Les
analyses de Willem Buiter,
économiste en chef de la mégabanque américaine Citigroup
après avoir été blogueur du Financial Times (*) et
professeur à la London School of Economics and Political Science, sont
attentivement suivies par tous ceux qui s’efforcent de
démêler les éléments de la crise
financière. Il a notamment été l’inventeur de la
stratégie de la création des good banks, dont il a
proposé la création par les pouvoirs publics, une fois
récupérés les dépôts des banques zombies
(une autre de ses expressions favorites), relégués ensuite au
rang de bad banks. A ce jour, cette orientation a été
très soigneusement écartée par ceux qui auraient pu la
décider.
En
dépit de sa nouvelle situation, certaines de ses analyses restent
accessibles. Une toute récente étude de 84 pages, en anglais et
avec beaucoup de données chiffrées, est disponible ici. Sous la forme
d’une interview, une version résumée de ses conclusions a
paru dans le quotidien Français les Echos de ce lundi, que l’on
trouve ici.
L’intérêt
de l’analyse de Willem Buiter est en premier lieu de resituer la crise
de la dette publique européenne dans son contexte mondial, et
notamment américain. Et d’annoncer qu’elle va se
généraliser. En second, de mettre en évidence
qu’il n’y a pas de solution à cette crise s’il
n’est pas pris en compte celle de la dette bancaire, dont il propose
également une restructuration.
L’ennui
est, pourrait-on ajouter, que ce n’est pas spécialement cette
voie qui est actuellement empruntée. La logique de celle qui est
adoptée en Europe est un accroissement des coupes budgétaires,
car une augmentation de l’imposition des revenus élevés
– notamment sur les revenus financiers – et la perception
d’un réel impôt sur les mégasociétés
sera écartée. De lourdes conséquences sociales et
politiques sont à attendre de la poursuite de ce processus.
Toute
vision de la situation actuelle qui s’en tiendrait uniquement à
l’agitation politique actuelle des gouvernements européens manquerait
de ce point de vue l’essentiel. C’est le sauvetage à tout
prix du système financier qui est à la base de
l’approfondissement de la crise. Plus encore que l’intransigeance
allemande et ses effets déjà constatés dans les pays périphériques,
le plan britannique, qui ne lui doit rien, l’illustre clairement.
En
faisant ce qu’il ne faut pas faire, les Européens montrent donc
à la voie. Aux Etats-Unis, comme l’évoque Willem Buiter,
le détonateur de la suite pourrait être la crise des finances
des Etats et des municipalités, dont certains se dirigent vers un
défaut s’ils ne sont pas aidés par l’Etat
fédéral, ce qui augmenterait le déficit
budgétaire au lieu de le réduire. Dans un contexte
évidemment très différent, la ressemblance avec la
situation européenne s’impose.
Le
démarrage de la phase II de la crise met clairement à nu
que le système connaît depuis le début une crise
d’insolvabilité, qui ne pourra être réglée
que par une décote d’ensemble de la dette globale publique et
privée et un redimensionnement du système financier. La machine
à faire de la dette – et les intérêts qui
l’accompagne – a été trop mise à
contribution, le capitalisme financier a failli là où il prétendait
exceller.
Les
dénis et atermoiements actuels des gouvernements occidentaux ne
peuvent qu’aboutir à un approfondissement de la crise sociale,
voulant faire payer aux contribuables (ainsi qu’à ceux qui ne
sont mêmes pas imposables) une addition qu’ils ne peuvent
régler.
La
vérité est dure à avaler, car elle n’est pas
soluble dans l’eau.
——–
(*) Son blog s’appelait Maverecon, contraction de Maverick et
Economist, que l’on pourrait traduire par Economiste non
conventionnel, ou encore par franc-tireur, au sens non militaire
du terme !
La
place étant laissé vacante, il pourrait être suggéré
de reprendre cette appellation pour qui nous savons. Lui demandant son aide
pour la traduction, sans dévoiler mes intentions, il m’a
proposé celle d’Electronomiste libre, plus
élaborée. D’autres suggestions ?
Billet rédigé
par François Leclerc
Paul Jorion
(*)
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ou en partie à condition que le présent alinéa soit
reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste
presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs
et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il
le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut
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