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La Phase II

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Published : January 10th, 2011
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FOLLOW : Alan Greenspan
Category : Editorials

 

 

 

 

Longtemps, on a cru qu’avec la disparition des hiérarques portant chapeaux emmitouflés dans leur grand manteau, en rang d’oignons sur la tribune de la Place Rouge, on avait assisté à l’effondrement final de toute pensée figée orthodoxe. Au profit d’un pragmatisme devenu valeur suprême avec la mort proclamée de l’idéologie.


C’était sans compter avec de redoutables institutions, épargnées par la pensée libérale triomphante, et les hiérarques qui les personnifient. Aujourd’hui, les banques centrales sont les plus intransigeantes gardiennes d’une nouvelle orthodoxie, références ultimes d’un monde en décadence, à un point tel que l’on pourrait croire que leurs représentants ont en quelque sorte pris la relève. Investis d’une mission qui procède par conséquent du sacré, intransigeants dans son exercice et porteurs d’une parole ne souffrant pas la contradiction. Autres buts, mêmes méthodes, fin identique ?


On regrettera certainement Jean-Claude Trichet et le rituel de ses conférences de presse. Son art de tenir des propos sibyllins et d’en dire le moins possible, sa capacité à éluder l’essentiel pour ne retenir que l’accessoire, son approche quasiment divinatoire du grand mystère de la monnaie, dont il est le dépositaire. Ainsi que le magistral corpus théorique qui lui sert d’assise en tous temps, en tous lieux et à tout instant. Le pragmatisme étant réservé aux banquiers centraux américains, la rigueur doctrinale l’apanage des Européens.


Afin de ne pas être accusé de prononcer une charge gratuite – ce qui serait un comble – venons-en aux faits. Le président de la Banque Centrale Européenne prononçait hier vendredi une allocution devant des parlementaires, à Wildbad Kreuth en Bavière, fief de la CSU. Dans le contexte d’une nouvelle montée subite de la crise obligataire européenne, dont le Portugal est à échéance très rapprochée la prochaine victime, les suivantes poursuivant leur tour de chauffe. Alors que des rumeurs faisaient état de nouveaux achats de la dette portugaise par la BCE, afin de limiter une progression des taux qui dépassait dans la journée la barre des 7%.


C’est l’occasion que choisissait Jean-Claude Trichet pour administrer une nouvelle admonestation. La décision d’acheter des obligations, a-t-il expliqué, « n’était certainement pas de financer les Etats chargés de dette, mais de faire face à de sévères dysfonctionnement du marché » ; selon la thèse qui attribue la fièvre obligataire à la spéculation financière davantage qu’à une crise de solvabilité. Vint ensuite la conclusion attendue : « Permettez-moi de solennellement souligner que notre politique monétaire est conçue pour assurer la stabilité des prix dans le moyen terme », lui assurant de se retrouver en terrain solide, mais totalement hors sujet. Ainsi que d’écarter avec cette référence au moyen terme toute contestation à propos de la poussée d’inflation révélée par Eurostat : en bonne orthodoxie, les faits ne peuvent contredire la théorie.


Une fois le wagon raccroché aux fondamentaux, il devenait possible de lancer que « la responsabilité de la politique monétaire ne peut pas se substituer à l’irresponsabilité gouvernementale », en référence au credo des banquiers centraux drapés dans leur indépendance et sûreté de jugement, préservés des miasmes du suffrage universel et des compromissions du monde politique. Précisant sa pensée, il ajoutait : « Nous devrions être inflexibles dans l’application des sanctions quand les règles sont transgressées », celles du Pacte de stabilité et de croissance européen. Une allusion à l’automaticité de celles-ci, ou à tout autre mécanisme les faisant échapper à la décision des responsables politiques.


Comme d’autres avant lui, le président de la BCE s’accroche à ses vérités. Il prétend trouver dans la « responsabilité fiscale » la réponse à l’irresponsabilité financière. Afin de sortir du piège dans lequel il est tombé, quand il n’a pu faire autrement que de substituer la BCE aux Etats. Non seulement parce qu’il considère comme contre nature de les soutenir, mais aussi parce qu’il connaît ses propres limites.


D’autant que la crise obligataire n’est pas européenne, elle est mondiale. Alan Greenspan, ancien président de la Fed, vient à ce sujet de mettre les pieds dans le plat dans le Wall Street Journal. En référence aux discussions bipartisanes de la Commission nationale sur la réforme et la responsabilité fiscale, et à ses suites incertaines au Congrès, il a laconiquement remarqué que « la seule question qui se pose est de savoir si des décisions seront prises avant ou après la crise du marché obligataire ». Lui-même considérant que ce risque est si grand qu’il est en faveur d’une augmentation des impôts immédiate, car « la probabilité que nous traversions les deux ou trois prochaines années sans problème obligataire et sans inflation est probablement un peu supérieure à 50-50, mais pas beaucoup plus  ».


Nul besoin de chercher plus loin, le facteur déclenchant de la phase II de la crise est trouvé. Les tenants du moment de l’orthodoxie vont devoir descendre de leur tribune.

Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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