Alors que se clôt ce mois d’octobre bien rempli et que pointe un mois de Novembre dont on se doute qu’il ne sera ni douillet, ni réjouissant, la période automnale se fait propice aux commémorations. Les tombes sont refleuries, la flamme des soldats tombés pour le pays ravivée, et c’est le moment où les vivants se souviennent de leurs morts.
À commencer, bien sûr, par ceux qui nous dirigent encore aujourd’hui, bien au-delà de la métaphore de Maurice Druon. Et alors que les fêtes de Halloween se rapprochent maintenant à chaque minute, nous pouvons même passer en revue les différentes créatures de l’au-delà qui ont envahi le territoire.
Dans un titre évocateur, Atlantico évoquait d’ailleurs il y a quelques jours les politiques-zombie, ces fameux indécrottables du retour : la France est un pays étrange où, après avoir été battus plusieurs fois par les urnes, les politiciens ne peuvent pourtant renoncer à briguer, encore et toujours, le pouvoir. Là où, dans les autres pays, la fin de non recevoir d’une élection signe généralement l’arrêt de leur carrière politique (entend-on encore parler des Bush, Carter, Major ou même Schröder ?), la France peut s’enorgueillir de devoir se cogner, encore et encore, ses anciens présidents dont les petites phrases marquent régulièrement la vie politique française.
Même les perdant(e)s de l’élection présidentielle semblent les berniques indécrochables du rocher politique, les zombies indécanillables du paysage politique français : l’évident désastre au Front National devenu Rassemblement n’a pas suffi à nous débarrasser de Marine Le Pen. Pour Ségolène Royal, elle sévit toujours, malgré la catastrophe financière en Poitou-Charentes, la contre-performance mémorable lors du débat d’entre deux-tours en 2007, ses échecs électoraux multiples et cuisants ou ses incessantes saillies consternantes sur tous les sujets, surtout ceux qu’elle ne maîtrise absolument pas.
Si le pays devait se contenter de ça, il ne s’en sortirait pas trop mal.
Las. Ce serait sans compter sur ses administrations cadavériques !
Est-il vraiment besoin de passer en revue nos plus belles institutions qui, toutes, ont amplement prouvé leur caractère toxique à un moment ou un autre ? Sans même s’appesantir sur l’amie des entrepreneurs qui ne veut que leurs biens (tous leurs biens), force est de constater que chaque administration du pays a tourné au vinaigre d’une façon ou d’une autre et que la plupart ne sont plus que des cadavres ambulants, robotiques et néfastes, appliquant sans latitude ou la moindre humanité des directives, règlements, décrets et circulaires jusqu’à ce que mort (sinon physique, au moins sociale) de l’assujetti s’en suive.
Pôle Emploi, l’Éducation Nationale, Justice, police ou gendarmerie (dont les membres sont plus souvent utilisés à tabasser les automobilistes qu’à arrêter des criminels, ces derniers étant souvent bien plus dangereux), les exemples se suivent et se ressemblent tous dans leur capacité à déclencher la consternation.
Même l’ENA montre des signes évidents de gangrène avancée.
À ces effrayantes administrations cadavériques, il faut de plus ajouter les ministres fantômes, ceux du gouvernement actuel et des précédents, dont le maroquin n’évoque pas grand chose, dont le nom vous est quasiment inconnu, et dont la seule trace réellement palpable furent les émoluments versés qui sont, eux, bien réels.
Même dans les postes traditionnellement présentés comme les plus importants, on peine de plus en plus à voir la réalité de l’action que les ministres prétendent entreprendre. Nos ectoplasmes politiques savent se faire remarquer comme esprits cogneurs, tant la bastonnade fiscale ou simplement taxatoire est commune, mais ils peinent tous à s’imposer dans le monde physique, réel et concret.
C’est ainsi que l’absence de tout ministre de l’Intérieur pendant 15 jours n’a semble-t-il gêné ni la République, ni le peuple français. Et en pratique, force est de constater que le remplacement n’a toujours pas été fait puisque tout le monde sait que le benêt qui tient le maroquin actuellement n’a ni la carrure, ni le réseau ni même l’intelligence de base pour tenir un poste pareil : évanescent, inconsistant, vaporeux, l’actuel spectre rigolo qui occupe la place Beauvau arrivera-t-il un jour à passer dans notre plan astral et prendre, miraculeusement, la mesure des problèmes qui agitent le pays ? On peut raisonnablement en douter.
Dans ce bestiaire des créatures d’outre-tombe, il serait difficile d’oublier tous les économistes sorciers, ces paléo-collectivistes ranimés à grosses bouffées d’encens marxiste, qui rôdent dans nos bois, nos campagnes, nos villes et nos villages, l’œil hagard et l’esprit coincé sur des concepts qui ont pourtant tous largement démontré à la fois leurs principes délétères et leurs applications catastrophiques.
Dans cette catégorie, les économistes enterrés — qu’on n’aurait jamais dû exhumer — en représentent véritablement le meilleur échantillon : contaminant toute la société française par leurs discours consternants, ils nous rappellent tous que le pays continue de subir les assauts tous les jours plus vifs d’une gauche momifiée sur ses idées de début de siècle (le XXème, pas le XXIème, malheureusement) au point d’arriver à faire raconter n’importe quelle ânerie à des ministres aux esprits suffisamment embrumés pour confondre « gratuit » avec « payé par tout le monde ».
Il nous faudra ensuite évoquer le lancinant problème du principal château hanté de notre République, cet Élysée où l’on entend parfois, alors que le soir tombe, les rires cristallins et primesautiers d’un enfant arrivé là bien trop tôt, suivis des petits grincements d’une vieille femme acariâtre, ronchonnant sur les sottises que le gamin zézaye devant l’une ou l’autre caméra.
Comment ce château, jadis bien occupé, a-t-il hérité de ses fantômes ? Combien de désillusions, combien de trahisons, de compromissions, de honte et d’infamie les nobles pierres de cet édifice ont-elles subies sur les dernières décennies pour aboutir à cette hantise ?
Mais de toutes ces malédictions, de tous ces zombies, savants fous et autre goules terribles, le plus grand, le plus malin, le plus démoniaque est sans aucun doute l’État vampire qui sévit sur tout le territoire, sans arrêt, sans limite et sans pitié : depuis le berceau jusqu’au cercueil, il rôde toujours autour de vous, et vous sucera votre richesse, votre force vitale, votre sang jusqu’à votre épuisement. Ses capacités sont telles qu’il vous ponctionnera même par delà la mort.
Cet État, c’est celui qui, lorsque vous n’y ferez pas attention, vous brisera vos deux jambes, vous volera ensuite votre argent pour acheter un fauteuil roulant dans lequel il vous placera en vous intimant l’ordre de le remercier pour sa gentillesse, avant de vous pousser, vous et le fauteuil, du haut d’une haute falaise.
Non, décidément, aucun doute : bien plus qu’aux ordre d’un cadavre, la France en est maintenant peuplée.