CE QUE L’ON VOIT
Plutôt que vous conter l’histoire de Jean-Pierre, un sympathique « presque retraité », je vais lui laisser le soin de le faire aujourd’hui :
J’ai depuis longtemps parfaitement intégré le fait que la dégradation des finances du régime général de la sécurité sociale ne me permettra pas de percevoir un montant suffisant pour vivre correctement lors de ma retraite qui se profile d’ici cinq petites années. Ce n’est pas la déclaration de Marisol Touraine faite en septembre dernier qui me rassure sur ce point. Pour ce qui est de « mes complémentaires », l’AGIRC tout autant que l’ARRCO, elles aussi sont dans une situation financière « périlleuse ».
Ma lecture du dernier rapport du conseil d’orientation des retraites (COR) du mois de juin dernier m’a conforté dans la pertinence de l’analyse que j’ai faite depuis un certain temps et des conclusions que j’en ai tirées.
J’ai aussi bien compris que les marchés financiers erratiques ne me permettraient pas de compter sur des compléments de retraite pérennes. Quand j’observe, sur les cinq dernières années, l’évolution de la volatilité du CAC40… je préfère ne pas jouer… à la roulette russe. J’ai donc clôturé mon compte titre à ma banque.
Quant à l’assurance vie, il y a longtemps que « j’en suis sorti », tellement j’étais convaincu de la baisse inexorable de sa rentabilité. Je trouve « rassurant » de constater qu’avec mon rendement de 3,42 % quand j’ai clôturé mon contrat en 2010, j’ai pris LA bonne décision. Figurez-vous que mon contrat existe toujours et qu’il affiche « fièrement » un résultat pour 2016, de… 1,84 %… Avant les prélèvements sociaux bien sûr, cet impôt qui ne dit pas son véritable nom. Ce n’est donc que 1,55 % net en poche aujourd’hui.
Quand MON « conseiller financier » de MA banque me dit que c’est bôôôcoup mieux que le livret A qui « plafonne » à 0,75 % depuis août 2015, je mesure son degré d’incompétence pour m’aider à gérer au mieux ma « petite fortune ».
Ahhhh, que je suis content de ma décision d’avoir réinvesti le capital de mon « ex-assurance vie » dans ce magnifique appartement que j’ai mis en location. Surtout qu’à la télé, ils viennent de dire que l’INSEE annonçait une inflation annuelle de 1,3 % sur un an glissant. Le plus haut niveau depuis 2012.
Que voilà un bon argument pour aider mon conseiller bancaire à placer ses contrats d’assurance vie. Je l’imagine déjà dire à ses clients : « Avec une inflation à 1,3 % et votre livret A à 0,75 %, vous perdez près de la moitié de votre épargne chaque année, tandis qu’avec notre contrat… »
Pour mon investissement locatif, tout se passe bien. J’en suis à mon deuxième locataire qui, tout comme le précédent, paie ponctuellement son loyer et est toujours d’une parfaite correction à mon égard. Je gère moi-même la location car « par les temps qui courent », on n’est jamais trop prudent sur le choix de ses locataires. J’ai toujours présent à l’esprit que ces loyers représentent les trois quarts du montant des mensualités de remboursement de l’emprunt que j’ai fait à ma banque pour acquérir cet appartement.
C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai découvert « le vrai visage de mon banquier ». Quand celui-ci m’a proposé un financement in fine pour l’acquisition de cet appartement, en me disant que c’était bôôôôôcoup plus intéressant pour moi, je suis ressorti de l’agence empli de sentiments contraires :
- c’est son métier quand même, s’il me dit que c’est mieux, il doit y avoir du vrai. Il m’a souvent dit qu’il bénéficiait régulièrement d’une formation pour être « au top » de son activité ;
- je n’ai rien compris à ses « explications » et les « réponses » qu’il a apportées à mes questions n’ont fait que compliquer ma perception de ce mode de financement dont je n’avais jamais entendu parler.
Finalement, j’ai regardé sur le net et j’ai compris que ce type de financement reposait sur … vous ne le croirez pas… un contrat d’assurance vie… à souscrire chez mon banquier !!! Je clôture le contrat d’assurance que j’ai chez lui et il trouve le moyen de m’en « refiler » un nouveau… pour optimiser mon financement. Bravo l’artiste. Il est vraiment fort. Je commence à comprendre le type de « formation » qu’il reçoit si régulièrement.
Bien évidemment : toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé serait purement le fait du hasard et ne saurait engager l’auteur de ces lignes … Cela étant précisé, je trouve particulièrement réjouissant de voir « notre ami Jean-Pierre » prendre en main sa gestion patrimoniale et ce faisant, ne plus être « victime » de son conseiller bancaire. Pour autant, a-t-il le recul et les connaissances suffisantes pour organiser son patrimoine afin de subir le moins possible les effets dévastateurs de l’inexorable avancée de « la crise » ? Je pense que non.
CE QUE L’ON NE VOIT PAS
Plus de vingt années de pratique de mon activité de conseil patrimonial m’ont montré qu’il faut consacrer énormément de temps pour suivre et analyser l’évolution de notre société dans ses différents aspects : politiques, sociétaux, fiscaux et, bien sûr, financiers car notre monde évolue très rapidement. C’est un véritable travail de journalisme d’investigation qui permet de repérer les « petits événements » qui vont avoir probablement des conséquences importantes, y compris dans d’autres domaines. Vous savez, « l’effet papillon ».
Une autre constatation : nous sommes submergés par « des tonnes » d’informations qui nous arrivent de toutes parts et auxquelles il faut faire réponse de plus en plus rapidement, ce qui empêche tout recul indispensable à un bon traitement du sujet abordé. De plus, cela « pollue » le raisonnement.
Une récente décision de justice me permet d’illustrer mon propos.
Cette semaine, plus précisément ce mardi 21 février, un juge du tribunal d’instance de Nogent-sur-Marne a rendu une décision « intéressante », dans une affaire opposant un locataire à son propriétaire bailleur. Celui-ci aurait très bien pu être « notre Jean-Pierre ».
L’affaire paraît simple :
Un couple de propriétaires se rend compte que ses locataires sous-louent la villa objet du contrat de location, via la plateforme en ligne Airbnb, sans leur en avoir demandé l’autorisation. Ils demandent donc au juge non seulement la récupération des « sous-loyers » mais aussi la résiliation du bail.
Surprise : le juge donne raison aux locataires en écartant les relevés de transactions avec Airbnb que lui ont fourni les propriétaires qui « prouvaient » que la villa avait bien été sous-louée.
De plus, il déboute les plaignants de leur demande de résiliation du bail et met à leur charge les frais d’avocat des locataires (le célèbre article 700 du code de procédure civile).
Plus surprenant, il estime que la période de sous-location était trop faible pour constituer un préjudice pour les propriétaires. Il est vrai que cette location n’a duré QUE 9 jours !!
Ce n’est pas la seule affaire. À Lyon, bis repetita. Un propriétaire bailleur assigne sa locataire pour le même motif de sous-location non autorisée via Airbnb. Sur la base de ses estimations, il réclame à sa locataire la récupération de 10 200 € et pour compléter l’assignation, il demande son expulsion. Le délibéré est attendu pour le 30 mars prochain. Affaire à suivre.
Il faut bien être conscient que « les valeurs d’autrefois » ne sont plus de mise. Aujourd’hui, il faut intégrer le fait que la parole donnée, le contrat signé, ne s’imposent « moralement » plus, à tout ou partie des signataires.
Je n’exprime pas là un regret nostalgique… quoique, mais c’est un fait.
Nous assistons à des changements profonds de notre société :
- le développement de nouveaux modes de consommation, y compris pour les locations saisonnières, avec l’avènement de plateformes d’échanges sur Internet ;
- la « nécessité » devant les faibles salaires et la pression fiscale de chercher les moyens « d’arrondir ses fins de mois », sans un seul instant se poser la question si c’est légal ou pas et si c’est susceptible de léser des intérêts légitimes d’autres personnes.
Mais revenons à notre affaire de sous-location « sauvage ». L’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, « tendant à améliorer les rapports locatifs », est tout à fait clair sur le sujet de la sous-location :
Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.
En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation. Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location.
Cela étant, n’oublions pas que l’application de ce texte est soumise au pouvoir souverain du juge qui se prononce dans chacune des situations d’espèces qui lui sont soumises. Il sera donc très intéressant de suivre la construction de la jurisprudence dans ce domaine.
Observons ensemble l’évolution des affaires actuellement jugées. Trois points retiennent mon attention :
- le versement au propriétaire bailleur du montant des loyers « clandestins » sous forme de dommages et intérêts ;
- la résiliation du bail qui entraîne l’expulsion du locataire « indélicat » ;
- la charge des frais d’avocats du « gagnant » (l’article 700 du CPC évoqué plus haut).
Jugements |
Dommages-intérêts au propriétaire |
Résiliation du bail
expulsion |
Charge de l’article 700 du CPC |
OUI |
NON |
OUI |
NON |
Bailleur |
locataire |
|
|
|
|
|
|
|
19 mai 2014 |
|
X |
|
X |
|
X |
14 avril 2016 |
X |
|
X |
|
|
X |
21 février 2017 |
|
X |
|
X |
X |
|
30 mars 2017 |
|
|
|
|
|
|
ET POUR MOI ÇA CHANGE QUOI ?
Cette décision du juge de Nogent-sur-Marne nous permet d’identifier un « risque nouveau ». Il doit donc nous amener à « repenser différemment » l’investissement immobilier locatif dans l’habitation. Selon le journal La Tribune, plus de 30 000 annonces en ligne sur Airbnb seraient illégales. Je vous ai déjà sensibilisés sur les atteintes au droit de propriété dans mon billet du 28 mai 2016. Devenir propriétaire bailleur « traditionnel » ne m’apparaît plus comme une bonne solution patrimoniale.
La tendance à la judiciarisation des rapports propriétaires/locataires, l’évolution du marché locatif, la réglementation, la fiscalité et, fait nouveau, la perte de civisme qui touche de plus en plus de personnes, sont une réalité.
À mon sens, elle est clairement, aujourd’hui, à prendre en compte dans sa stratégie patrimoniale, avant de « succomber aux charmes » de l’investissement immobilier locatif « traditionnel » et encore plus, celui de défiscalisation.
ALEX ANDRIN
Garder l’œil « éveillé » à tous les changements
Pour nous particuliers, ce n’est pas évident.
Doit-on pour autant, renoncer à s’enrichir ?
Passer par « un conseil », il nous faut consentir.
Sachons tirer le meilleur de l’expérience
De celui qui nous apportera « sa science ».
Gardez confiance, je vous aime et vous salue.