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La politique détronée

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Published : February 13th, 2005
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Category : Editorials


 

J'aurais souhait�, � la fin de ce livre [Droit, l�gislation et libert�, PUF, Libre �change, tome 3], indiquer quelque peu ce que les principes d�velopp�s auraient pour cons�quence dans les affaires internationales, mais il m'est impossible de le faire sans allonger l'expos� de fa�on exag�r�e. Il y faudrait d'ailleurs un suppl�ment d'investigations que je r�pugne � envisager � ce stade. Mais supposons admis le d�mant�lement de l'�tat monolithique, et le principe cantonnant tout pouvoir supr�me dans des t�ches essentiellement n�gatives � dans des pouvoirs de dire non � tandis que tout pouvoir positif serait r�serv� � des instances tenues � respecter des r�gles qu'elles ne pourraient modifier; le lecteur verra ais�ment, je pense, que cela aurait forc�ment des cons�quences de tr�s grande ampleur par leur application dans l'organisation internationale.

          Comme je l'ai sugg�r� pr�c�demment, il me semble qu'en ce si�cle nos essais de cr�ation d'un gouvernement international capable d'assurer la paix ont g�n�ralement abord� l'entreprise par le mauvais bout: en instaurant un grand nombre d'autorit�s sp�cialis�es tendant � des r�glementations particuli�res, au lieu de viser � un v�ritable droit international qui limiterait la capacit� des gouvernements nationaux � nuire aux autres. Si les valeurs communes les plus �lev�es sont n�gatives, non seulement les lois communes les plus hautes mais aussi la plus haute autorit� devraient se borner essentiellement � des prohibitions.

          Il serait difficile de contester que d'une fa�on tr�s g�n�rale la politique a pris une place trop importante, qu'elle est devenue trop co�teuse et nuisible, absorbant beaucoup trop d'�nergie mentale et de ressources mat�rielles; et que parall�lement elle perd de plus en plus le respect et l'appui sympathique du grand public, qui en est venu � la consid�rer comme un mal n�cessaire mais incurable qu'il faut bien endurer. Or, l'�normit� de l'appareil politique, son �loignement des citoyens dont il envahit cependant toute l'existence, ne sont pas choses que les hommes ont choisies de leur plein gr�, mais la cons�quence d'un m�canisme anim� d'une dynamique distincte qu'ils ont instaur� sans en pr�voir les effets.

          Le souverain maintenant n'est �videmment pas un �tre humain en qui l'on peut placer sa confiance, ainsi que continue � le concevoir un esprit na�f influenc� par l'id�al ancestral du bon monarque. Ce n'est pas non plus le produit des sagesses conjointes de repr�sentants honorables dont une majorit� peut se mettre d'accord sur ce qui est le meilleur. C'est une machinerie mue par des � n�cessit�s politiques � qui n'ont de lien que fort lointain avec les opinions de la majorit� du peuple.
 

          Alors que la l�gislation proprement dite est affaire de principes permanents et non d'int�r�ts particuliers, toutes les mesures particuli�res que le gouvernement peut avoir � prendre sont n�cessairement des questions de politique au jour le jour. C'est une illusion de croire que de telles mesures sp�cifiques sont normalement d�termin�es par des n�cessit�s objectives sur lesquelles tous les gens raisonnables devraient pouvoir se mettre d'accord. Il y a toujours des co�ts � mettre en regard des fins poursuivies, et il n'existe aucun test objectif quant � l'importance relative de ce qui pourrait �tre accompli et ce qu'il faudra sacrifier. C'est la grande diff�rence entre des lois g�n�rales qui tendent � am�liorer les chances de tous, en �tablissant un ordre o� il y a de bonnes probabilit�s de trouver un partenaire pour une transaction satisfaisant les deux parties, et des mesures contraignantes visant � avantager tels ou tels particuliers ou groupes de particuliers.


          D�s lors que l'on tient pour l�gitime que le gouvernement emploie la force pour effectuer une redistribution des avantages mat�riels � et c'est l� le coeur du socialisme � il n'y a aucun frein possible aux instincts rapaces des groupes r�clamant chacun pour soi. Lorsque la politique devient un tournoi de traction-�-la-corde � propos de parts du g�teau des revenus, gouverner d�cemment devient impossible. Cela implique que tout emploi de la contrainte pour assurer un certain revenu � tels et tels groupes (� part un minimum uniforme pour tous ceux qui ne sont pas capables de gagner plus sur le march� [une des absurdit�s auxquelles restait attach� Hayek, dont l'incoh�rence sur ce genre de passe-Droit a �t� soulign�e par H.H. Hoppe � la suite de Rothbard.]) soit proscrit par la loi comme immoral et antisocial au sens strict du mot.

          Aujourd'hui, les seuls potentats affranchis de toute loi qui les bride, et pouss�s par les n�cessit�s politiques d'une m�canique autonome, ce sont les pr�tendus � l�gislateurs �. Mais cette forme aujourd'hui r�gnante de d�mocratie est finalement autodestructive, parce qu'elle impose aux gouvernements des t�ches � propos desquelles aucune opinion commune de la majorit� n'existe ni ne peut exister. Il est par cons�quent n�cessaire de restreindre ces pouvoirs afin de prot�ger la d�mocratie contre elle-m�me.


 




      /*   Une constitution du genre ici propos� rendrait �videmment impossible toutes les mesures socialistes de redistribution. Cela n'est pas moins justifiable que toute autre limitation constitutionnelle de pouvoirs, inspir�e par le souci de rendre impossible la destruction de la d�mocratie et l'instauration de pouvoirs totalitaires. Au moins quand arrivera le temps � � mon avis pas tr�s �loign� � o� les illusions traditionnelles du socialisme seront reconnues pour vaines, il sera n�cessaire de prendre toutes pr�cautions contre les risques end�miques de rechutes dans ces superstitions, qui engendrent p�riodiquement d'involontaires d�rapages dans le collectivisme.

          Car il ne pourra suffire de barrer la route � ceux qui veulent d�truire la d�mocratie dans le but d'instaurer le socialisme, ni m�me � ceux qui sont enti�rement acquis � un programme socialiste. Le plus puissant facteur, dans la tendance actuelle vers le socialisme, est constitu� par ceux qui affirment ne vouloir ni du capitalisme ni du socialisme, mais une � voie moyenne � ou un � Tiers Monde � [La myst�rieuse � troisi�me voie �. Hayek reprend ici la conclusion de son ma�tre von Mises qui avait d�montr� l'impossibilit� logique de cette � troisi�me voie �]. Les suivre est une piste qui m�ne au socialisme, car une fois que nous donnons licence aux politiciens d'intervenir dans l'ordre spontan� du march� au b�n�fice de groupes particuliers, ils ne peuvent refuser de telles concessions � l'un quelconque des groupes dont le soutien leur est n�cessaire. C'est ainsi qu'ils amorcent le processus cumulatif dont la logique intrins�que aboutit forc�ment, non pas � ce que les socialistes imaginent, mais � une domination sans cesse �largie de la politique sur l'�conomie.

          Il n'existe pas de tiers chemin quant au principe d'organisation du processus �conomique, qui pourrait �tre rationnellement choisi pour conduire � des objectifs d�sirables; il n'y en a que deux: ou bien un march� dont le fonctionnement ne permet pas que quiconque puisse fixer efficacement l'�chelle de bien-�tre dans les divers groupes et entre individus; ou bien une direction centrale dans laquelle cette �chelle est � la merci d'un groupe organis� pour conqu�rir le pouvoir. Les deux principes sont inconciliables, car toute combinaison rend irr�alisables les fins de l'un comme de l'autre. Qu'il soit impossible d'atteindre le but imagin� par les socialistes, n'emp�che pas que la licence g�n�rale conf�r�e aux politiciens de distribuer des avantages � ceux dont ils escomptent l'appui ne doive finalement d�truire l'ordre autog�n�r� du march�, favorable au bien g�n�ral, et le remplacer par un ordre factice impos� de force par quelques volont�s arbitraires.

          Nous sommes en pr�sence d'un choix in�luctable entre deux principes incompatibles, et si loin que nous restions in�vitablement de la pleine r�alisation de l'un ou de l'autre, aucun compromis durable ne peut s'instaurer entre les deux. Celui que nous aurons choisi comme fondement de nos d�marches, que ce soit l'un ou l'autre, nous poussera plus avant vers quelque chose qui restera imparfait mais ressemblera de plus en plus �troitement � l'un des deux extr�mes.

          Une fois reconnu clairement que le socialisme, tout autant que le fascisme ou le communisme, conduit in�vitablement � l'�tat totalitaire et � la destruction de l'ordre d�mocratique, il est incontestablement l�gitime de se pr�munir contre un d�rapage involontaire dans un syst�me socialiste, au moyen de dispositions constitutionnelles qui �tent au gouvernement des pouvoirs discriminatoires de contrainte, m�me l� o� l'on pourrait un temps croire g�n�ralement que c'est pour une bonne cause.

          Si peu �vident qu'il y paraisse souvent, le monde social est gouvern� � long terme par certains principes moraux auxquels croit la multitude des gens. Le seul principe moral qui ait jamais rendu possible la croissance d'une civilisation avanc�e, fut le principe de la libert� individuelle; ce qui veut dire que l'individu est guid� dans ses d�cisions par des r�gles de juste conduite, et non par des commandements sp�cifiques. Dans une soci�t� d'hommes libres, il ne peut exister des principes de conduite collective obligatoires pour l'individu. Ce que nous avons pu r�aliser, nous le devons � ce que les individus se sont vu garantir la facult� de se cr�er pour eux-m�mes un domaine prot�g� (leur � propri�t� �) dans l'enceinte duquel ils puissent mettre en oeuvre leurs aptitudes � des fins choisies par eux. Le socialisme, � qui fait d�faut tout principe de conduite individuelle n'en r�ve pas moins � une situation qu'aucune action morale de libres individus ne peut r�aliser.

          L'ultime bataille contre le pouvoir arbitraire, nous avons encore � la livrer le combat contre le socialisme et pour l'abolition de tout pouvoir contraignant pr�tendant diriger les efforts des individus et r�partir d�lib�r�ment leurs fruits. J'esp�re que le temps s'approche o� ce caract�re totalitaire et essentiellement arbitraire de tout socialisme sera aussi g�n�ralement compris que celui du communisme et du fascisme; alors des barri�res constitutionnelles contre tout essai d'acqu�rir de tels pouvoirs totalitaires, sous n'importe quel pr�texte, recueilleront l'approbation g�n�rale.

          Ce que j'ai tent� d'esquisser dans ces trois volumes (et dans l'�tude distincte sur le r�le de la monnaie dans une soci�t� libre), c'�tait un itin�raire pour sortir du processus de d�g�n�rescence du pouvoir politique dans sa forme actuelle; j'ai voulu confectionner un outillage intellectuel de secours qui soit disponible lorsque nous n'aurons plus d'autre choix que de remplacer la structure branlante par quelque �difice meilleur, au lieu d'en appeler par d�sespoir � une forme quelconque de dictature. Le Pouvoir, au sens large, est n�cessairement le produit d'un dessein intellectuel. Si nous pouvons lui donner une forme telle qu'il procure un cadre favorable � la libre croissance de la soci�t�, sans donner � quiconque mission de diriger cette croissance dans le d�tail, sans doute pouvons-nous esp�rer voir se poursuivre le d�veloppement de la civilisation.

          Nous devrions en savoir assez long, pour �viter de d�truire notre civilisation en �touffant le processus spontan� de l'interaction des individus, en chargeant une quelconque autorit� de le diriger. Mais pour ne pas tomber dans cette faute, nous devons rejeter l'illusion d'�tre capables de d�lib�r�ment � cr�er l'avenir de l'humanit� � � comme l'a dit r�cemment, avec une d�mesure d'orgueil caract�ristique, un sociologue socialiste.

          Telle est l'ultime conclusion des quarante ann�es que maintenant j'ai consacr�es � l'�tude de ces probl�mes, apr�s avoir pris conscience de l'Abus et du D�clin de la Raison qui n'ont cess� de se poursuivre tout au long de ces d�cennies





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