|
Afin de couper court à l’offensive de l’équipe grecque, anticipant
l’échéance de fin de mois qu’elle avait elle-même donnée, la BCE et le
gouvernement allemand ont opposé chacun à sa manière une fin de non-recevoir
au plan qui était progressivement dévoilé. Les banques grecques ne disposent
plus que du dispositif des liquidités d’urgence (ELA) pour se financer, et
les autorités de Berlin ont fait fuiter un document préparatoire à la prochaine
réunion de l’Eurogroupe annonçant leur totale intransigeance, ne laissant à
la négociation que le changement de nom de la Troïka. Yanis Varoufakis
rencontre aujourd’hui à Berlin Wolfgang Schäuble. La réunion de l’Eurogroupe
est convoquée pour mercredi prochain.
La recherche d’un « accord transitoire » permettant de donner du temps à
la négociation a vécu. Théoriquement, il ne reste que trois grosses semaines
pour parvenir à un accord global, faute de quoi la BCE pourra couper le
dernier cordon d’alimentation des banques et tout précipiter. Cela ne laisse
pas d’autre choix au gouvernement grec que de négocier sous cette contrainte
ou de décider, une fois tout ayant été tenté, de sortir de l’euro ou de
démissionner pour susciter une nouvelle élection. L’épreuve de force est
engagée, toute la question étant de savoir si la détermination qui lui est
opposée est ou non une position de départ de négociation qui pourra être
assouplie.
D’ores et déjà, il peut être relevé le peu de cas qui est fait de la
volonté exprimée par les Grecs et leur gouvernement élu. Ce sera la deuxième
fois, après le refus du referendum que voulait organiser George Papandréou et
qui l’a fait chuter. Jean-Claude Juncker l’avait annoncé en assénant « il ne
peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». On ne peut
donner un signal plus clair à tout les Européens qui vont voter dans les mois
qui viennent. Symboliquement, c’est la BCE, en tant que membre de la Troïka
et débordant le cadre de sa mission, qui est l’exécuteur des hautes œuvres,
de manière parfaitement discrétionnaire quoi qu’elle en dise. Assemblée non
élue, elle détient les clés du pouvoir suprême, celui de la finance, qui a la
primauté sur celui du peuple !
Les autorités européennes en place prennent leurs responsabilités devant
le fossé qu’elles vont creuser et ce qu’elles vont déclencher, si elles
imposent au gouvernement grec de passer sous leurs fourches caudines. Les
bonnes âmes qui ont exprimé leur bienveillance vont pouvoir ranger au placard
leurs bonnes intentions, François Hollande ayant démenti ceux qui le voyaient
jouer les médiateurs. Mais les gardiens du Temple n’auront pu empêcher
l’équipe de Syriza de montrer par leurs propositions qu’ils avaient un projet
construit et réaliste, contrairement au leur.
Le gouvernement grec devrait présenter samedi au Parlement un paquet de
mesures qui n’entrent pas dans le cadre exigé par les autorités allemandes,
après les avoir légèrement modifiées. Le vote de confiance devrait intervenir
lundi. En service commandé, l’économiste en chef de la BCE Peter Praet a
déclaré ce matin dans Les Échos « La BCE a été amenée à assumer un rôle qui a
fait subir une forte pression à l’institution. Nous avons pris nos
responsabilités pour faire en sorte que notre politique monétaire puisse
fonctionner. Il s’agissait de répondre à une carence, l’Europe n’étant pas
dotée des institutions adaptées. Mais cela ne signifie pas que nous sommes
satisfaits de la situation actuelle » … Un doute s’insinue : la BCE
pourra-t-elle prendre la décision de faire plonger les banques, conduisant à
la sortie de la Grèce de l’euro ?
|
|