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Au cours des dernières
semaines, la grande majorité des organisations et des
économistes canadiens, inspirés par les folies
dépensières de Bush et d'Obama et par
la logique keynésienne de « soutien à la
demande », ont suggéré au ministre des Finances Jim
Flaherty de présenter dans son prochain budget un plan de
dépenses avec ou sans réduction d'impôt. Il y a
unanimité sur l'inévitabilité et la
nécessité d'un déficit.
L'Institut C.D. Howe s'est un peu
distingué récemment en proposant des réductions
d'impôt importantes pour encourager les investissements, sans
augmentation majeure de dépenses, ce qui implique toutefois aussi
un manque à gagner budgétaire. Cette logique, même si
elle est bien moins néfaste que la précédente, n'est pas
non plus une solution appropriée. On peut bien remettre de l'argent
dans les poches des contribuables et des entreprises mais l'important n'est
pas simplement de transférer de l'argent, mais des ressources
réelles.
De l'argent, le gouvernement peut en trouver à la tonne en l'empruntant
ou en l'imprimant, comme il l'a fait pendant la période de boom
inflationniste qui a mené au présent krach. Un boom
inflationniste ne crée cependant par plus de ressources
réelles (on parle ici de main-d'oeuvre,
de matériaux, de machines, d'édifices, etc.), même s'il
en donne l'illusion. On pensait que cela générait de la
prospérité; en fait, quelques secteurs comme l'immobilier ont
connu une bulle insoutenable, l'endettement a atteint des niveaux record et
on a dilapidé le capital qui aurait dû être investi dans
des secteurs qui correspondent à une demande réelle et
solvable.
Ce qu'il faut pour
permettre à ces déséquilibres de se purger graduellement
et à l'économie de se réajuster, c'est une migration des
ressources réelles des secteurs qui ont été
artificiellement gonflés vers ceux qui n'ont pas pu croître
autant qu'ils auraient dû dans un contexte normal.
Ainsi, une certaine
proportion des travailleurs de la construction doivent cesser
de construire des maisons à prix fou qui ne se vendront pas
à moins qu'on continue à distribuer des hypothèques
à des acheteurs insolvables, et trouver du travail dans un autre
domaine. Les génies du secteur financier qui concoctaient des formules
alchimiques pour justifier la vente de titres sans valeur doivent aussi se
trouver des emplois plus productifs. Partout dans l'économie, des
ressources réelles mal employées doivent d'abord être
liquidées (ce qui implique temporairement du chômage, des ventes
de feu, des fermetures d'usine, etc.) pour pouvoir se trouver un usage plus
approprié où une richesse réelle sera produite de
manière durable.
Pour que cela se
produise, le gouvernement ne doit rien faire pour l'en empêcher. Moins
il y aura d'entraves à cette migration des ressources, plus ce
processus se produira rapidement et moins la crise sera longue. La pire chose
à faire est de répéter les erreurs de la Grande
Dépression, pendant laquelle les gouvernements ont pratiquement tout
fait ce qu'il était possible de faire pour décourager les
entrepreneurs et les investisseurs. La meilleure façon de contribuer
à accélérer la reprise serait plutôt pour le
gouvernement de s'enlever du chemin, d'éviter lui-même
d'accaparer des ressources et même de rendre disponible au secteur
privé des ressources qu'il utilise mal.
Les plans de
dépenses et de travaux publics gigantesques par le gouvernement ont
simplement pour effet d'empêcher ce réajustement. Le
gouvernement accroît en effet dans ce cas sa demande pour des
ressources réelles qui, au lieu d'être disponibles et de voir
leur prix baisser, sont encore moins à la portée des
entreprises qui souhaiteraient en employer davantage.
Les
dépenses du gouvernement sont la plupart du temps basées sur
des justifications politiques et non économiques. Elles ne
correspondent pas nécessairement à une demande réelle.
Le gouvernement les finance avec des impôts qu'il a soutirés aux
contribuables et aux entreprises. On enlève d'une main ce qu'on
redonne de l'autre, en créant du gaspillage et des distorsions
additionnelles en route. C'est pourquoi augmenter les activités du
gouvernement n'a pas pour effet de « soutenir
l'économie », comme le répètent
quotidiennement dans les médias les illettrés
économiques, mais bien de la couler encore davantage.
Ces dépenses
publiques ne sont pas plus justifiées en période de
ralentissement alors que des ressources semblent être
inutilisées (des travailleurs qui sont au chômage ou des usines
qui sont fermées) et qu'on se dit qu'il est tout de même
préférable de les occuper à quelque chose. Avant de se
trouver un usage plus pertinent, une ressource doit nécessairement passer
par une période d'inactivité. Un réajustement prend
nécessairement du temps. En venant s'accaparer ces ressources pour les
activer de manière artificielle parce qu'il veut absolument intervenir
à court terme, le gouvernement les empêche de trouver un usage
plus productif dans le secteur privé et court-circuite donc la reprise
à moyen terme.
La proposition de
l'Institut C.D. Howe a le mérite de limiter les dégâts
des plans de dépenses keynésiens. Sauf qu'en réduisant
les impôts des entreprises et des contribuables sans diminuer
les dépenses de l'État, on ne fait que placer le secteur
privé et le gouvernement en concurrence l'un avec l'autre pour
l'obtention de ressources réelles. Qui va obtenir les ressources qui
correspondent à ces fonds de 26 milliards $ que le gouvernement
retourne en baisse d'impôt mais qu'il continue aussi à
dépenser en s'endettant?
Il n'est pas du tout
évident que ce soit le secteur privé qui en ressorte gagnant.
Le gouvernement peut se permettre d'offrir un prix plus élevé
(ou des salaires plus élevés) que des entreprises pour ces
ressources, puisqu'il n'a aucune exigence de rentabilité. En
finançant ses dépenses par la dette, le gouvernement vient
aussi chercher dans l'économie réelle l'épargne qui
pourrait servir à autre chose. Si les fonds additionnels
dégagés par les baisses d'impôt se retrouvent à
financer les dépenses du gouvernement (par l'achat de bons du
Trésor), il n'y a en fin de compte rien de changé. Le
gouvernement continue d'accaparer autant de ressources, la seule
différence étant qu'il s'est endetté pour continuer
à les utiliser.
La seule solution pour
transférer concrètement des ressources réelles du
secteur public au secteur privé est donc simple: réduire les
impôts et réduire les dépenses du gouvernement,
c'est-à-dire diminuer réellement la demande de l'État
pour des ressources réelles. Dans ce cas, les fonds
libérés vont concrètement permettre aux entreprises
d'avoir accès à plus de ces ressources réelles, et
à meilleur prix parce qu'elles n'auront pas des organismes
gouvernementaux comme concurrents.
Il faut souligner le
courage et la présence d'esprit de mos amis de l'Institut Fraser qui,
le 12 janvier dernier, conseillaient au ministre des Finances non seulement de
réduire les impôts, mais aussi de réduire les
dépenses et de maintenir le budget équilibré.
Depuis tout le début de la crise, il s'agit de la première
intervention publique par des individus ou des organisations au Canada qui va
dans ce sens.
L'Institut Fraser
avait mal commencé ses interventions dans cette crise lorsque son
président, Mark Mullins, un économiste néoclassique
incohérent et confus comme la plupart de ses collègues qui ne
connaissent pas l'économie autrichienne, avait stupidement affirmé à l'automne que
des crises de ce genre sont normales parce que le capitalisme est un
système fondamentalement instable. Selon lui, le gouvernement se
devait d'intervenir pour empêcher la crise mais pas trop et seulement
temporairement pour éviter de politiser l'économie. On a
vraiment besoin que de prétendus défenseurs du libre
marché viennent alimenter de la sorte les clichés marxistes
qu'on entend un peu partout!
Même s'il
n'utilise pas les mêmes arguments autrichiens que je présente
ci-dessus, l'économiste senior de l'Institut, Niels Veldhuis, explique
au moins clairement que le gouvernement est un poids mort dans
l'économie et qu'il doit lui aussi réduire ses dépenses,
comme le font tous les Canadiens:
The most effective way for the federal
government to help the Canadian economy is to reduce government spending and
permanently decrease personal income and business taxes, says Niels Veldhuis, Fraser
Institute senior economist.
"Canadians would benefit tremendously from tax relief aimed at improving
incentives to work, invest, and engage in entrepreneurial activities. Incentive-based
tax relief would improve Canada's
competitiveness and provide a solid foundation for a vibrant economy
unburdened by increased government debt in years to come," Veldhuis said. (...)
"Increasing government spending―whether
it's on bailouts for inefficient industries or increased unemployment benefits―will lead to a deficit that will saddle
Canadians with higher taxes in the future. There's no need for Canada to run
a deficit other than a politically motivated desire to do so," Veldhuis said. (...) "Our government needs to follow
the lead of many Canadian households and begin by trimming the fat, not
taking on more debt."
La politique étant ce qu'elle
est, le ministre des Finances et ses apparatchiks ne vont évidemment
pas suivre ces conseils et s'appuyer sur la logique économique pour
rédiger le budget du 27 janvier, mais plutôt sur la
rentabilité politique. Les dernières rumeurs sont que le
déficit pourrait atteindre 40 milliards de dollars. Le Canada
s'apprête donc à s'enfoncer de nouveau dans le cercle vicieux de
l'endettement, comme au début des années 1970. Seul parmi les
pays du G7, il en était sorti de peine et de misère depuis le
milieu des années 1990. Est-ce que ça prendra encore une fois
25 ans avant de voir la lumière au bout du tunnel?
Martin
Masse
Le Quebecois
Libre
Martin
Masse est né à Joliette en 1965. Il est diplômé de
l'Université McGill en science politique et en études
est-asiatiques. Il a lancé le cybermagazine libertarien
Le Québécois Libre
en février 1998. Il a été directeur des publications
à l’Institut économique de Montréal de 2000
à 2007. Il a traduit en 2003 le best-seller international de Johan Norberg, Plaidoyer
pour la mondialisation capitaliste, publié au Québec par
l'Institut économique de Montréal avec les Éditions
St-Martin et chez Plon en France.
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