In the same category

Le club des Maitres Chanteurs

IMG Auteur
 
Published : December 13th, 2010
1593 words - Reading time : 3 - 6 minutes
( 3 votes, 3.7/5 )
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
0
comment
Our Newsletter...
FOLLOW : Fmi
Category : Editorials

 

 

 

 

Se campant crânement sur un terrain qui leur est familier, les gouvernements européens s’engagent stoïquement sur une voie étroite avec un seul impératif : tenir ! Sous la férule des Allemands – les Français n’ayant pas d’autre choix que de les suivre, faute d’avoir une politique – c’est le parti du non qui l’a emporté : non aux euro-obligations ! non à l’accroissement immédiat des moyens du fonds de stabilité (EFSF) ! A l’occasion d’une nouvelle rencontre, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy viennent de boucler le dossier, après que la position française se soit faite attendre.


Les Grecs, les Irlandais, les Espagnols et les Portugais ne vont avoir comme seule ressource que de serrer davantage les dents, les Italiens les rejoignant petit à petit dans cet exercice, en attendant que d’autres s’y mettent à leur tour franchement. Avec comme perspective lointaine, à l’horizon de début 2013, la mise au point d’un nouveau dispositif de sauvetage qui reste à inventer. Par la grâce d’une procédure allégée de révision des Traités européens évitant toute consultation référendaire ou vote parlementaire.


Réunis les 16 et 17 décembre prochains, les chefs d’Etat et de gouvernement pourront alors annoncer qu’ils ont accompli un grand pas en avant en se mettant d’accord pour gagner six mois par rapport au calendrier original, ce qui leur permettra de masquer l’étendue de leurs désaccords à propos du fonctionnement de ce nouveau mécanisme de crise. En espérant que tout tiendra jusque là.


Bien évidemment, rien n’est moins sur. Car sur le marché obligataire, la situation continue de se tendre. Une étape de plus a été franchie dans l’escalade, qui ne concerne plus les taux obligataires des pays entrés dans la zone des tempêtes mais ceux qui semblaient destinés à rester dans des eaux calmes. Les Etats-Unis outre-Atlantique et l’Allemagne en Europe voient les taux de leurs obligations à leur tour commencer à monter, exprimant une tendance de fond.


Vice-président de la BCE, Vitor Constancio vient d’en donner la raison. « La principale source d’inquiétude vient de l’interférence entre les problèmes de dette souveraine et la vulnérabilité de certains segments du secteur bancaire de la zone euro » est-il écrit dans le rapport semestriel de stabilité financière dont la publication vient d’intervenir. « Et l’un des canaux de risque est la possibilité [de les voir entrer en] compétition pour l’épargne sur le marché des capitaux », a-t-il commenté.


Il a estimé que les banques européennes de la zone euro allaient devoir trouver sur le marché obligataire 1.000 milliards d’euros afin de se refinancer dans les deux ans à venir, au moment même où les Etats vont connaître le pic de leur propre demande. Il y a risque non seulement de bousculade, mais aussi d’augmentation des taux pour les uns comme pour les autres.


Cultivant inévitablement l’optimisme, Vitor Constancio – bien connu dans son pays pour avoir su opportunément fermer les yeux pour la cause des banques prises la main dans le pot à confiture, en tant que Gouverneur de la Banque du Portugal – spécule à son tour sur le taux de croissance européen, qui pourrait selon lui permettre d’absorber le choc grâce à l’augmentation de l’épargne qui en résulterait. Jugeant par ailleurs décisif pour le retour de la sérénité sur les marchés que « les gouvernements poursuivent leur politique de consolidation budgétaire », ce qu’il faut entendre par : sollicitent moins les marchés pour laisser la place aux banques.


A bien y réfléchir, n’est-ce pas le même souci qui anime la BCE, quand elle cherche – sans y parvenir pour le moment – à se désister sur les Etats de la charge que représente le soutien des obligations des pays de la zone des tempêtes ? Une manière d’imposer la contraction des émissions.


L’un des postulants à la succession de Jean-Claude Trichet à la tête de celle-ci, Mario Draghi, déjà membre de son conseil des gouverneurs en tant que président de la Banque d’Italie, a choisi un autre prétexte pour exprimer ces craintes, si ces achats devaient se poursuivre et augmenter en volume : « Je suis tout à fait conscient des risques que nous avons de franchir la ligne et de perdre tout ce que nous avons, de perdre notre indépendance, et au fond, de violer [les traités européens] », a-t-il déclaré au Financial Times. Une indépendance un peu malmenée par ailleurs, lorsque l’on constate que le seul responsable de la BCE qui soutient les propositions d’euro-obligations du premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker est précisément luxembourgeois lui-même…


McKinsey, le consultant financier international, vient à point nommé de publier une étude prévoyant la fin de trois décades de faibles taux d’intérêt. Tant en raison de la demande grandissante en capitaux des pays émergents que du vieillissement de la population qui a, selon l’étude, pour conséquence une baisse de l’épargne. Une hausse progressive du coût de l’argent dans les cinq années à venir, qui pourra atteindre 1,5 % en plus du taux actuel, va résulter de l’insuffisance des capitaux disponibles qui en découlera.


L’une des conclusions de McKinsey est que les gouvernements des pays développés vont devoir accroître l’épargne et moins dépendre de la consommation des ménages, tandis que les pays émergents vont devoir développer leurs marchés financiers afin d’attirer les investisseurs. Autrement dit, les premiers vont se serrer la ceinture et les seconds ouvrir des terrains de jeu aux financiers.


Mais, pour revenir aux banques, un malheur ne vient décidément jamais seul. Elles pensaient avoir une arme secrète en réserve, afin de répondre d’ici 2019 aux obligations de renforcement de leurs fonds propres de Bâle III. Les fameux CoCos, ces obligations se transformant automatiquement en actions en cas de coup dur, suivant un signal convenu d’avance, évitant ainsi d’avoir à procéder à des augmentations de capital. Des centaines de milliards d’euros de CoCos pourraient être dans les années à venir proposés sur le marché obligataire européen, mais il y a un hic, selon Standard & Poor’s.


Ces produits financiers sont des petits nouveaux et rien ne dit que les marchés en absorberont de telles quantités, car ils pourront être jugés trop risqués, ou proposés à un prix pas assez attractif. Encore une nouvelle hausse des taux en perspective, avec une autre conséquence : seules les banques les plus solides boucleront ainsi leurs émissions, laissant les autres en plan en les obligeant de revenir à des méthodes plus traditionnelles, favorisant par ricochet la concentration bancaire au profit des mégabanques.


Toutes ces fâcheuses perspectives ne sont pas pour demain matin, tandis que de possibles restructurations de la dette des pays de la zone des tempêtes sont de plus proche actualité. Dans le contexte général qui vient d’être décrit, il ne manquerait plus que cela pour contribuer à la hausse des taux !


Cela explique sans nul doute que, selon Brian Lenihan lui-même, le ministre des finances irlandais, ce sont les représentants de l’Union européenne qui se sont catégoriquement opposés, lors des négociations du plan de sauvetage, à toute décote obligataire au détriment des créanciers des banques irlandaises. Quitte à faire porter le chapeau aux Irlandais.


Suivant une inspiration semblant fort proche, l’agence de notation Fitch vient d’avertir qui de droit que l’adoption d’un mécanisme de décote en faveur du futur fonds permanent d’aide financière européen était susceptible d’avoir des conséquences négatives sur la note des pays qui pourraient être amenés à en bénéficier. Ce qui signifie, sans attendre.


« A ce stade, il n’y a pas suffisamment de détails sur le mécanisme de stabilité européen, notamment la participation des créanciers du secteur privé, pour se prononcer sur les conséquences exactes sur la notation de leur dette souveraine » a-t-elle déclaré de la manière contournée si propre aux milieux financiers.


Carlo Cottarelli, le directeur du département des affaires budgétaires du FMI, a été quant à lui plus direct : « Je pense que cette approche non orthodoxe n’est pas une bonne idée », a-t-il asséné, s’appuyant sur l’idée que les classes moyennes en subiraient le contre-coup, détenant de la dette publique « directement ou indirectement ». Nous revoilà avec une fois de plus sur les bras les petits rentiers, toujours aussi serviables, victimes d’habitude désignées de l’inflation et cette fois-ci menacés d’un autre grand malheur.


La cause semble donc entendue, si l’on va à l’essentiel. Il ne faut pas effaroucher les marchés, qui doivent avoir la garantie que les obligations souveraines sont assorties de zéro risque, et il faut par contre que les Etats s’effacent devant les institutions financières pour que celles-ci puissent emprunter à moindre prix. Les marchés et les institutions financières, ce sont les mêmes…


On n’a pas d’ailleurs fini de reparler des banques, puisqu’un nouveau round de stress tests va être lancé en février prochain. Une annonce qui, sans risque de se tromper, signifie qu’il y a toujours des gros bobos à dissimuler de ce côté-là et un fort besoin de CoCos.


Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

<< Previous article
Rate : Average note :3.7 (3 votes)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
Latest comment posted for this article
Be the first to comment
Add your comment
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS
Take advantage of rising gold stocks
  • Subscribe to our weekly mining market briefing.
  • Receive our research reports on junior mining companies
    with the strongest potential
  • Free service, your email is safe
  • Limited offer, register now !
Go to website.