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Le projet de démantèlement à long terme de la centrale de Fukushima, dans
lequel les autorités japonaises et mondiales se sont engagés, suscite deux
grandes interrogations qui ne sont pas prêtes de trouver une réponse
satisfaisante : que faire de l’eau contaminée après refroidissement des
réacteurs – dont le stockage précaire actuel est provisoire – et quelles
solutions inventer pour récupérer et stocker les trois coriums dont la
localisation n’est pas établie, qui représentent 250 tonnes de matière
nucléaire hautement radioactive ?
Pour la première d’entre elles, l’Agence Internationale de l’énergie
atomique (AIEA), qui renvoie une mission sur le site de Fukushima du 17 au 21
avril, préconise faute d’autre solution un expédient : la rejeter à la mer
après l’avoir autant que possible décontaminée. On n’en sera pas surpris,
connaissant sa détermination à défendre l’énergie électronucléaire dont elle
représente de facto les intérêts. Yukiya Amano, son directeur général, en a
fait preuve la semaine dernière en réaffirmant à son propos que « malgré
l’accident de Fukushima Daiichi, elle continue à jouer un rôle important dans
le mix énergétique mondial ». L’AIEA participe activement à la
normalisation en cours en apportant sa caution.
A propos des coriums, on en est aux premiers tâtonnements, poursuivant le
modeste objectif d’établir où ils se trouvent, après avoir formellement
reconnu qu’ils ont percé l’enceinte de confinement en acier des réacteurs.
L’ampleur et la sophistication des moyens nécessaires afin de simplement y
parvenir en dit long sur les obstacles qu’il va falloir franchir pour assurer
un hypothétique démantèlement. Cela implique une mobilisation des compétences
sous les auspices de l’International Research Institute for Nuclear
Decommissioning (IRID), qui a été créé à cet effet au Japon afin de les
coordonner, dont le long et fort hasardeux parcours a commencé.
En février et mars dernier, de premières mesures effectuées avec des
technologies d’imagerie utilisant des détecteurs à muons – particules à haute
énergie qui ne sont freinées que par des matériaux très denses, comme le
plutonium et l’uranium – ont permis de confirmer que les coriums n’étaient
plus dans les cuves des réacteurs n°1 et 2. Un autre dispositif développé par
Toshiba et constitué de deux détecteurs de 8 mètres de haut et de 20 tonnes
placés de part et d’autre des réacteurs devrait ultérieurement permettre
d’approfondir les investigations dans la partie basse des réacteurs. Car l’un
des enjeux immédiats est de savoir si les coriums ont été ou non arrêtés par
la feuille de blindage d’acier interne aux radiers en béton de 8 mètres
d’épaisseur, l’ultime barrière avant leur évasion. Si elle se révélait avoir
été franchie, la catastrophe entrerait dans une autre dimension.
Une fois déterminé l’emplacement des coriums, si le détecteur fonctionne
comme prévu, il restera rien de moins que de se doter des moyens robotisés
destinés à les découper, puis à les enlever et à les stocker. Une situation
jamais rencontrée, qui implique de tout inventer. On a peine à croire à ce
scénario, vu son démarrage. Ce week-end, la perte au sein du réacteur n°1
d’un petit robot d’exploration développé par Hitachi, qui mesure 60 cm une
fois déployé, illustre l’ampleur du défi : il a cessé de répondre aux
commandes au bout de trois heures et dû être déclaré abandonné dans un
endroit où les humains ne peuvent pas pénétrer. Il avait pourtant bénéficié
d’une ingénierie mécatronique de pointe combinant des savoir-faire mécanique,
électronique et informatique, visant notamment à accroître sa résistance aux
interférences électromagnétiques et aux hauts niveaux de radiation.
Plus de trois ans après le déclenchement de la catastrophe, un premier
bilan peut être fait des progrès accomplis sur le site de la centrale : la
stabiliser par des aspersions massives d’eau de refroidissement des réacteurs
crée un nouveau problème sans autre solution semble-t-il que de contaminer
l’océan, et la démanteler est un pari technologique hasardeux de plus pour
une industrie électronucléaire coutumière des faits accomplis, dont on sait
désormais qu’elle ne les gagne pas à tous les coups.
Le parc des centrales du pays toujours à l’arrêt, le gouvernement japonais
prépare la relance de deux réacteurs de la compagnie Kyushu Electric Power,
après avoir obtenu l’approbation de l’autorité de sureté nucléaire et des
autorités locales. Takashi Imai, le président du Forum de l’industrie atomique
du Japon (JAIF), n’a pas manqué de s’en réjouir : « cette année marque
la fin de la période sans énergie nucléaire » a-t-il déclaré, poussant à
ce que les centrales ayant passé avec succès les contrôles de sûreté soient
remise en marche « dès que possible ».
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