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En
Grande-Bretagne, la coalition conservatrice-libérale est ébranlée par un
rapport sur la répression de la toxicomanie. Norman Baker, l’un des
principaux ministres du parti libéral-démocrate (Lib-dem) a annoncé sa
démission, accusant la ministre de l’intérieur, Theresa May, de bloquer tout
débat rationnel sur les politiques publiques en matière de drogue. M. Baker,
ministre d’État au Home Office, en charge de la prévention reproche à sa
ministre de tutelle, du Parti conservateur, d’avoir tenté d’enterrer un
rapport officiel qui démontre que les politiques répressives ne conduisent
pas à une diminution de la consommation de drogue.
Dans une
interview publiée le 3 septembre par le quotidien The Independent, M.
Baker a comparé son travail avec Mme May à « une marche dans la
boue », chacune de ses actions étant entravée par les partenaires de la
coalition. À l’origine du désaccord, une comparaison internationale sur les
politiques publiques en matière de toxicomanie. L’étude conclut qu’il
n’existe aucun lien entre la répression des drogues et leur usage. Les
conservateurs, ancrés dans leur vieille politique prohibitionniste, ont tardé
à publier le rapport et refusent d’ouvrir un débat sur une approche plus
libérale, défendue par M. Baker. Le Premier ministre, David Cameron, répète
son rejet de tout changement : « Je ne pense pas qu’il faille
décriminaliser les drogues aujourd’hui interdites. Je suis père de trois
enfants et je ne veux pas leur envoyer le message que prendre de la drogue
est acceptable ».
« L’époque
d’une certaine rhétorique mécanique écervelée est révolue, parce que les
faits et les preuves ne la permettront plus longtemps » répond l’ancien
ministre, accusé de mollesse par le camp conservateur. « Je pense
qu’être mou en matière de drogue, c’est prétendre qu’il n’y a pas de
problèmes aujourd’hui (…) Si quelqu’un est mou en matière de drogue, ce sont
mes collègues conservateurs, parce que ce sont eux qui permettent le maintien
d’un système où les dealers s’enrichissent et où les utilisateurs sont
sanctionnés mais continuent à se droguer. »
La répression
de la toxicomanie cristallise les conflits au sein de l’actuelle coalition
britannique. Musicien amateur, Norman Baker s’est lui-même comparé à un
hippie égaré au milieu d’un concert d’Iron Maiden. « Certains ne voient
pas un gouvernement de coalition, mais un gouvernement conservateur avec les
lib-dem dedans. Ne sommes presque un coucou dans le nid plutôt qu’un
partenaire de gouvernement. » Habituée à des gouvernements politiquement
homogènes, la Grande Bretagne peine à s’accommoder d’un régime de coalition.
Pourtant, l’arrivée
prochaine de l’UKIP au Parlement risque bien de pérenniser cette nouvelle
forme de gouvernement.
La proximité
des élections générales, qui se tiendront en mai 2015, éclaire la stratégie
des Lib-dems dans ce conflit. Tout indique qu’ils feront les frais du
prochain émiettement des voix et que leur statut de troisième parti sera mis
en cause par le succès de l’UKIP et des partis nationalistes portés par la
dynamique du référendum en Écosse. Il s’agit donc pour eux de se positionner
clairement sur un sujet qui a le vent en poupe au niveau mondial. Après le
Portugal qui a complètement décriminaliser l’usage des drogues avec succès,
ce sont les États américains qui légalisent le cannabis les uns après les
autres. Le Colorado a montré l’exemple, et lors des dernières élections,
c’est l’Oregon, l’Alaska et Washington DC qui ont suivi. Il s’en est fallu de
très peu que la Floride se joigne à eux. Les Lib-dems anglais cherchent donc
manifestement à suivre le mouvement et à placer la question de la prohibition
au cœur de la prochaine campagne électorale.
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