La conséquence de la promesse qui nous a été faite il y a
un siècle déjà d’une banque centrale Américaine capable d’éliminer
les crises économiques est une question jamais abordée. La remettre sur
le tapis reviendrait à remettre en question le monopole le plus intouchable
du gouvernement. Alors on la laisse de côté. La Fed est le cœur de
l’économie. C’est ce qu’on entend dire. Elle est le distributeur de billets
du gouvernement. Elle vient en aide aux gros joueurs quand le toit s’effondre
au-dessus de leur tête. Il est ridicule de penser que le gouvernement puisse
faire quelque chose face aux crises sans avoir des montagnes de monnaie à sa
disposition.
Aujourd'hui, la Fed est plus puissante que jamais en
conséquence de la crise financière de 2007-2008, le plus cuisant de ses
échecs depuis la croissance des années 1920 et son rôle dans la Grande
Dépression, et la stagflation des années 1970. Le double-mandat de la Fed qui
promettait de maintenir l’inflation et le chômage à des niveaux très bas n’a
porté ses fruits qu’à moitié. Selon une certaine école de pensée, la
politique employée par Bernanke qu’est l’achat d’un
trillion de dollars de dette gouvernementale par an pourrait être trop
modérée pour pouvoir diminuer le chômage. La nouvelle directrice de la Fed
Janet Yellen expliquait plus
tôt cette année que le taux de chômage de 7,3% est en fait de 14,4% une
fois que sont pris en compte les employés à temps partiel qui préfèreraient
travailler à plein temps et les gens découragés qui ont cessé de chercher un
emploi. Puisqu’elle se soucie des travailleurs exclus du taux de chômage
officiel, les analystes pensent qu’elle maintiendra des politiques laxistes
une fois qu’elle aura pris son poste.
La bénédiction de l’argent facile
La caractéristique qui distingue la Fed est notamment sa
capacité d’acheter des actifs avec de l’argent qu’elle n’a pas. Aucune autre
personne ou institution ne peut en faire autant. Voilà qui devrait
normalement en faire sourciller plus d’un, et pourtant... Cette réalité fait
simplement partie intégrante du gospel monétaire, qui n’est jamais examiné en
détails. Une autre partie de ce gospel est le système bancaire de réserve
fractionnaire, qui permet aux banques de prêter de l’argent qu’elles n’ont
pas.
Cette structure monétaire, bénie par toutes les écoles
d’économie à
l'exception de l'école Autrichienne, sous-tend toute l’économie.
Il existe une théorie qui veut qu’il soit impossible
d’acheter quelque chose avec de l’argent que l’on n’a pas. Mais la Fed et les
banques centrales ont apporté une réponse à cette théorie : elles créent
de la monnaie par le fait d’acheter quelque chose, ce que l’on pourrait
appeler une deus ex machina monétaire.
Si ceci ne vous paraît pas assez clair, imaginez un enfant qui imagine un
scénario pour que ses fantaisies puise tenir la route. Lorsque des adultes
diplômés d’économie et désignés politiquement conjurent la monnaie, ils font
fonctionner l’économie. Et c’est vrai. Si vous ne me croyez pas, jetez un œil
aux profits
des grosses banques. Le seul problème est, semble-t-il, le taux de
chômage. Dans le monde fantastique des caprices politiques, où les lois
économiques sont ignorées, pourquoi ne pas autoriser à tout un chacun
d’imprimer des dollars ? Le chômage deviendrait bien vite un terme
obsolète. Les crimes contre la propriété seraient de l’histoire ancienne.
Mais cette idée n’aurait bien sûr que très peu
d’adhérents, puisque ce sont les caïds qui font les règles, et que leur règle
première est que nous ne pouvons pas imprimer leur monnaie. La création
non-autorisée de devises est appelée contrefaçon, et les gouvernements s’en
prennent aux contrefacteurs aussi durement que possible. Comme Gary North l’a déjà dit, ce n’est là qu’un problème de
territoire. Les gouvernements perçoivent la contrefaçon comme un crime
ultime puisqu’elle entre en compétition avec ses propres activités de
contrefaçon.
Souvenez-vous que le rôle originel de la monnaie était de
faciliter le troc. La monnaie était la plus échangeable de toutes les
ressources, comme Ludwig von Mises l’a écrit il y a
plus d’un siècle [pp.
32,33]. Les gens en achetaient avec les biens qu’ils possédaient et
en vendaient en achetant les biens dont ils avaient besoin. La monnaie rend
les échanges possibles à la fois pour producteurs et consommateurs, et leur
permet de se spécialiser dans un domaine particulier.
Le gouvernement s’est peu à peu frayé un chemin dans
l’univers monétaire, et les dollars qui servaient au départ à représenter de
l’or ont fini par devenir eux-mêmes de la monnaie. Par décret, les dollars
sont devenus bien différents de promesses de pièces d’or. Le papier monnaie
rend le transfert de richesses invisible aux yeux de la plupart des gens.
Puisque le coût de production de monnaie papier est
négligeable en comparaison à celui de la production d’or, les dollars ont
permis de remplir les coffres de l’Etat sans qu’une taxe impopulaire soit
mise en place. Il est ainsi devenu le moyen de financement des guerres et de
l’achat de votes. Une monnaie qui peut être produite pour peu cher attire
également les producteurs non-autorisés, qu’ils soient des ennemis du
gouvernement ou ses propres citoyens.
Le jour de son assassinat le 14 avril 1865, le président
Lincoln a autorisé les services secrets
Américains à ‘supprimer la contrefaçon’ de la devise Américaine. A la
suite de la mise en application du Legal Tender Act de 1882, qui demandait à ce que ‘la monnaie papier
soit émise et acceptée en lieu et place des pièces d’or et d’argent’, la
contrefaçon est devenue un sérieux problème pour le gouvernement. En 1865, entre un tiers et la
moitié des billets verts
en circulation avaient été imprimés par quelqu’un d’autre que le gouvernement
de l’Union.
Laissons le
marché définir la monnaie et contrôler sa disponibilité
Lorsque les pièces d’or circulaient en tant que monnaie,
les citoyens, qu’ils soient mineurs ou propriétaires de minerai,
déterminaient en grande partie la croissance de la masse monétaire. Les
forces de marché déterminaient l’inflation de la monnaie. Après que Lincoln
ait forcé les billets verts sur l’économie, seul le gouvernement pouvait
contrôler la masse monétaire. Les considérations politiques ont commencé à
déterminer l’inflation monétaire*. Pour que la monnaie politique puisse
fonctionner, les producteurs de monnaie devaient être éliminés.
Du point de vue du gouvernement, le problème principal de
la monnaie fiduciaire est d’être acceptée en tant
que monnaie. Il a donc été contré par l’outil de contrainte du gouvernement,
ainsi que son appareil de propagande.
La distinction faite entre l’émission gouvernementale et
l’émission privée de monnaie a simplement une importance politique. Tout
n’est une question que de cui bono. En
partant du principe que les billets imprimés par les individus privés ne sont
pas distinguables des autres dans le cadre de leur utilisation quotidienne,
ils peuvent circuler comme s’ils avaient été imprimés par le gouvernement.
D’un point de vue économique, la source de ces billets n’a pas d’importance.
Une monnaie imprimée par un individu privé augmente la masse monétaire de la
même manière que celle imprimée par le gouvernement.
Lorsqu’un producteur de monnaie fiduciaire, qu’il s’agisse d’un individu
privé ou du gouvernement, utilise la monnaie qu’il imprime pour acheter un
bien sur le marché, il n’offre pas au vendeur un bien économique en échange
de son produit, comme ce serait le cas dans une société de troc. Le
gouvernement et le contrefacteur privé consomment des biens économiques sans
d’abord produire de bien économique. Ceux qui prennent aux autres par la
menace d’une arme sont des voleurs. Ceux qui impriment de la monnaie
fiduciaire pour acheter des produits commettent eux-aussi un crime.
Notons toutefois cette différence : dans le premier
exemple, il est facile d’identifier la victime comme étant la personne volée.
Dans le cas de la monnaie fiduciaire ou contrefaite, les victimes ne sont pas
ceux qui en obtiennent en échange de leur produit. Sur le court terme, ils en
sont même les bénéficiaires. Parce que la société dans son ensemble est
forcée d’accepter ces billets, ceux qui les reçoivent les premiers peuvent la
dépenser aux prix actuels. Ce n’est qu’après que les prix en sont affectés
négativement.
Il existe en pratique une autre distinction: les
contrefacteurs privés n’annoncent pas leurs activités de contrefaçon au
public. Leur objectif est de contrefaire sans se faire prendre. Il y a donc
des chances qu’ils dépensent cette monnaie de manière à la disperser
discrètement dans l’économie. Le gouvernement ne peut lui non plus annoncer
ses activités de contrefaçon au public. Mais plutôt que de tenter de les
garder secrètes, il les surnomme politiques monétaires. Et de nombreuses
personnes brillantes et éduquées dédient leur vie entière à tenter de les
rationaliser.
Conclusion
Milton Friedman a autrefois écrit que les politiques monétaires,
sous un étalon or, sont très simples – il n’y en a pas [p.
251]. Une monnaie saine prend soin d’elle-même. Et elle prend également
soin de la politique.
*On pourrait penser qu'il était alors nécessaire
d’imprimer de la monnaie pour financer des guerres ou libérer les esclaves,
mais cet argument se heurte à de nombreuses objections. Comment les autres
pays ont-ils pu mettre
fin à l'esclavage sans avoir recours à la guerre ? Lincoln
n'a pas envahi le sud dans cet objectif. Je trouve aussi difficile
d’imaginer les citoyens du nord et du sud se battre à mort pour libérer des
gens pour lesquels ils n’avaient quasiment aucun respect.