Ceux d’entre vous trop omnibulés par le dernier projet artistique de Lady Gaga –
elle s’est arrangée pour qu’une autre femme lui vomisse dessus sur scène alors
qu’elle jouait du synthétiseur, comme quoi même le vomi n’arrête pas le
pouvoir de la musique pop – ont peut-être manqué les plus récents
développements en matière de politique étrangère au sein de notre nation qui
fait tout pour pouvoir demeurer le grand dictaphone du monde. Il semblerait
que la péninsule de Crimée ait voté en faveur d’un rattachement à la Russie,
pays dont elle a été une province pendant bien plus longtemps que les
Etats-Unis ont été indépendants. Il ne reste lui plus qu’à signer quelques
formalités, mais cela n’a pas empêché les Etats-Unis de promettre des
représailles à la Russie pour cette issue sordide.
Les fans de Lady Gaga ont-ils
oublié que notre pays est à l’origine de ce fiasco, puisque c’est lui qui a
promu le jeu de souque à la corde entre la zone de libre-échange russe (l’Union
douanière) et l’Union européenne sur la question de l’Ukraine ? Hélas,
la corde s’est rapidement rompue, ce qui a incité les Russes à tenter de
régler la situation en fonction de la composition ethnique du territoire et
de son traité concernant un port de la mer Noire. Cette crise a presque
poussé le secrétaire d’Etat Kerry à s’arracher les cheveux de la tête, dans l’objectif
peut-être de devenir l’égal capillaire du ministre russe des Affaires
étrangères Sergey Lavrov. Monsieur Kerry devra en
faire bien plus pour que le monde cesse de le surnommer « la tignasse à
la recherche d’un cerveau ».
Notez que pendant dix ans, les
Russes ne se sont pas rebellés à l’idée que les Etats-Unis osent se promener
d’un Etat d’Asie centrale à un autre, faisant tout exploser et arrangeant
quelques affaires en passant afin que des centaines de milliers de personnes
puissent être tuées – dont une grande partie par nos petits engins volants
contrôlés par des militaires avides de jeux vidéo, qui s’en vont faire sauter
des cervelles en buvant leur café du matin avant de se traîner jusqu’au Taco
Bell le plus proche pour commander une portion de Doritos
Locos (et une chance de pouvoir regarder Lady Gaga se faire vomir dessus sur
leur iPhone). Je me demande comment les Etats-Unis réagiraient si le ministre
russe des Affaires étrangères montait une opération pour pousser le Texas à (re)faire sécession.
Quelle sera la prochaine
volonté du modèle du prêt-à-porter masculin du bureau ovale ? S’arrangera-t-il
avec l’Union européenne pour que la Russie ne puisse vendre ses produits à
personne ? L’Union européenne n’a personne d’autre à qui acheter le gaz
méthane qu’elle utilise tous les hivers pour que ses tuyaux ne gèlent pas.
Les Etats-Unis ont bien sûr promis de fournir à l’Europe du gaz liquide en
provenance de ses gisements du Texas, de Louisiane et d’Arkansas – mais attendez
une seconde (ou peut-être cinq ans), il leur faudra construire de nouveaux
pipelines, de nouveaux terminaux d’exportation de gaz et monter une flotte de
navires-citerne. Espérons que l’Europe ne traverse
pas cinq hivers trop rudes d’ici là. Petite note à Monsieur Obama :
organisez dès maintenant un petit-déjeuner de prière national mensuel.
Et puis il est aussi question
de ce que la Russie pourra offrir en retour aux Etats-Unis. Peut-être rien du
tout, parce que les Etats-Unis semblent capables de se faire imploser d’eux-mêmes
sous leur propre inertie. Si j’étais Monsieur Poutine – je ne dis pas que c’est
ce que je veux, ce n’est qu’une conjecture – je m’installerai confortablement
dans mon fauteuil et me contenterai d’observer cette nation de clowns sur-nourris
et de monstres tatoués se vomir dessus les uns les autres. Monsieur Poutine
pourrait aussi (dans l’esprit du jeu d’échec, dont il est dit être un maître)
ajouter un peu de peps à tout ça en se débarrassant de quelques obligations
américaines, pas au point d’en faire s’effondrer le marché, mais suffisamment
pour que les rendements des obligations sur dix ans franchissent les 3
pourcent – et que la banqueroute du gouvernement des Etats-Unis apparaisse à
l’horizon tel un lever de mauvaise lune.
Les joueurs d’échec du
Département d’Etat ricanent devant le rouble qui a perdu 10 pourcent depuis
le début de l’année. Il n’est pas surprenant que certains fonctionnaires du
Kremlin s’en trouvent irrités. Mais rappelez-vous que la Russie est une
nation qui a sacrifié 8,6 millions de soldats pour repousser Hitler.
Pensez-vous qu’un épisode d’austérité la persuadera de céder l’Ukraine à Walt
Disney ? Et puis pourquoi les Etats-Unis se soucient-ils de qui gouverne
l’Ukraine ? S’en sont-ils inquiétés avant et après que l’Union
Soviétique s’effondre ? Pourquoi l’idée que l’Ukraine puisse s’allier à
l’Union de libre-échange russe nous pousse-t-elle à aller lui vomir dessus ?