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Ludwig von Mises a
été, à mon humble avis, le plus grand économiste
qui ait existé. Malgré cela, il demeure largement
méconnu, y compris des économistes. C'est que Mises a une
conception différente de l'économie de celle enseignée
à l'université. Sa conception de l'économie repose sur
une approche philosophique, plus précisément la philosophie de
l'action. Elle se distingue par l'utilisation de la logique pour décrire
son objet de recherche, alors que l'économie populaire utilise
plutôt les mathématiques.
Il suffit
d'aborder sa théorie de la valeur pour réaliser à la
fois combien elle bouleverse la compréhension dominante et les
décisions qui s'en suivent. Pour Mises, la théorie de la valeur
s'applique à l'action humaine en tout temps et en tout lieu.
Lorsqu'elle se confine à l'action guidée par le calcul
économique, on parle plutôt de théorie économique.
Autrement dit, la théorie économique n'est qu'une partie de la
théorie de la valeur qui est au coeur de l'action humaine. En ce sens,
Mises élargit la sphère de l'économie en la transformant
d'une étude de « l'homme qui calcule »
en une étude de « l'homme qui agit ».
De par son attention portée à la théorie de la valeur,
Mises ne s'est pas confiné à l'économie au sens strict,
soit l'action guidée par le calcul, et de ce fait on se
réfère à lui aussi bien comme philosophe que comme
économiste. On pourrait également le qualifier de praxéologue,
car cela décrit exactement ce dont il est question, soit
l'étude de l'action qui vise un but. Mises lui-même utilisait ce
terme pour décrire ses recherches, quoique avec une certaine
réticence.
La subjectivité
de la valeur
La
caractéristique fondamentale de la valeur est d'être subjective.
Elle exprime des sentiments pour lesquels il n'existe pas de commune mesure,
pas de comparaison possible entre les individus. La praxéologie a pour
but non pas d'étudier l'origine et le contenu des valeurs, mais bien
ce qui découle des choix qu'on fait sur la base de ces valeurs. Cela
diffère radicalement des économistes populaires qui croient que
la valeur est objective, c'est-à-dire qu'elle peut être
calculée. On ne mesure cependant pas les valeurs comme on mesure les
prix, les deux sont différents. Les prix se calculent, mais les
valeurs s'ordonnent par ordre de priorité. On doit utiliser une mesure
cardinale pour exprimer les premiers, alors que les secondes se mesurent de
façon ordinale.
On ne peut pas dire qu'une pomme a la même valeur qu'une orange parce
qu'on les aurait payées le même prix. Celui qui désire
absolument la dernière pomme qui reste sur l'étalage sera
prêt à payer davantage pour se la procurer. La valeur est
liée au choix que désire faire chaque individu. Elle est
nécessairement relative, c'est-à-dire qu'elle dépend de
la perspective individuelle, du temps et du lieu où le choix est
exercé. Puisqu'elle est toujours changeante, elle se prête mal
à une formulation mathématique qui rend mieux compte des objets
inanimés.
Cela ne signifie pas
que les prix soient sans importance; au contraire, sans eux on ne peut
calculer ce qui doit l'être. Et la propriété est le
fondement essentiel de ce calcul. Lorsque la propriété est
abolie il devient impossible, nous dit Mises, de faire des choix économiques
éclairés. C'est pourtant ce qu'ont essayé de faire les
régimes socialistes. En effet, ce qui caractérise ce
régime est le contrôle unifié des biens de production,
c'est-à-dire que l'État en est le seul propriétaire.
Or, lorsqu'il existe un seul propriétaire, les biens ne peuvent
être échangés contre monnaie, et lorsqu'il n'y a pas
d'échange, les prix des biens ne peuvent être
déterminés. On ne peut donc connaître la demande
réelle pour un bien, ni la quantité de ressources qui doivent
être consacrées à sa production, par opposition à
celle d'autres biens. Ainsi, aucun régime socialiste ne peut allouer
ses ressources selon un calcul rationnel du point de vue économique,
car il n'y a effectivement plus d'économie. Il n'y a que des
décisions bureaucratiques imposées de façon coercitive.
Dans nos régimes mixtes ou sociaux-démocrates, nous faisons
face au même problème dans les secteurs d'activités
où la propriété est abrogée ou fortement
contrôlée par l'État, tels les secteurs de
l'électricité et de la santé. Vous aurez beau embaucher
des économistes pour qu'ils découvrent la bonne façon
d'allouer les ressources, la crise survient inévitablement. Il n'y a
pas de prix établi librement, mais le corollaire est qu'il y a
beaucoup d'impôt à payer forcément!
Bref, l'économiste populaire tente de calculer la valeur incalculable,
prétend calculer sans l'aide des prix et utilise des formules
mathématiques pour rendre compte de l'action humaine qui est mieux
servie par la logique. L'utilisation des chiffres n'est pourtant pas la seule
approche scientifique possible. L'économiste qui applique des formules
mathématiques sans se soucier de savoir s'il n'existe pas d'autres
outils plus appropriés pour décrire son objet de recherche ne
fait pas de la science.
Ludwig von Mises offre une conception de l'économie qui colle à
la réalité. Pour lui, la science est à distinguer du
pouvoir politique et la politique de la science. Il va sans dire qu'avec de
telles perspectives, il n'a jamais été très
apprécié de ses collègues économistes et des
dirigeants gouvernementaux.
Ce texte est un
résumé personnalisé de l'introduction à Epistemological
Problems of Economics de Ludwig von Mises, écrite par Jörg
Guido Hülsmann.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
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