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La prochaine séance de Guignol

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Paul Jorion.
Published : June 23rd, 2010
1706 words - Reading time : 4 - 6 minutes
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Category : Editorials





Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Sans désemparer, la ronde des grandes réunions internationales se poursuit. Le Canada va successivement accueillir un G8 puis un G20 à partir de jeudi prochain. Fait significatif du peu de résultats que l’on en attend, celui de Séoul qui suivra les 11 et 12 novembre prochains est déjà évoqué. Comme le veut une routine désormais installée, Barack Obama a téléphoné en ce début de semaine à Angela Merkel et José Luis Rodriguez Zapatero pour le préparer.

La question mérite être posée : sur quoi donc les membres du G20, salué en son temps comme l’expression achevée de la nouvelle gouvernance mondiale, vont-ils bien pouvoir se mettre d’accord à Toronto ? Car ils sont en désaccord ouvert sur chacun des grands dossiers sur lesquels ils sont censés sortir de la réunion unis. Dans ces conditions, risque-t-on à se demander, comment les marchés vont-ils réagir à ce qui pourrait apparaître comme une guignolade, pour de ne pas parler des opinions publiques dont l’opinion semble déjà faite ?

A propos de la relance et des restrictions budgétaires, Barack Obama vient d’écrire à ses collègues du G20 pour leur demander de ne pas s’engager trop résolument et rapidement dans celles-ci, en totale contradiction avec la position martelée d’Angela Merkel. Ainsi qu’avec celle des Britanniques, qui pour une fois se démarquent publiquement de leurs cousins et annoncent un plan d’austérité comme on n’en a jamais vu depuis l’après-guerre. Tandis que la perspective d’une restructuration de la dette grecque est envisagée à haute voix par les autorités russes et que le sort de l’Espagne  (de ses caisses d’épargne en détresse et de sa gigantesque bulle immobilière, avec de 700.000 à 1,2 millions de logements neufs en stock), inquiète à ce point les Américains qu’ils ont envoyé à Madrid en mission dont le secret a été éventé un secrétaire adjoint du Trésor, Charles Collins. L’Espagne, c’est le pont trop loin.

Jean-Claude Trichet en est venu – du jamais vu, là aussi – à morigéner les banques, admettant rétrospectivement qu’elles avaient toutes failli s’effondrer en 2008. « Elles auraient toutes disparu si nous ne les avions pas sauvées », a-t-il déclaré à Welt am Sonntag. C’est que, pour lui, elles ne jouent pas le jeu. Une amère constatation que font les uns après les autres les dirigeants européens, ne parvenant pas à reprendre la main. Le précédent était Jean-Claude Junker, chef de file de l’Eurogroupe, qui s’est plaint publiquement de l’incompréhension manifestée par les marchés, décidément bien ingrats.

Se reprenant, le même Jean-Claude Trichet expliquait lundi après-midi, devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, que « La BCE estime qu’un véritable bond en avant est nécessaire sur le cadre de surveillance et d’adjustement des politiques budgétaires, ainsi que sur les politiques macroéconomiques en rapport avec la compétitivité de l’Europe ». Détaillant un menu indigeste de mesures de surveillance et de sanctions allant au-delà de ce que les 27 avaient convenu lors de leur dernier sommet. Ne traitant pas du passage le plus scabreux de la note de la BCE du 10 juin dernier, qui envisageait qu’une structure européenne financée par les Etats puisse prendre la relève de l’achat des obligations souveraines qu’elle continue mais dont elle voudrait se débarrasser. Le climat, sans doute, ne s’y prêtait pas en ce décevant solstice d’été.

La Fed se faisait déjà du souci à propos de la poursuite de la reprise américaine, craignant désormais de surcroit les effets négatifs d’une récession européenne globale. Les désaccords à propos des plans d’économie budgétaire à mettre en oeuvre vont devoir être gommés le temps d’un communiqué final et d’une photo de groupe. Présentés au pire comme relevant d’une simple question de calendrier – quand faudra-t-il serrer la vis ? – ou escamotés au nom de la diversité des situations, qui permettra à chacun d’en faire à sa guise et de préparer le pire.

S’efforçant de dévier les critiques qui convergent vers sa politique, Angela Merkel vient d’ailleurs de déclarer que « personne ne pouvait dire que l’Allemagne ne fait pas assez pour la croissance », avec un tel aplomb que cela devrait interdire de la contredire au moins d’ici la fin de la semaine. Pour revenir à la Fed, elle ne devrait pas être nécessairement rassurée par la déclaration de José Manuel Gonzalez-Paramo, membre espagnol du directoire de la BCE qui a déclaré sans attendre les résultats des stress test des banques européennes : « Tout pays a ses forces et faiblesses mais je ne m’attends à aucune surprise de la publication des tests de résistance ». D’autant que toutes les demandes d’éclaircissement qui ont été formulées à leur égard n’ont à ce jour suscité aucun commencement de réponse.

En réalité, c’est le royaume de l’improvisation permanente qui continue de règner dans l’ensemble du camp occidental. Il s’avère même que plus on se rapproche des échéances, moins l’on semble avoir de solution, sauf à suivre la ligne de plus grande pente. Tandis que Sophie Desmaret, Charles Trenet et Pierre Fresnay, rigolait-on autrefois…. A ce compte, si une récession occidentale généralisée n’est pas certaine, elle s’annonce être une hypothèse de plus en plus plausible. Elle pourrait être accompagnée d’une véritable déflation. Une épreuve dont on sait quand on s’y engage mais jamais quand on va pouvoir en sortir.

En ce qui concerne la taxe sur les établissements bancaires, l’éventail des positions ne pourrait pas être plus large à l’occasion de ce sommet. Entre ceux qui y sont formellement opposés – les hôtes canadiens et la plupart des pays émergents (Russie compris) – les Italiens qui ne sont pas contre à condition que leurs banques ne soient pas concernées, les Britanniques qui sont toujours pour et les Allemands qui ont déjà légiféré en sa faveur. Avant même que d’autres questions qui fâchent ne soient abordées : quel serait le montant de la taxe et la destination de son produit ? Angela Merkel et Nicolas Sarkozy viennent pour leur part de peaufiner leur médiocre opération de communication en écrivant à leur futur hôte canadien, Stephen Harper, afin de proposer que soit engagée une réflexion à propos d’une taxe sur les transactions financières, en plus d’une taxe sur les banques. Au prochain G20, ils proposeront de taxer les taxes, comme en France la TVA appliquée sur la TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers).

Enfin, les dirigeants chinois viennent de désamorcer à peu de frais ce qui s’annonçait être un sujet de discorde. La Banque populaire de Chine a donné un peu de grain politique à moudre à l’administration Obama en annonçant un peu de souplesse de sa part à propos de la parité du yuan par rapport au dollar. Bien que les commentaires aient vite tourné au vinaigre à Washington, quand il est apparu que la direction chinoise n’était pas unanime à ce propos et qu’il ne fallait probablement pas attendre de concrétisation significative de ce changement de position. On parle de 5% maximum de réévaluation progressive d’un côté, on attend 40% de l’autre. L’affaire est donc en suspens, les membres du Congrès qui avaient annoncé vouloir prendre des mesures de rétorsion ont donc gardé l’arme au pied, dans une ambiance qui ne s’améliore pas mais qui ne devrait pas trop ternir la fête du G20.

Mais toute question mérite sa réponse. Que va-t-il pouvoir être retenu du G20 de Toronto ? La réponse s’impose: qu’il va s’être tenu en même temps qu’était serré le dernier boulon de la réforme de la régulation financière américaine, sous les auspices réunis du Congrès, de l’administration Obama et des lobbies des mégabanques. Un parrainage qui ne sera pas revendiqué – encore que, on ne sait jamais – mais qui symbolisera dans l’avenir la radicale incapacité dans laquelle ont été les représentants du capitalisme financier de faire face à sa propre implosion. Celle d’aujourd’hui, ainsi que sa suite qu’ils programment dans ce que l’on va leur accorder dans notre grande mansuétude être de l’ingénuité.

De petites inconnues subsistent encore, mais ce n’est pas trop s’avancer que de dire que ce monument de loi de quelques 1.600 pages est un véritable désastre de plus, comme s’il en manquait dans ce pays dont on découvre progressivement ce qui l’attend. Qui ne sera annoncé qu’une fois passé le cap des mid-terms de novembre, ces élections de mi-mandat redoutées, selon une étonnante loi – toujours vérifiée – qui veut que les consultations électorales doivent être dépassées pour que les mauvaises nouvelles soient annoncées.

Jour après jour, on apprend en effet combien le pays est miné par la crise que Washington tient à coup de déficit budgétaire à bout de bras. On comprend comment cette énorme bad bank que représentent Fannie Mae et Freddy Mac (qui garantissent près de la moitié de l’encours du crédit immobilier américain, le dernier chiffre connu étant de 5.300 milliards de dollars) est ce que les Américains appellent une time bomb, une bombe à retardement dont ils ne savent pas arrêter le mécanisme. Traînant une dette de 900 milliards de dollars qui n’est pas comptabilisée dans le déficit public américain. On redoute, pour finir, non seulement la poursuite de la crise immobilière mais surtout la profondeur et l’intensité de la crise sociale qui s’annonce, assortie de conséquences politiques imprévisibles.

Cette question n’est pas à l’ordre du jour de Toronto, qui va s’occuper des affaires sérieuses. L’encadrement des bonus par exemple, selon un document de vingt pages pour ne rien dire de l’administration américaine, sorti juste à temps pour meubler le G20.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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