|
Maintenant que
la campagne présidentielle bat son plein, les candidats vont pouvoir
s’adonner à leur jeu préféré : les
propositions folkloriques. Heureusement, quelquefois, on peut aussi lire des
idées pas inintéressantes sous la plume de certains
politiciens. Que penser, par exemple, de la dernière proposition de François
Bayrou visant à proposer aux Français un
référendum sur les institutions si jamais il était
élu ? Quels sont d’ailleurs les points qu’il entend
leur soumettre ?
Le candidat
centriste a détaillé,
à l’occasion d’un forum programmatique à la Maison
de la Chimie, la loi-cadre qui serait proposée au vote des
Français : gouvernement de moins de vingt ministres, cumul des
mandats interdit pour les députés dès 2012 et
limité pour les sénateurs, nombre de députés
abaissé de 577 à 400, Assemblée nationale élue
aux trois quarts au scrutin majoritaire et au dernier quart à la
proportionnelle, reconnaissance du vote blanc, obligation effective de
parité hommes-femmes, suppression des micro-partis individuels,
définition du conflit d’intérêt, interdiction du
retour dans la vie publique des élus condamnés pour corruption,
indépendance de la justice et des médias…
Bayrou a également
précisé qu’il convoquerait « une commission de
juristes » pour rédiger « l’avant-projet
de cette loi-cadre référendaire ». Lesdits juristes
lui expliqueront peut-être que, pour entreprendre certaines de ces
réformes institutionnelles, il vaudrait mieux envisager une
réforme constitutionnelle dans le but de ne pas lui faire perdre sa
crédibilité ( et ce, même si une
telle réforme n’est juridiquement pas indispensable).
Sur le fond,
il y a à boire et à manger dans ces propositions : en
effet, on peut, par exemple, se satisfaire de la promesse de limiter le
gouvernement à moins de vingt ministres. Mais attendons de voir.
Après tout, l’actuel président de la République
n’avait-il pas également juré de dégrossir les rangs
du gouvernement avant son élection ? Ces promesses
n’engagent généralement que ceux qui y croient
naïvement.
L’abaissement
du nombre de ces coûteux députés serait également
une bonne chose, ne serait-ce que pour les finances publiques. Actuellement,
l’article 24 de la Constitution de la Cinquième
République française prévoit que « Les députés à
l’Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder
cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage
direct. ». Théoriquement, Bayrou n’est pas
obligé de modifier la Constitution pour faire passer sa réforme.
Mais, comme on l’a déjà mentionné, ce serait
préférable, ne serait-ce que pour sa crédibilité.
Le reste des
propositions du candidat centriste sont beaucoup moins intéressantes.
Certaines sont même presque dangereuses, en ce qu’elles
participent d’un mouvement progressiste qui ne cesse de grignoter les
esprits.
L’exemple
typique est l’obligation de parité hommes-femmes. Sous couvert
d’interdire la discrimination, les lois instituant une obligation de
parité ne font que les renforcer. Une femme sera investie par son
parti pour respecter ces critères et, inversement, un homme ne le sera
pas uniquement parce qu’il est du sexe masculin et que le parti aura
déjà investi beaucoup trop d’hommes. Cela est-il
réellement conforme aux principes
de l’égalité des sexes et de non-discrimination ?
Nous pouvons en douter.
Les
défenseurs de la discrimination positive invoqueront le fait que ces
mesures ne seront que transitoires
et seront supprimées une fois que les mentalités auront
évolué. Or, lesdites mesures pullulent
de plus en plus. Preuve que les dispositifs actuels ne fonctionnent pas
tellement, sinon, François Bayrou n’aurait pas proposé un
renforcement de l’obligation de parité hommes-femmes. De
même, les « mesures transitoires » sont devenues
un moyen subtil et confortable de violer les principes constitutionnels,
sachant, bien entendu, qu’il y a peu de chances qu’elles soient
abolies à moyen terme.
Par ailleurs,
plus généralement, François Bayrou a trop tendance
à se focaliser sur les réformes institutionnelles. Certains
diront qu’elles sont un levier indispensable permettant, par la suite, d’adopter
plus aisément les réformes de fond qui s’imposent
à notre pays. Malheureusement, ces mutations institutionnelles ne
seront qu’une jambe de bois. Les gouvernements violent constamment les
textes suprêmes. La discrimination positive en est d’ailleurs un
parfait exemple. Il est donc extrêmement naïf de croire que la
Constitution sera un rempart protecteur contre les abus étatiques.
Enfin,
même sur ce thème précis, il est difficile de faire
confiance à François Bayrou qui, de campagne en campagne,
modifie son projet institutionnel. Qu’est devenue, par exemple, sa
fameuse VIe République ?
|
|