux
parmi ceux qui se prétendent être des poids-lourds politiques. Jusqu’à
présent, aucun d’entre eux, à l’inclusion du très attachant Bernie Sanders, n’est
parvenu à clouer un billet de doléances au portail de la Maison blanche. La
longue liste des problèmes auxquels fait face notre société devrait être
évidente. Mais puisqu’ils ne sont pas abordés dans les discussions publiques,
voici ma liste personnelle des sujets que devraient discuter les candidats
les plus sérieux (et que devrait prendre à bras le corps le président élu) :
La sécurité nationale.
Les Etats-Unis ont développé l’Etat de sécurité nationale le plus horrifiant
que le monde ait jamais vu, avec leur NSA et les agences qui lui sont
associées. Ils sont devenus la vache à lait de certaines des entreprises les
plus diaboliques de la corporatocratie – les compagnies d’opérations secrètes
et de vente d’armes. La croissance de ce monstre n’a pas été mandatée par les
Cieux. Un président pourrait prendre la décision de le démanteler. Tout
candidat muni d’un certain respect pour notre héritage en ferait un sujet clé
de sa campagne.
Un autre sujet lié au
premier est la militarisation répugnante de la police. Les forces de police
des plus petites villes n’ont aucune raison d’avoir des véhicules renforcés
contre les mines et les embuscades, des chars d’assaut ou des armes lourdes.
Le gouvernement fédéral leur a offert tout ce matériel. Et devinez quoi ?
Il peut aussi le leur reprendre. Les candidats dignes de ce nom devraient
proposer un tel programme.
La militarisation
générale de la vie nationale devrait inquiéter les citoyens les plus réfléchis.
Je vis moi-même à proximité d’une base navale. Je vois souvent en ville de
jeunes recrues porter leur uniforme pendant leur jour de repos. C’est quelque
chose qui me pose problème. Le personnel militaire ne devrait pas être
autorisé à porter son déguisement guerrier dans un lieu qui n’est pas en
conflit. Historiquement, les soldats américains ne s’étaient jamais
auparavant promenés chez eux en tenue de combat. Cette mode révoltante a même
été adoptée par les équipes de baseball nationales. Les New York Mets et les
Pittsburgh Pirates sont passés à la télévision vêtus d’uniformes de
camouflage. Qu’essaient-ils de prouver ? Que nous sommes constamment en
guerre ?
Le racket omniprésent de
la société américaine détruit peu à peu notre pays. Le racket médical est en
tête de liste. Soyons clairs : il s’agit du racket d’otages. Vous êtes pris
en otage dès que vous tombez malade et devez être soigné. Vous êtes alors
presque toujours en mesure d’accepter un traitement susceptible de vous
sauver la vie. Les racketteurs du milieu le savent bien. C’est pourquoi nous
vivons sous la tyrannie d’un système de coûts qui assigne des prix ridicules
à tout ce qui est perçu de près ou de loin comme un médicament. Et l’industrie
pharmaceutique est là pour réclamer tout ce qui reste. Une visite aux
urgences avec un bras cassé peut facilement plonger un ménage dans la ruine
financière. Un président pourrait appliquer la loi antitrust contre un grand
nombre de ces rackets et pratiques. Refuser de prendre position n’est pas
pardonnable.
Le racket le plus
dangereux de notre temps est celui de la sphère bancaire et financière. Notre
grand président Obama n’a fait absolument rien pour défendre le public face
aux abus financiers grossiers et à la fraude comptable. Son Département de la
justice a manqué de poursuivre les banques pour criminalité, et les
régulateurs de la Securities and Exchange Commission et d’autres agences sont
restés assis sur leurs mains six années durant alors que les marchés se
trouvaient pris d’assaut et manipulés. Un tel comportement donne du poids à l’argument
de conspiration entre les gouvernements, les banques « systémiquement
importantes » et la Réserve fédérale, qui selon beaucoup cherchent à
former une économie Potemkine de couverture politique et de faveurs, aux
dépens de l’économie réelle. Un candidat aux élections présidentielles
devrait jurer de défendre le public face à ces turpitudes institutionnelles.
Un président se devrait de proposer un retour à la loi Glas-Steagall et de
forcer le Département de la justice à démanteler les grosses banques avant qu’elles
ne fassent imploser le système et l’économie globale.
Le président Obama n’a
fait absolument rien à l’approche de la décision prise par la cour suprême en
2010 de ratifier Citizens United. Cette décision a doté la « personne »
des corporations d’un « droit » d’exprimer ses opinions politiques
en offrant des financements en des quantités illimitées aux candidats
présidentiels. Cette décision a été un désastre, puisqu’elle représente en
quelque sorte un « droit » d’acheter les élections. La « personne »
des corporations a évolué au cours de l’âge industriel pour passer d’un
ensemble circonscrit de pratiques agréées à un ensemble douteux de « privilèges
liés à la personne ». La vérité, c’est que les corporations n’ont pas d’obligations
ou de responsabilités envers l’intérêt public, mais simplement envers leurs
actionnaires et leur direction. Cette condition devrait être évidente aux
yeux des juristes. Il est donc nécessaire d’adresser ce problème par statut ou
d’amender la Constitution quant aux limitations de l’identité individuelle
des corporations. Un président peut le faire au travers de ses alliés du
Congrès.
Pourquoi l’appareil de
politique étrangère des Etats-Unis s’affaire-t-il à contrarier la Russie ?
Quels bénéfices pourrait tirer le peuple américain du financement par son
gouvernement d’un coup d’Etat en Ukraine ? Pourquoi le Conseil des
relations étrangères du Sénat a-t-il cessé de fonctionner ? Certains des
candidats aux élections présidentielles sont des sénateurs. Pourquoi la
presse ne se penche-t-elle pas sur leur échec ? Pourquoi ignorer cette
politique plus que préoccupante ?
En 2009, le président
Obama a promis de clore la porte ouverte entre les régulateurs du
gouvernement et les entités règlementées – et en particulier les banques. Il
n’a pris absolument aucune décision sur ce plan. A dire vrai, il a installé
une nouvelle porte à la Maison blanche pour permettre à des charlatans tels
que Robert Rubin, Gary Gensler, Mary Jo White et Larry Summers d’entrer et
sortir du gouvernement. Ces scélérats détruisent notre nation. Tout président
équipé d’un minimum de décence mettrait immédiatement fin à cette pratique.
Vous avez-là le choix
entre un certain nombre de sujets à ruminer, qui vont au-delà de la rage et
la répulsion implicites envers les politiciens. Ils représentent un agenda
très riche des problèmes auxquels nous devrons nous heurter pour que notre nation
puisse survivre. Je me demande si les savants médiatiques qui rédigent les
questions des débats penseront un jour à ces aspects.