Le 15 mars, la Réserve Fédérale
(Fed) a pris la décision de rehausser le taux des fonds fédéraux de 0,25
point de base, pour porter le taux officiel à 0,75 – 1,00 pourcent. C’est une
décision qui était largement attendue. En revanche, le marché semble avoir
été surpris par la réaffirmation de la Fed du maintien de son objectif de
trois hausses des taux sur l’année 2017, parce que l’inflation est déjà
repartie à la hausse. En février, l’indice des prix à la consommation avait
gagné 2,7% sur un an, alors que le « taux d’inflation de base » s’affichait
à 2,2% - au-dessus de l’objectif typique de 2%. En conséquence, les taux d’intérêt
américains de court terme, une fois ajustés à l’inflation, s’élèvent à
environ -1,7%.
La lenteur avec laquelle la Fed
rehausse ses taux d’intérêt suggère qu’elle n’est absolument pas pressée de
mettre fin à la dévaluation continuelle des soldes monétaires et de la dette
libellés en dollars. Il y a, en revanche, une raison pour laquelle la Fed
pourrait vouloir maintenir les taux d’intérêt réels en territoire négatif :
si le taux d’intérêt que doivent verser les emprunteurs sur leur dette est
inférieur au taux de croissance de l’économie, alors le ratio dette/PIB de l’économie
décline au fil du temps, ou augmente moins rapidement, même si les
emprunteurs continuent de s’endetter.
Aux Etats-Unis – comme dans
toutes les autres nations industrialisées du monde – les taux d’intérêt ont
été réduits par les politiques adoptées par les banques centrales ces
quelques dernières décennies, alors que les dettes publiques n’ont cessé de
grimper. Grâce aux réductions des taux d’intérêt par les banques centrales,
les versements d’intérêts sur les dettes publiques ont également été réduits.
Parce que les taux d’intérêt réels des Etats-Unis se sont maintenus bien
en-dessous de zéro depuis le début de l’année 2008, le fardeau de la dette américaine
a été considérablement allégé. Il est donc évident que la marge de manœuvre de
la Fed ait été substantiellement réduite.
Si elle rehaussait les taux d’intérêt
en termes réels, le budget américain devrait faire face à une hausse de ses
versements d’intérêts – ce qui, politiquement parlant, est indésirable. De
plus, une hausse des coûts d’emprunt aurait des conséquences néfastes sur les
cycles économiques, notamment parce que la très longue période sur laquelle
les taux d’intérêt ont été maintenus artificiellement bas a vu la
consommation et l’investissement devenir de plus en plus dépendants du
maintien des politiques de faibles taux d’intérêt. A vrai dire, les
structures de la production et de l’emploi qui ont été établies sur les taux
d’intérêt maintenus artificiellement bas se désintègreraient si les taux
recommençaient à grimper.
Le régime actuel de taux d’intérêt
exceptionnellement bas a été accompagné d’une expansion de la masse monétaire
au travers de l’expansion du crédit bancaire. Cette pratique dévalue non
seulement la devise, elle accroît également le niveau d’endettement et donc
le risque de défaut du système international de la monnaie et du crédit. Si
elles se retrouvaient poussées jusque dans leurs retranchements, les banques
centrales – sous la direction de la Fed – feraient tout le nécessaire pour
empêcher la pyramide de la dette de s’effondrer. Et pour empêcher un tel
évènement de se produire, les banques centrales maintiendront les taux d’intérêt
où ils se trouvent, et continueront d’imprimer toujours plus de monnaie pour
maintenir les emprunteurs à flots.
Voilà selon moi la vérité
derrière la tentative sans conviction de la Fed de rehausser les taux d’intérêt
en termes nominaux et réels. Tant que la Fed souhaitera voir se poursuivre le
cycle d’expansion artificiel généré par l’émission sans précédent de devises
fiduciaires, il y a de fortes chances que les taux d’intérêt, du moins en
termes réels, demeurent extraordinairement bas, et que les taux d’intérêt de
court terme demeurent en territoire négatif. Son petit jeu devrait se
poursuivre pendant encore quelques temps. Ceci étant dit, les investisseurs
et les épargnants devraient garder à l’esprit ce que l’école autrichienne d’économie
a à dire dans un tel contexte.
C’est Ludwig von Mises qui a d’abord
expliqué que le système de monnaie fiduciaire finirait par laisser place à
une inflation, parce qu’ :
…aux yeux du public, une inflation
plus importante et une expansion du crédit accrue sont les deux seuls remèdes
contre les maux causés par l’inflation et l’expansion du crédit.
Les propriétaires de devises fiduciaires
et d’obligations libellées en devises fiduciaires devraient se montrer
prudents. Il nous faut nous rendre à l’évidence : la tentative sans
conviction de la Fed semble aller main-dans-la-main avec la conclusion de
Mises.