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La route est longue, très longue

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Published : December 28th, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

Quelqu’un a-t-il une idée du temps que tout cela va encore durer ?

Il semble que non, puisque plus personne ne se hasarde à dire « je vois les jeunes et tendres pousses vertes de la croissance revenue » et que le meilleur discours sur la crise consiste dorénavant à ne plus en avoir. En l’escamotant, ou en la présentant sous le nouveau jour de l’apocalyptique dette publique. En montant en épingle d’autres catastrophes imprévues, comme de redoutables épisodes neigeux en plein hiver, à moins qu’un médicament et un laboratoire ne fassent scandale parce qu’ils tuent, sans qu’aucune responsabilité ne soit – prenons en les paris – jamais établie.

Il fallait fureter dans les pages intérieures du Wall Street Journal, en bas de colonne, pour trouver ce matin « une intéressante information » apportant un début de réponse à cette question. La mégabanque Crédit Suisse vient de vendre un paquet d’actifs pourris à un hedge-fund dénommé Apollo, dans des conditions et un contexte qui méritent d’aller y voir de plus près. Car elle va sortir de son bilan 2,8 milliards de dollars d’actifs hypothécaires pour les vendre 1,2 milliards de dollars, soit après une décote de tout de même 58%.

S’agit-il de subprimes américains particulièrement toxiques, que la banque se serait laissé refiler dans l’euphorie d’une période où tout était possible et permis ? Que nenni ! On apprend qu’il s’agit de prêts dans le secteur de l’immobilier commercial, pour des immeubles et des hôtels dans ces pays particulièrement sinistrés que sont l’Allemagne, le Danemark, la Suisse et la France. Où va-t-on si l’on en est là  ?

Visiblement, ce sont les moins toxiques des actifs en portefeuille qui ont été cédés, mais une décote de 58% a du néanmoins être opérée pour pouvoir faire l’affaire. Quelle sera alors son ampleur pour les plus toxiques ? Mais tel n’est pas le commentaire du Wall Street Journal, qui veut y voir le signal que les affaires reprennent, puisqu’un hedge fund se lance dans une telle opération, nécessairement profitable tant leur avidité est reconnue.

Est-ce bien si certain ? Le détail de l’accord entre le Crédit Suisse et Apollo n’est bien entendu pas connu. On sait toutefois que la banque à prêté à ce dernier les fonds pour que l’opération soit possible, à un taux qui n’a pas été divulgué, et qu’elle entre au capital de la joint-venture créée à cette occasion, pour un montant qui ne l’est pas plus.

Il fallait que la mariée ait les plus beaux atours pour que le mariage arrangé puisse se faire. En d’autres termes, que ne ferait-on pas pour se débarrasser d’actifs encombrants, afin de nettoyer son bilan ? Quitte à inclure dans le deal une sorte de clause de retour à meilleure fortune, un partage des bénéfices au cas où finalement l’opération en dégagerait…

Surpris à l’époque par les événements, le Crédit Suisse avait du interrompre ses opérations coutumières de titrisation de ses actifs hypothécaires, qui lui permettaient de se financer sur le marché. Il faut maintenant s’en débarrasser autrement, car le marché de la titrisation est sinistré et l’on ne sait pas comment le faire repartir. Si l’opération du Crédit Suisse signifie quelque chose, c’est d’abord cela : des montages financiers de fortune doivent être mis sur pied afin de liquider le passé, quitte à mettre la main à la poche.

Fait nouveau, de premiers hedge funds se préparent à prendre la suite d’Apollo, sentant la bonne affaire. Espérant une réédition des années 90 aux Etats-Unis, lors de la crise des caisses d’épargne où des actifs avaient été bradés. Ou quand la FDIC, régulateur des banques américaines, revend à des prix cassés des actifs récupérés dans les banques régionales en faillite. Mais l’histoire va-t-elle se répéter à l’identique ? La décote de près de 60% sera-t-elle suffisante pour que l’affaire retombe sur ses pieds ? La suite du test en cours le dira peut-être… Car s’il faut rendre cette justice aux financiers qu’ils savent créer des marchés, on est fondé à se demander s’ils n’ont pas un peu perdu la main…

Comment les hedge funds se préparent-ils de leur côté à procéder ? Tout à leur rôle de vidangeur financier, ils deviennent les sous-traitants des mégabanques, associés aux pertes comme aux profits du nettoyage de leurs bilans, dans un secteur du prêt hypothécaire connu pour être lourd de menaces à venir. Devenus propriétaires après décote de prêts dont le remboursement est douteux, ils peuvent les restructurer ou bien vendre les biens correspondants après saisie, s’ils trouvent preneur. A eux de jouer en espérant ne pas être les dindons de la farce !

Un secteur de la shadow economy s’apprête à tendre la main aux mégabanques, illustration supplémentaire de l’étroite imbrication de ces deux mondes. La saison des fire sales (vente à la casse) a commencé. Mais seules les banques en ayant les moyens vont pouvoir y participer et seul le dessus du panier de leurs actifs toxiques va pouvoir prétendre à ce traitement de faveur.

Combien de temps ce dégazage va-t-il durer ? Selon le FDIC, les banques américaines détiendraient encore 1.600 milliards de dollars de prêts dans l’immobilier commercial.

La route est longue, très longue, voilà tout ce que l’on peut répondre.



Paul Jorion

pauljorion.com

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

 

 

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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