Là où les candidats n’osent s’aventurer

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Published : August 12th, 2015
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Category : Today's Editorial

Le fait que les cercles les plus sardoniques du monde politique trépignent devant les barrissements éléphantesques de Donald Trump ne fait que prouver des limitations pathétiques de leur monde narquois. Ils apprécient les discours sans filtre de Trump, ses provocations hostiles envers les autres prétendants à la présidence, et sa supposée empathie télépathique pour la souffrance du public résidant hors du royaume fabuleux de DC.

Trump aborde la question légitime de l’immigration, mais semble aussi avoir une dent contre l’incompétence générale des politiciens professionnels ainsi que des revendications grandioses quant à ses capacités majestueuses en matière d’entreprise et d’affaires. Au train où vont les affaires en ce paradis de boniments, être promoteur immobilier est peut-être juste au-dessus du rang de concessionnaire automobile, et le fait que certains contrats rusés de Trump puissent bientôt sombrer dans la banqueroute risque de contrer les arguments en faveur de son savoir-faire autoproclamé. Voilà pourquoi il devrait être relégué au rang de clown.

Ce que Trump représente le plus vivement en cet instant de l’Histoire est le manque ahurissant de sérieux parmi ceux qui se prétendent être des poids-lourds politiques. Jusqu’à présent, aucun d’entre eux, à l’inclusion du très attachant Bernie Sanders, n’est parvenu à clouer un billet de doléances au portail de la Maison blanche. La longue liste des problèmes auxquels fait face notre société devrait être évidente. Mais puisqu’ils ne sont pas abordés dans les discussions publiques, voici ma liste personnelle des sujets que devraient discuter les candidats les plus sérieux (et que devrait prendre à bras le corps le président élu) :

La sécurité nationale. Les Etats-Unis ont développé l’Etat de sécurité nationale le plus horrifiant que le monde ait jamais vu, avec leur NSA et les agences qui lui sont associées. Ils sont devenus la vache à lait de certaines des entreprises les plus diaboliques de la corporatocratie – les compagnies d’opérations secrètes et de vente d’armes. La croissance de ce monstre n’a pas été mandatée par les Cieux. Un président pourrait prendre la décision de le démanteler. Tout candidat muni d’un certain respect pour notre héritage en ferait un sujet clé de sa campagne.

Un autre sujet lié au premier est la militarisation répugnante de la police. Les forces de police des plus petites villes n’ont aucune raison d’avoir des véhicules renforcés contre les mines et les embuscades, des chars d’assaut ou des armes lourdes. Le gouvernement fédéral leur a offert tout ce matériel. Et devinez quoi ? Il peut aussi le leur reprendre. Les candidats dignes de ce nom devraient proposer un tel programme.

La militarisation générale de la vie nationale devrait inquiéter les citoyens les plus réfléchis. Je vis moi-même à proximité d’une base navale. Je vois souvent en ville de jeunes recrues porter leur uniforme pendant leur jour de repos. C’est quelque chose qui me pose problème. Le personnel militaire ne devrait pas être autorisé à porter son déguisement guerrier dans un lieu qui n’est pas en conflit. Historiquement, les soldats américains ne s’étaient jamais auparavant promenés chez eux en tenue de combat. Cette mode révoltante a même été adoptée par les équipes de baseball nationales. Les New York Mets et les Pittsburgh Pirates sont passés à la télévision vêtus d’uniformes de camouflage. Qu’essaient-ils de prouver ? Que nous sommes constamment en guerre ?

Le racket omniprésent de la société américaine détruit peu à peu notre pays. Le racket médical est en tête de liste. Soyons clairs : il s’agit du racket d’otages. Vous êtes pris en otage dès que vous tombez malade et devez être soigné. Vous êtes alors presque toujours en mesure d’accepter un traitement susceptible de vous sauver la vie. Les racketteurs du milieu le savent bien. C’est pourquoi nous vivons sous la tyrannie d’un système de coûts qui assigne des prix ridicules à tout ce qui est perçu de près ou de loin comme un médicament. Et l’industrie pharmaceutique est là pour réclamer tout ce qui reste. Une visite aux urgences avec un bras cassé peut facilement plonger un ménage dans la ruine financière. Un président pourrait appliquer la loi antitrust contre un grand nombre de ces rackets et pratiques. Refuser de prendre position n’est pas pardonnable.

Le racket le plus dangereux de notre temps est celui de la sphère bancaire et financière. Notre grand président Obama n’a fait absolument rien pour défendre le public face aux abus financiers grossiers et à la fraude comptable. Son Département de la justice a manqué de poursuivre les banques pour criminalité, et les régulateurs de la Securities and Exchange Commission et d’autres agences sont restés assis sur leurs mains six années durant alors que les marchés se trouvaient pris d’assaut et manipulés. Un tel comportement donne du poids à l’argument de conspiration entre les gouvernements, les banques « systémiquement importantes » et la Réserve fédérale, qui selon beaucoup cherchent à former une économie Potemkine de couverture politique et de faveurs, aux dépens de l’économie réelle. Un candidat aux élections présidentielles devrait jurer de défendre le public face à ces turpitudes institutionnelles. Un président se devrait de proposer un retour à la loi Glas-Steagall et de forcer le Département de la justice à démanteler les grosses banques avant qu’elles ne fassent imploser le système et l’économie globale.

Le président Obama n’a fait absolument rien à l’approche de la décision prise par la cour suprême en 2010 de ratifier Citizens United. Cette décision a doté la « personne » des corporations d’un « droit » d’exprimer ses opinions politiques en offrant des financements en des quantités illimitées aux candidats présidentiels. Cette décision a été un désastre, puisqu’elle représente en quelque sorte un « droit » d’acheter les élections. La « personne » des corporations a évolué au cours de l’âge industriel pour passer d’un ensemble circonscrit de pratiques agréées à un ensemble douteux de « privilèges liés à la personne ». La vérité, c’est que les corporations n’ont pas d’obligations ou de responsabilités envers l’intérêt public, mais simplement envers leurs actionnaires et leur direction. Cette condition devrait être évidente aux yeux des juristes. Il est donc nécessaire d’adresser ce problème par statut ou d’amender la Constitution quant aux limitations de l’identité individuelle des corporations. Un président peut le faire au travers de ses alliés du Congrès.

Pourquoi l’appareil de politique étrangère des Etats-Unis s’affaire-t-il à contrarier la Russie ? Quels bénéfices pourrait tirer le peuple américain du financement par son gouvernement d’un coup d’Etat en Ukraine ? Pourquoi le Conseil des relations étrangères du Sénat a-t-il cessé de fonctionner ? Certains des candidats aux élections présidentielles sont des sénateurs. Pourquoi la presse ne se penche-t-elle pas sur leur échec ? Pourquoi ignorer cette politique plus que préoccupante ?

En 2009, le président Obama a promis de clore la porte ouverte entre les régulateurs du gouvernement et les entités règlementées – et en particulier les banques. Il n’a pris absolument aucune décision sur ce plan. A dire vrai, il a installé une nouvelle porte à la Maison blanche pour permettre à des charlatans tels que Robert Rubin, Gary Gensler, Mary Jo White et Larry Summers d’entrer et sortir du gouvernement. Ces scélérats détruisent notre nation. Tout président équipé d’un minimum de décence mettrait immédiatement fin à cette pratique.

Vous avez-là le choix entre un certain nombre de sujets à ruminer, qui vont au-delà de la rage et la répulsion implicites envers les politiciens. Ils représentent un agenda très riche des problèmes auxquels nous devrons nous heurter pour que notre nation puisse survivre. Je me demande si les savants médiatiques qui rédigent les questions des débats penseront un jour à ces aspects.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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