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La monnaie
libre en or ou argent avait été adoptée en 1792. Cela
voulait dire que n’importe qui pouvait prendre de l’or ou de
l’argent et l’amener à la Monnaie et faire frapper des
pièces. Un dollar en argent contenait du métal argent pour une
valeur d’un dollar et une plus petite pièce d’or avait un
teneur d’or équivalente à un dollar. Le prix de
l’or sur le marché international était stable mais le
cours de l’argent variait.
Pendant la
présidence d’Andrew Jackson (1829-1837) le ratio entre
l’or et l’argent était de 16 contre 1, ce qui était
son ratio historique de toute façon. Le ratio n’était pas
une idée neuve mais il devient officiel à ce moment-là.
En 1849, on découvrit de l’or en Californie. Le 49ème
Etat extrayait tant d’or que le Trésor en avait
été inondé et que ce dernier avait donc moins de valeur
par rapport à l’argent, une once d’argent permettant
d’acheter 1.04 $ d’or. En 1853, le Congrès abandonna la
liberté de faire frapper des pièces d’argent sauf pour le
dollar en argent qui obtint le surnom de « roue de
charriot ». Peu d’Américains s’en
aperçurent ou s’en soucièrent dans la mesure où la
monnaie argent était toujours frappée par le Trésor.
Survint ensuite la guerre entre les Etats et la valeur des deux
monnaies, du Nord et du Sud, se rapprocha du zéro absolu. Les deux
parties imprimaient de la monnaie pour dédommager leurs
côtés respectifs et le résultat fut un exemple
supplémentaire de l’Histoire qui se répète.
Après la guerre, les gens voulaient une monnaie possédant une
valeur véritable. De la monnaie saine qui ne pourrait pas être
produite par la planche à billets. Les hommes d’affaires
souhaitaient un dollar fort, avec une valeur stable dans le monde entier. En
raison de la pression des capitalistes occidentaux, le Congrès
décida de stopper l’émission du dollar argent, donc
littéralement de démonétiser l’argent. Cet acte
entra dans l’histoire comme « le crime de
‘73 ». Une dépression s’en suivit.
En 1875, la loi
dite du «Specie Resumption
Act » [Loi sur la reprise des
espèces] exigeait que toute monnaie en circulation soit garantie par
de l’or. L’outrage se poursuivait, tout comme les demandes que
l’argent soit de nouveau déclaré moyen de paiement
légal. Finalement, en 1878, la loi Bland-Allison
pourvut à ce que (1) le Trésor achète entre 2 et 4
millions d’argent chaque mois des mines occidentales, que (2)
l’argent soit acheté au cours du marché et non à
un ratio prédéterminé de 16 contre 1 et (3) que le
métal soit frappé comme dollars en argent et donc monnaie
légale. Rutherford Hayes opposa son veto mais le Congrès le
supplanta et le projet de loi devint loi. La loi Bland-Allison
n’était pas une solution complète, mais
c’était un début vers un retour de
l’Amérique au standard or-argent. Le terme de
« bimétallisme » a été
utilisé pour décrire cette loi.
Les mineurs, les fermiers et les autres habitants de l’Ouest qui
avaient des difficultés en raison de la pénurie de monnaie,
traduite en argent, protestaient toujours de manière
véhémente. En 1890, le Congrès et le président
Benjamin Harrison passèrent la loi Sherman sur l’achat
d’argent qui complétait la loi Bland-Allison
et exigeait un achat de 4,5 millions d’onces d’argent
supplémentaires par mois pour un total de 8,5 millions d’onces,
achat qui devrait être effectué en billets convertibles en or ou
en argent. Cela représentait l’essentiel de la production des
mines de l’ouest et l’argent passa de 84 cents l’once
à 1,50 $. Les intérêts des mines du Colorado
étaient en plein boom après le passage de la loi Sherman.
Leadville fleurissait grace aux sacs d’argent
d’Horace Tabor qui délaissa sa femme Augusta, la
mal-fagotée, et se maria à la fameuse «Baby Doe » qui mourut faible, transie et sans le
sou près de la mine de « Matchless »
en 1937.
Dans le
comté de San Juan dans le Colorado, le district des mines des
Montagnes Rouges déversait des tonnes d’argent sur le chemin de
fer de Silverton [« Tonnedargent »]
qui fut abandonné en 1925. Otto Mears, un
immigrant russe, qui s’enrichit en construisant des routes payantes et
des chemins de fer au Colorado, fit beaucoup d’argent en transportant
des dames, du whisky, du charbon et des marchandises jusqu’à la
ville de Montagne Rouge et, une fois le minerai extrait, il donnait des
passes en argent pur à ses meilleurs clients chaque année. Ils
valent maintenant des milliers de dollars à condition d’en
trouver un à vendre. (J’ai offert 1500$ pour l’un
d’eux en 1972 et qui m’ont été tout bonnement
refusés). On dit que le nom « Silverton » vient
du fait qu’un rigolo avait dit un jour « nous n’avons
pas d’or mais nous avons des tonnes d’argent». Silverton, à
l’époque faste du métal argent possédait 37
saloons et des « belles de nuit » par douzaines. Il y
avait « Lil à la dent de
diamant », « Lola la négresse »,
« Fanny la juive » et « Lou la
poitrinaire» pour n’en nommer que quelques unes. Georges Brower ouvrit le Casino et théâtre
d’Arlington et fit venir Wyatt Earp pour
diriger les activités de jeux. La dernière des filles à
quitter le lieu fut « Fanny la juive » qui faisait
remarquer au « Diacre » Salfisberg,
le receveur des postes, quand elle partit « qu’elle ne
pouvait pas vendre ce que les lycéennes offrait pour
rien ». Elle était devenue un peu vieille et trapue
à son départ. Sa maison se dresse toujours sur la rue Blair et
héberge un restaurant.
La Comstock Lode
à Virginia City dans le Nevada et les différentes mines du
Colorado produisaient des quantités énormes d’argent.
L’argent devint « une braise chaude» et les gens
échangeaient leurs dollars argent contre des dollars or car cela
était raisonnable. Un dollar en or valait plus qu’un dollar en
argent et les gens les échangeaient par millions. Le ratio de 16
contre 1 était caduc pour tout projet concret. Le résultat de
ce déséquilibre, en 1893, fut une pénurie d’or et
un surplus d’argent. Ce surplus d’argent causa aussi une grande
peur parmi les hommes d’affaires de l’ouest, les
républicains en général et les investisseurs étrangers
qui pensaient que si l’argent remplaçait l’or, l’or
serait thésaurisé. La morosité de l’est se
traduisait par exactement l’opposé de ce qui se passait à
l’ouest. A l’ouest les magasins et les entreprises
commençaient à faire faillite et effectivement l’or
commençait à être mis de côté.
Un autre
« crime » fut passé au Congrès. Le
« crime de 93 » fut que la loi Sherman sur
l’achat d’argent fut refusée par le Congrès. Ce fut
la fin des mines d’argent pour tout projet d’ordre pratique. Les
mines et les villes de l’Ouest qui en dépendaient firent
faillite, la valeur des biens immobiliers chuta, les banqueroutes
étaient légions et les banques fermaient, certaines ne rouvrant
jamais. Celles qui le faisaient, payaient généralement le
dollar 25 cents. Le chemin de fer de Denver et du Rio Grande furent
placés sous le contrôle d’un administrateur judiciaire et
l’argent chuta à 62 cents l’once. Les mines, les
raffineries et les fonderies fermaient et les mineurs perdaient leur travail
par milliers. Ceux qui le conservaient voyaient leurs salaires diminuer, ce
qui mena à de violentes grèves. Même loin de Denver, la
crise se faisait sentir et la région était incapable de prendre
soin des chômeurs et des sans-abris. Aspen Colorado qui avait
été une ville complètement dépendante de
l’argent chuta dans une grave dépression et ne fut
ranimée qu’après la seconde guerre mondiale lorsque
l’armée vint s’y installer pour entraîner la 10ème
division de montagne sur les pentes d’Aspen. Les autres villes du
Colorado comme Telluride, Silverton, Ouray et
Leadville sombrèrent également dans une dépression
terrible, exception faite de Cripple Creek
où une découverte d’or fut faite en 1891 lui donnant son
surnom de « le camp d’or le plus grand du
monde ». Cripple produit encore un peu
d’or. L’or de Cripple Creek est produit
grâce à un traitement par lixiviation (« heap leach process ») et n’est plus souterrain mais
copie les mines de charbon en décimant les sommets de montagnes
entières, extrayant l’or et en remplaçant le
matériau usé.
De nombreux camps-mines étaient tellement immergés dans
l’argent qu’ils n’ont jamais pensé à
l’or. Une fois le « crime de 93 »
digéré, les directeurs des mines et les contremaîtres
découvrirent que les rejets des mines (qui avaient été
considérés comme des déchets) contenaient en fait
d’énormes dépôts d’or, de plomb, de zinc et
même de cuivre.
Les montagnes de déchets furent retravaillées, les mines
rouvrirent et devinrent plus prospères pour un temps. Ce qui les brisa
définitivement, ce sont le gouvernement et ses agences : EPA,
MSHA (une variation pour les mines d’OSHA) et autres bureaucraties en
tous genres qui rendirent l’exploitation des mines virtuellement
impossible. Dans le cas de Silverton, la dernière mine quitta le lieu
en 1991, incapable de faire un profit en raison des nombreuses restrictions,
régulations et interdictions. On dit que pour chaque pièce de
10 cents extraite de Silverton, il y a encore 90 cents à
l’intérieur de ces glorieuses montagnes que j’aime tant.
William Jennings Bryan fit campagne sur la
reprise d’un standard monétaire bimétallique et son
fameux discours affirmait que s’il était élu,
l’Amérique « ne serait pas crucifiée sur une
croix en or ». Bryan était un avocat et orateur
renommé qui mourut peu après avoir plaidé son
« procès du singe » dans le Tennessee.
« Hériter du vent », l’un de mes films
préférés, retrace ce procès. Aujourd’hui,
il y a bien plus d’or que d’argent disponible bien que les deux
métaux soient tous deux d’excellentes manières de
« se protéger », comme je le dis habituellement.
Don Stott
Colorado Gold
Don Stott est le fondateur de Colorado Gold
et écrit régulièrement des chroniques sur l’or,
l’argent et les marchés financiers.
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