“C'est
la mort de la civilisation occidentale.”
-- Lewis Douglas (US Budget Director),
remarque adressée à James P. Warburg le 18 avril 1933
après que le président Roosevelt ait annoncé que les
Etats-Unis abandonnaient l'étalon-or.
Bien entendu,
Douglas avait tort. C'est soixante ans plus tôt que la mort de la
civilisation occidentale avait été prononcée, lorsque
les Etats-Unis décidèrent de démonétiser l'argent.
Force m’a
été de reconnaitre ces dernières années l'existence d'un énorme
point aveugle dans ma compréhension du problème. Je sais que je
ne suis pas le seul puisque je n'arrête pas de tomber sur des phrases
comme “L'or est la monnaie qui a résisté à
l'épreuve du temps”, “L'or a toujours constitué la
seule monnaie”, ou encore “L'or est la seule monnaie
possédant une valeur intrinsèque”.
Cela est bien
sûr tout à fait faux. 100% faux. L'étalon-or, en
raison de sa nature profondément moniste, constitue en
lui-même un problème. L'étalon-or n'est rien d'autre
qu'un standard arbitraire qui ne dit pas son nom. La seule véritable
solution, c'est le bimétallisme, l'or étant défini par
rapport à l'argent et l'argent par rapport à l'or. Un tel
mécanisme, auto-correcteur, permet de garantir le caractère
fiable de ces monnaies. L'étalon-or, ce n'est rien d'autre qu'une
monnaie artificielle définie par rapport à l'or, l'or
étant à son tour défini par rapport à cette
monnaie artificielle, sans qu'aucun système de valorisation
indépendant ne puisse permettre de garantir le caractère
honnête de la fixation de ces valeurs.
Que le
bimétallisme constitue un mécanisme auto-correcteur c'est ce
que nous apprennent 45 siècles d'histoire. Depuis quand connaissons-nous
l'instabilité financière et monétaire la plus importante
? Depuis l'introduction, au 19ème siècle (sans parler de
l'introduction de banques centrales, dont la
première fut la Banque de Suède en 1650) de ce
système monométalliste qu'est l'étalon-or.
Cela me
gêne d'avoir à l'admettre, mais je n'aurais jamais pris
conscience de cela si je n'avais lu l'article intitulé
“L'étalon-or = une monnaie artificielle qui ne dit pas son
nom” écrit par J.N. Tlaga sur le site
LeMetropoleCafe.com. Je ne m'explique pas que je sois resté aveugle
à l'enjeu posé par le bimétallisme, à savoir
qu'un tel mécanisme permet de garantir l'honnêteté du
système monétaire tout en rendant impossible l'apparition d'une
monnaie artificielle : c'est en tout cas très embarrassant. J'aurais
dû m'en apercevoir ne serait-ce que d'un point de vue
philosophique/théologique dans la mesure où le système
de l'étalon-or est un système moniste et que la matrice
universelle du vrai ne peut relever que d'une trinité et non d'un
monisme. Quoi qu'il en soit, cela m'avait échappé mais j'y vois
clair désormais.
Le
bimétallisme est un système qui s'est auto-régulé
pendant près de trente siècles, sans qu'aucun gouvernement ne
fixe la moindre parité entre l'or et l'argent. La seule
référence dont je me rappelle c'est la hausse du taux de change
effectué par les Espagnols vers 1496 : j'en infère donc qu'ils
devaient fixer ce taux de change dès le Moyen Âge. Les Romains
émettaient également des pièces à taux de change
fixe, mais ils s'en remettaient au marché pour la fixation de ces taux
et n'essayaient pas d'imposer des taux sans rapport avec les taux de change
du marché. A la même époque, les deux monnaies
s'échangeaient selon un taux très différent en Asie
ancienne : le monde ne fut ni détruit ni menacé de destruction.
De nos jours,
la fixation de la parité entre les deux métaux pourrait
être bien plus efficace encore qu'auparavant étant donné
les progrès technologiques modernes en matière de
communication.
Une fois
encore, nous voyons bien que la monnaie est une question beaucoup trop
délicate et beaucoup trop cruciale au développement de la
civilisation pour être abandonnée aux mains du gouvernement. En
toute franchise, je pense que les Pères fondateurs des Etats-Unis
pensaient exactement la même chose à en juger par le
système monétaire qu'ils mirent en place.
Le
système de l'époque était en fait trimétalliste
: l'argent, l'or mais aussi le cuivre pouvaient servir de monnaie. 840,21
onces de cuivre s'échangeaient contre 15 onces d'argent qui
s'échangeaient contre une once d'or et c'est ce que traduisent les
pièces alors en circulation. Ils adoptèrent de façon
intentionnelle un taux de change or/argent inférieur aux cours
mondiaux (15:1 alors que les taux en France étaient de 15,5:1) afin
d'augmenter la quantité d'argent - la monnaie utilisée au
quotidien dans les transactions commerciales - disponible aux Etats-Unis. Ils
eurent raison car les colonies avaient souffert d'une pénurie de
numéraire pendant deux siècles.
Le
système qu'ils mirent en place fut baptisé par Ed Vieira du nom
de “symmétallisme” bien que je
ne sois pas certain que ce soit le terme qui convienne dans la mesure
où d'autres lui donnent une autre acception. Par “symmétallisme”, Ed Vieira entendait en tout
cas par là un système dans lequel l'un des métaux fait
figure de monnaie standard (le dollar en argent ici) tandis que les
pièces faites d'autre métal (les “Eagles”,
que même la loi sur la monnaie de 1792 n'appelle pas
“dollar” mais dont on fixe la “valeur” en dollars)
sont ajustées périodiquement de façon à
répondre aux changements du marché des taux de change. Cela fut
fait notamment en 1834, sans que personne n'en soit victime.
Et tout au
long de cette période, chacun était libre d'exiger par contrat
un paiement en argent, en or ou au moyen de toute autre monnaie en toute
tranquillité. Personne ne pouvait être forcé d'accepter
des billets de banque surévalués. Aucune banque centrale
n'existait.
Mais ces
fluctuations de la valeur de l'or par rapport à l'argent ne se sont-elles
pas amplifiées de manière désastreuse avec l'apparition
du commerce mondial ? De 1833 à 1873 – soit quatre
décennies – le prix de l'argent évalué en or a
évolué à Londres entre 1,297 $ l'once (en 1833 –
le prix officiel aux Etats-Unis étant de 1,2929 $ l'once) à
1,36 $ l'once (en 1859). Cela nous donne donc une déviation
gigantesque, colossale même de 4,86 % ! De nos jours, une fluctuation
de 4,86 % sur le marché des taux de change des monnaies artificielles
constituerait la plus douce des berceuses, sans parler de l'effet que
produiraient quatre décennies aussi paisibles.
Le
remède à nos maux monétaires n'est pas l'étalon-or,
mais le retour à un bimétallisme or-argent sain et
auto-correcteur.
Franklin Sanders
Franklin Sanders est l’éditeur de www.TheMoneychanger.com. Il a publié
“Why Silver Will Outperform Gold 400%” ainsi
que “The Professional Trading Secrets That
Will Make the Most of Your Silver & Gold Investments”.
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