J’abordais
le 6 octobre dernier le sujet de la baisse de 5,7% des commandes passées aux usines allemandes,
la plus importante enregistrée depuis 2009.
Le
mois précédent, les commandes avaient gagné 4,9%, j'ai donc résumé la
situation en disant qu’en moyenne, « les commandes ont perdu 0,4% par
mois depuis deux mois. Nous atteignons donc un total de quatre mois de déclin
consécutifs ».
Les
chiffres de l'Allemagne ont été particulièrement volatiles en raison des
vacances scolaires, mais il n’y a aucun moyen
de décrire quatre mois de déclin autrement qu’en parlant de faiblesse
générale.
L’Allemagne réduit ses prévisions
Le
14 octobre, comme nous aurions pu nous y attendre, l'Allemagne a réduit ses prévisions économiques.
Contrairement aux prévisions optimistes qui ont été
émises il y a six mois et s’attendaient à une croissance de 1,8% en 2014 et
de 2% en 2015, le gouvernement s’attend désormais à ce que le PIB gagne 1,2%
en 2014, et 1,3% l’année suivante.
Ces chiffres font suite à la publication la semaine
dernière des chiffres manufacturiers, qui ont suscité des inquiétudes auprès
des officiels financiers réunis à Washington à l’occasion de la réunion
annuelle du FMI face à la faiblesse économique au cœur de la zone euro, qui
pourrait miner l’économie globale.
Malgré le pessimisme ambiant, Berlin pense encore que
l’Allemagne pourra éviter une récession, définie comme étant deux trimestres
de contraction successifs. Après un déclin de 0,2% au cours des trois mois
qui ont précédé le mois de juin, Berlin s’attend à avoir enregistré une
croissance au troisième trimestre, contrairement aux attentes de certains
économistes bancaires.
Les usines allemandes suppriment des emplois
Il est évident qu’une récession se développera en
Allemagne, mais quand ? Son modèle d’exportation s’en est bien mieux
tiré que ce à quoi nous aurions pu nous attendre au vu du ralentissement de
l’économie globale.
Nous avons désormais les preuves qu’une récession se
développera tôt ou tard en Allemagne. Voici un extrait de l’article German Companies
Tread Unfamiliar Territory with Job Cuts :
Alors qu’il y a quelques mois, l’afflux de containers
commençait à ralentir dans le port de Duisburg, les employés du plus gros
port fluvial du pays ont été prévenus que la machine d’exportation allemande
avait commencé à fléchir.
L’afflux de containers dans le port, qui est situé sur
le confluent du Rhin et de la Ruhr, était supposé regrimper cette année. Mais
au vu des docks et des sièges d’entreprises, la situation devient de moins en
moins certaine.
Les exportations allemandes ont perdu 5,8% en août
depuis le mois de juillet – leur plus grosse baisse depuis l’apogée de la
crise financière en 2009. L’économie risque désormais de sombrer dans la
récession, et le gouvernement a déjà réduit ses prévisions de croissance pour
2014 et 2015.
Avec le ralentissement de la demande chinoise, la
baisse des commandes russes et la situation dans laquelle se trouve
actuellement la zone euro, certaines compagnies n’ont plus rien qu’un surplus
de production et d’employés.
Les sociétés allemandes se serrent la ceinture.
Siemens, le conglomérat d’entreprises d’ingénierie, devrait supprimer des
postes dans le domaine de l’énergie, en raison d’une baisse de la demande
européenne en turbines à gaz. La compagnie a refusé de confirmer, lors d’un
récent rapport radio, l’éventuelle suppression de 1.200 postes sur un total
de 118.000 en Allemagne.
Martin Winterkorn, le
directeur général de Volkswagen, le plus gros fabricant automobile européen
en termes de ventes, a annoncé en juillet une réduction de coûts de 5
milliards d’euros par an qui pourrait inclure le recours à une main d’œuvre
temporaire.
Rainer Hundsdörfer, directeur
général d’EBM Papst, une usine familiale
spécialisée dans la fabrication de ventilateurs, a dit juger « important
de ne pas être trop pessimiste ». Il pense que l’Allemagne pourrait ne
faire l’expérience que d’un ralentissement temporaire et ne se trouve pas
nécessairement à l’aube d’une nouvelle crise.
Une sur-dépendance aux exportations
Selon Wolfgang Münchau, la
grande faiblesse de l’Allemagne est sa dépendance aux exportations.
L’une des grandes idées fausses concernant la zone euro
a été celle de la force innée de l’Allemagne – l’idée que les réformes en
matière de compétitivité aient transformé un traînard en un leader. C’est
complètement ridicule. Le modèle allemand repose sur la présence d’une
croissance insoutenable dans le reste du monde. Cette croissance touche
désormais à sa fin en Chine et dans une majorité de pays émergents, ainsi
qu’en Russie. Ce que nous avons vu la semaine dernière est ce qui se passera
une fois que le monde retrouvera un équilibre commercial : l’Allemagne
enregistrera une croissance économique moindre.
Auparavant, la caractéristique principale de la zone
euro a été une croissance importante au centre, qui a partiellement masqué la
contraction enregistrée en périphérie. Aujourd’hui, le centre et la
périphérie sont affaiblis. Et la réponse politique n’est pas suffisante. Il
n’est pas difficile de conclure qu’une stagnation séculière est moins un
danger que le scénario le plus probable.
Au-delà des
mathématiques
Je suis d’accord
avec Münchau au sujet de la stagnation (je pense
que la récession est une évidence, et qu’une nouvelle crise lui fera suite
dans la zone euro). En revanche, et c’est typiquement le cas, je ne suis pas
d’accord avec lui pour ce qui concerne les solutions à mettre en place.
Tous les pays ne
peuvent pas enregistrer de surplus commercial. C’est une réalité
mathématique. Et pourtant, chaque pays veut exporter pour pouvoir se tirer
d’affaire. L’Allemagne voudrait que tous les autres pays soient un peu plus
comme elle.
Il est
mathématiquement impossible que les autres pays deviennent plus comme
l’Allemagne sans que l’Allemagne devienne elle-même moins comme l’Allemagne.
Les mathématiques ne
sont pas le problème
Nous pouvons
présumer que Münchau serait d’accord avec les
mathématiques de surplus commerciaux. Mais les mathématiques ne sont pas le
problème.
La France est un cas
à part en raison de ses politiques socialistes absurdes, ses lois du travail,
sa législation agricole et ses restrictions en général. L’Italie est dans une
situation similaire, avec une bureaucratie encore plus importante et un ratio
dette-PIB à en couper le souffle.
La France et
l’Italie demandent toutes deux une exemption aux lois budgétaires et un délai
pour atteindre leurs objectifs de déficit. Mais une dépense gouvernementale
accrue ne peut pas être une solution. Les dépenses gouvernementales
représentent déjà 57% du PIB de la France. La France a désespérément besoin
de moins, et non de plus, de dépenses gouvernementales.
Une réforme seule
est insuffisante. L’euro a de profondes lacunes.
Quatre possibilités
pour la zone euro
- Viendra un temps où la Grèce, l’Italie ou la
France en aura assez de la récession et de la stagnation et prendra la
décision de quitter l’euro
- L’Allemagne et les Etats européens du nord de
l’Europe refinanceront le reste de l’Europe
- L’Allemagne pourrait quitter la zone euro sans trop
de désordres
- Des décennies de stagnation prendront place si la
zone euro demeurait intacte
L’option numéro deux semble tentante mais présente une grosse lacune.
L’Allemagne n’accepterait jamais de plans de sauvetage de cette nature, et
constitutionnellement, même si elle le voulait, elle n’en aurait pas la
possibilité. L’Italie et la France sont de trop gros pays. Il n’y a aucune
autre solution que celles-ci.
Des législations budgétaires élargies n’aideront en
rien
L’Allemagne ne sera pas d’accord avec une modification
de la législation budgétaire, et même si elle l’était, cela ne changerait
rien.
Le problème avec l’Europe n’est pas la législation
budgétaire ou des dépenses gouvernementales trop peu élevées. Son problème
est l’importance du gouvernement, et une législation absurde concentrée
autour d’un euro souffrant de fortes lacunes.
Les problèmes structurels mènent à des déséquilibres
commerciaux et d’autres déséquilibres au sein de la zone euro, ce qui ne fait
qu’accentuer les problèmes de productivité déjà sérieux.
L’expérience de la zone euro a échoué. La meilleure
option est désormais de la dissoudre. Je suppose que Münchau
le sait, mais refuse de l’admettre publiquement.