Le libertarianisme est une idéologie plutôt
contemporaine. Elle prône purement et simplement un amaigrissement
radical, voire la suppression de l’État.
Ils font le
constat que la démocratie, qui visait à limiter
l’arbitraire de la puissance royale, n’a fait
qu’accélérer la soumission du peuple aux
assemblées et gouvernements contemporains au point que l’homme
jouit peut-être, dans certains domaines, de moins de libertés
que naguère.
Les libertariens postulent ainsi que leur
« salut » ne passe pas par un énième
bricolage institutionnel infertile. Seule une solution radicale serait
à même, pour eux, de résoudre les difficultés
inhérentes à l’accroissement des pouvoirs de l’État.
Pourtant,
paradoxalement, si le libertarianisme est une
idéologie contemporaine, elle puise ses sources intellectuelles dans
un passé lointain : en effet, Murray Rothbard,
souvent considéré comme le « Pape du libertarianisme », revendiquait clairement
l’héritage du Chinois, Lao Tseu, qui
vécut au VIe siècle avant J.-C.
Il faut dire
que Lao Tseu, comme le rappelle Philippe Simonnot dans L’invention de
l’État, exécrait l’État. Il estimait que
le gouvernement « avec ses lois et ses règlements plus
nombreux que les poils d’un buffle » était un
« oppresseur vicieux » de l’individu et
« devait être plus craint que des tigres
cruels ». Il était ainsi
le premier penseur à avoir imaginé « une
société anarchiste paisible ».
Mais ce
n’est pas tout : préfigurant la pensée libertarienne contemporaine, Lao Tseu
estimait que l’ordre naturel ne devait pas être troublé
par des interférences gouvernementales. Auquel cas il ne peut pas se
maintenir. Il poursuivra en écrivant : « Plus il y a
d’interdits, plus le peuple est pauvre […] Plus croissent les
lois et règlements, et plus augmentera le nombre des voleurs et des
brigands » (…) Les gens ont-ils faim ? Les
gouvernements s’engraissent d’impôt. Et le peuple reste
affamé. ».
Lao Tseu était, en outre, un pacifiste antimilitariste
dont les idées en la matière rompaient avec celles de plusieurs
autres penseurs chinois de l’Antiquité. En effet, il pensait
qu’une nation ne devait entrer en guerre que
si elle était attaquée, dans le cadre de la légitime
défense. La paix et la
diplomatie lui paraissaient être des armes plus pertinentes au maintien
de l’ordre.
Lao Tseu va encore plus loin : selon lui, même une
victoire armée ne doit pas être source de réjouissances
car cela reviendrait à se réjouir du massacre d’hommes,
fussent-ils du bord ennemi. Or, un être humain ne saurait se satisfaire
de la mort de certains de ses semblables. La nation victorieuse devrait
même décréter un deuil pour pleurer lesdites pertes
humaines.
De toute
façon, une victoire armée n’est toujours que relative
quant à ses conséquences : en effet, Lao Tseu rappela
qu’ « une grande
guerre est toujours suivie d’une grande famine. ».
De plus, la
pratique nous montrera qu’hélas, le bilan humain n’est pas
tellement plus florissant au sein des gagnants d’un conflit :
l’U.R.S.S. était, en ce sens, très touchée
à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale. 28 millions de
personnes se retrouvèrent ainsi sans abri.
La lecture des
écrits de Lao Tseu est plus actuelle que
jamais en ces temps de conflits répétés. Lao Tseu a été un des premiers grands penseurs
à théoriser le pacifisme et l’opposition à la
guerre et il serait dommageable de reléguer ses écrits aux
oubliettes.
|