L’image la plus parlante et symbole de l’inflation
allemande, c’est le raz de marée de papier monnaie
créé par les imprimeries réquisitionnées à
cet effet et qui a littéralement inondé l’Allemagne. La
bataille contre cette inflation a été difficile, tragique et
souvent ridicule et l’on raconte encore d’innombrables anecdotes
à son propos. Une jeune allemande l’a résumé de la
manière suivante: “On pouvait voir les facteurs dans la rue avec
des sacs sur le dos ou poussant des voitures d’enfants chargées
d’une monnaie papier qui serait dévaluée le jour suivant.
La vie n’était que folie, cauchemar, désespoir et
chaos. »
La cause principale de cet état de fait
était la politique de la banque centrale, la Reichsbank,
qui consistait à imprimer toujours davantage de papier monnaie pour
contrecarrer le coût de la première guerre mondiale et les
Réparations. Le mark chutait sur tous les marchés de devises
internationaux et l’inflation faisait rage.
L’inflation a atteint son paroxysme en
1923, année durant laquelle elle cumula 300 millions de pourcents au
cours des cinq derniers mois. Lorsque l’inflation fut finalement
stoppée grâce à l’introduction du Rentenmark en 1923, le taux de change était de 4
200 milliards de marks pour un dollar US soit 4 200 000 000 000 marks.
Les effets
de l’inflation
Les prix et les revenus changeaient quotidiennement. Un ancien
étudiant se souvient : « Un beau jour, je me suis assis
dans un bistro pour prendre un café. Quand je suis entrée le
prix affiché était de 5 000 marks, soit environ la somme que
j’avais en poche. Je me suis installé, j’ai lu mon journal
et j’avais donc passé environ une heure dans ce café au
moment où je demandais l’addition. Le serveur m’apporta
une facture de 8 000 marks. 8 000 marks et pourquoi, demandais-je ? Le
mark avait chuté sur l’entrefaite me répondit-on.
L’index basé sur le taux de change du dollar avait tellement
varié que le prix de mon café avait augmenté de 60%
pendant que j’étais tranquillement assis. Et je donnais donc
tout ce qui me restait au serveur
qui fut d’ailleurs assez généreux pour me laisser partir
ainsi.
Les gens qui ne convertissaient par leur
épargne en actifs tangibles (ou Sachwerte)
la perdait. Les retraites n’avaient plus aucune valeur et la classe
moyenne en était réduite à la pauvreté. Nombreux
étaient ceux qui mourraient de faim. Les conditions étaient si
dures que les gens mangeaient aussi de la viande de chien : environ 20
000 chiens furent abattus en vue d’une consommation humaine pour la
seule année 1923.
Le cas d’une banque qui a fermé le
compte d’un client parce qu’il n’avait que 68 000 marks et
donc pas assez pour justifier de la tenue de ce dernier est également
typique. « Comme nous n’avons pas de billets de banque
suffisamment petit à notre disposition, nous avons arrondi la somme
à un million de marks. Vous trouverez ci-joint un million de
marks ».
Monnaie
d’urgence
Le 17 juillet 1922, une loi a été
votée afin de permettre l’émission d’une monnaie
d’urgence dans certaines limites. Après cela, les banques
municipales, la société de transports ferroviaires les
autorités locales mais aussi les sociétés privées
ont commencé à imprimer leur propre monnaie. A la fin on a
estimé qu’environ 2 000 sortes de monnaies d’urgences
différentes étaient en circulation et que grand nombre
d’entre elles n’étaient pas autorisées.
De nombreuses municipalités, en contrepieds des billets émis
par la Reichsbank qui devenaient de plus en plus
moches et ternes, prenaient soin de donner à leur monnaie un aspect
attractif en soignant le design et en inscrivant des textes humoristiques
–souvent des vers ou en utilisant le dialecte local. Certains faisaient
de la publicité pour leurs industries locales en utilisant du cuir ou
du lin ou de la soie pour les imprimer. Une ville a même imprimé
de la monnaie sur du cuir utilisable pour fabriquer des semelles de
chaussures en tant que preuve d’une monnaie véritablement
résistante à l’inflation alors qu’une entreprise
privée avait promis au porteur « une livre de
seigle ».
Avant la première guerre mondiale, la plus
grosse coupure en circulation avait été celle de 1 000 mark, un
billet que l’on surnommait affectueusement le « tissu
marron ». Equivalent à environ 250 $, il était assez
peu courant avant le début de l’inflation. Aujourd’hui, un
billet en parfaite condition ne vaut pas plus que quelques dollars environ.
Surimpression
Pendant certaines phases de l’inflation le taux
d’inflation était tellement élevé que de grandes
quantités de billets qui étaient encore stockés dans les
coffres de la Reichsbank n’avaient plus
aucune valeur. Par exemple, le billet de 1000 Mark de 1922 avait
été tellement imprimé et ré-émis
plus qu’un million de fois à sa valeur précédente
«eine Milliarde
Mark » soit un milliard de marks..
De nombreux billets ont été trop
imprimés (sur-imprimés) comme par exemple le billet de 500
milliards de mark comme illustré ci-dessous.
Charleston
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