Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Le
verdict est tombé et cela n’a pas marché ! La
Grèce, n’ayant pas de temps devant elle, a testé
dès lundi les marchés et y a levé 5 milliards
d’euros à sept ans, devant au final consentir un coupon à
5,90%. L’accord européen intervenu à
l’arraché en fin de semaine dernière a eu des
conséquences que l’on peut désormais quantifier, pas
glorieuses pour ceux qui prétendaient que son existence allait
rassurer les marchés et faire baisser le rendement de la dette
souveraine grecque : cela n’a que très faiblement
été le cas par rapport à la précédente
émission obligataire grecque du 11 mars dernier.
D’ici
à la fin mai, la Grèce va devoir refinancer 23 milliards
d’euros, ne disposant que 8 milliards en réserve, et 53 milliards
au total pour la fin de l’année : c’est
l’impasse. Tous les commentateurs s’accordent pour penser que
cette situation est intenable pour la Grèce. Les Grecs ont
calculé que le taux auquel ils ont actuellement accès sur le
marché représente un surcoût annuel de 500 millions
d’euros pour la charge de leur dette (ses intérêts). Plus
personne ne voit comment le retour du déficit à 3% du PIB en
trois ans, qui figure dans le plan approuvé par Bruxelles, pourra
être dans ces conditions tenu.
C’est
aussi l’impasse pour les gouvernements signataires du plan de sauvetage
financier. Car ils vont soit devoir admettre qu’il n’a pas rempli
son rôle, soit décider de l’activer, une hypothèse
peu probable si l’on considère ses formulations pour le moins
abruptes et sans appel. L’habillage du désaccord de fond qui
s’était clairement manifesté n’aura pas
résisté à la première épreuve de feu,
illustrant la grande faiblesse d’un leadership européen qui ne
s’affirme qu’en façade. Rétrospectivement, on en
vient même à se demander ce qu’avaient en tête ceux
qui l’ont signé (et beaucoup de ceux qui l’ont ensuite
commenté), exception faite des Allemands, suspectés de tous les
plus mauvais calculs.
La
zone euro, dans sa configuration actuelle, est devenue une
réalité virtuelle, et le Pacte de stabilité est
destiné à être rangé au magasin des
antiquités historiques.
Les
commentaires vont se multiplier sur la victoire que cette situation
représente pour l’Allemagne, amenant probablement la
Grèce à se tourner vers le seul FMI, qui semble attendre son
heure. On attend le commentaire de la BCE. Pourtant, il na va
y avoir aucun vainqueur, Allemagne comprise, quand le soleil se
lèvera. Car une claire incitation à ce que la crise
européenne se poursuive et s’étende vient
d’être donnée. Une dynamique est enclenchée
qu’il va être difficile de maîtriser.
Crise
pour crise, certains pensent-ils qu’il vaut mieux l’affronter
sans tarder, car elle est inévitable ? Qu’il faut même la
précipiter pour mieux la jouer, afin d’opérer à
chaud ? Il n’y a que le choix entre cela ou
l’inconséquence pour comprendre ce qui vient de se passer.
Les
crises s’enchaînent et se contaminent mutuellement. Elles se
chevauchent. Celle de la dette publique, et de la rigueur sa compagne, sont
en passe de susciter des crises de société larvées et
endémiques; celle de l’euro, dans laquelle nous nous engageons
et qui sera plus tard reconnue comme ayant marqué le début de
la crise monétaire globale qui se précise à grands pas.
Renforçant dans l’immédiat et paradoxalement le dollar,
à la fois devise refuge internationale et monnaie d’une
puissance sur le déclin dont la croissance du déficit
n’est probablement plus maitrisable, et dont la valeur est à
terme sapée.
Tenons
bon la rampe
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
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le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ?
(La Découverte : 2007).
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