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Vous n’aviez
pas de sujets de discussion pour les fêtes de fin d’année ? Heureusement,
vous pouviez compter sur le Gouvernement et son « Kit repas de famille », sous-titré
« L’actualité, la politique… au menu des fêtes. » L’État était là pour vous
donner non seulement les sujets de discussion, mais aussi les éléments de
langages pour les réponses. On vit une époque formidable : merci
François Hollande, merci Manuel Valls, sans vous et votre fulgurance
intellectuelle et politique, nous n’aurions rien pu nous dire durant les
repas de fin d’année.
C’est bien sur
le site du gouvernement de la République française que l’on trouve cette page
où tout est fait pour prendre les citoyens français et les contribuables qui
ont financé cette page pour des demeurés : http://www.gouvernement.fr/kit-repas-famille.
Cela vaut le détour.
Vous serez
frappé par l’ergonomie de bande dessinée bon marché sur lesquels 24
affirmations, entendues au bistro du coin, sont inscrites : on peut aimer le
style « cheap », voire les reprises d’images qui traînent sur Facebook, mais
elles trahissent l’âge moyen de communicants (30 ans ? 25 ans ? des
stagiaires ? des emplois aidés peut-être…) et surtout, il faut un certain
temps avant de se dire que l’on n’est pas en face d’une blague.
Détrompez-vous, c’est du sérieux.
Remis de cette
première stupeur graphique, on tombe dans un autre effarement : l’art
consommé avec lequel cette page argumentaire manie les fautes de français et
de syntaxe comme : « La France est foutue, faut se barrer » ou « Y
a pas eu de réforme à part le mariage pour tous » ou encore un inénarrable «
Les résultats, ils sont où ? ».
Quant aux
réponses, elles valent bien les questions. Elles emploient toutes le « je »
sans qu’on sache qui parle : François Hollande ? Manuel Valls ? Ségolène
Royal ? Un permanent de la section PS ? Qu’importe, c’est un ou une camarade
socialiste car il ou elle tutoie celui qui lit : l’emploi du « tu » achève le
tableau. Par exemple : « tu savais que le coût du travail est moins élevé en
France qu'en Allemagne maintenant, dans l'industrie ? » – remarquons qu’il
s’agit bien là d’un sujet que tout le monde aborde lors d’un réveillon – ou
encore « Réforme territoriale, réforme des retraites, réforme du marché du
travail, réforme de la formation professionnelle, réforme de l'assurance
chômage... tu appelles ça rien ? » – on s’attendait à un camarade à la fin,
mais les communicants n’ont apparemment pas osé.
Et les
argumentaires ? Ils indiquent que le Gouvernement puise ses éléments de
langages dans divers bistros après de longues heures d’apéro. À l’affirmation
« La France est foutue, faut se barrer », la réponse est la
suivante : « Je rappelle quand même qu'on est la 5ème puissance
économique mondiale, la 1ère destination touristique, le 3ème
pays d'accueil d'étudiants étrangers, le meilleur dispositif fiscal pour
inciter à l'innovation... 40% des chercheurs du CNRS sont étrangers, nous
avons obtenu cette année 2 Prix Nobel et une médaille Fields. Les 1 200
musées français accueillent chaque année 62 millions de visiteurs. Je
continue... ? On ne manque pas de raisons d'être #FiersdelaFrance ! » Faut-il
donc comprendre que puisqu’il y a des touristes, des étudiants étrangers et
deux prix Nobel, la France est un pays d’avenir ?
Autre question
d’actualité : « Qu'est ce qui est fait contre le chômage, je ne vois
rien ». Notre camarade socialiste répond sans sourciller : « Toute notre
politique est dédiée à la lutte contre le chômage : la baisse des cotisations
et de la fiscalité des entreprises pour qu'elles puissent embaucher, les
dispositifs ciblés sur les jeunes et les séniors... » Et on admire les résultats,
camarade : cette politique est tellement efficace que la France compte plus
de 3,7 millions de chômeurs avec en vue la barre des 4 millions en 2015…
Dans un tel
argumentaire, il ne faut surtout pas s’attendre à trouver de notions
économiques correctes. À la question « L'État fait tout pour les patrons
», la réponse est cinglante : « Tu confonds patrons et entreprises... » Eh
oui camarade, car : « Ce Gouvernement aide les entreprises, parce qu'elles
sont indispensables pour créer de la croissance et créer de l'emploi. »
Tandis que les patrons ne sont pas indispensables ?... Mais dites-moi qui
créent les entreprises, ce sont bien les patrons, non ? Mais là on sent que
cela devient très compliqué pour notre camarade socialiste…
Allons,
cessons d’être grincheux et voyons le bon côté des choses. Ce « Kit repas de
famille » est un vrai cadeau : il dévoile la réalité de ce qu’est devenu le
débat politique et à quel niveau se situent Hollande et Valls. Aucun gourou
de la communication ne pourra les dépêtrer de là, car ils n’ont pas compris
qu’un État et un Gouvernement ont tout à perdre à s’exprimer comme le
tout-venant. Soit dit entre nous, Hollande et Valls n’ont plus grand-chose à
perdre…
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