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Dexia
est-il un « cas particulier » dans le paysage bancaire,
comme vient de l’affirmer François Baroin,
le ministre français des finances, toujours aux avant-postes quand il
s’agit de noyer le poisson ? Fidèle à sa ligne de conduite,
il vient d’être tout aussi catégorique en assurant que les
banques qui auraient besoin d’être recapitalisées avaient
été identifiées par les stress tests – ce qui
exclut les françaises – et que la garantie apportée par
l’Etat à la bad-bank, qui va
récupérer une partie des actifs douteux de Dexia,
n’aurait pas d’impact sur la notation de la dette
française. Utilisant un argument imparable pour cela :
« la garantie n’est actionnée que si elle
appelée, et nous faisons le pari que cette opération va fonctionner »…
La
vérité est que les dirigeants européens ont trois
semaines devant eux pour parvenir à un plan d’ensemble
évitant que tout ne s’écroule, et que tout reste à
faire. Au sortir du sommet de Berlin d’hier, il n’y a
d’accord d’aucune sorte sur aucun des sujets qui devraient le
composer. Pour gagner un peu de temps, le sommet européen prévu
les 17 et 18 de ce mois est repoussé au 23.
Ainsi
que l’a estimé José Manuel Barroso, tout le monde est
devant l’inconnue que représenterait une décote
supplémentaire de la dette grecque, afin de rendre crédible son
remboursement. Non seulement en raison des conséquences que cela
aurait pour les banques grecques, qui n’y résisteraient pas,
mais également pour l’ensemble de l’économie et des
fonds de retraite grecs, et enfin au-delà pour la zone euro. Il
n’y a en effet aucun précédent, et l’on a
maintenant compris que l’effet systémique d’un tel
défaut n’est pas prévisible, ne pouvant se mesurer
à la simple exposition des banques à la dette grecque, prises
une par une.
Jugeant
que la zone euro se trouvait « dans une situation très
difficile », le porte-parole du gouvernement allemand, a
expliqué ce matin que « il va y avoir maintenant un dur
travail sur les détails », tout en précisant que les
travaux à venir seraient « confidentiels ». On
verra combien de temps les fuites pourront être évitées,
sous la pression des marchés. Certes, ceux-ci se sont dans un
premier temps satisfaits de l’affirmation selon laquelle les banques
allaient être renforcées, mais des « détails »
vont devoir vite être fournis.
Avant
même de parler du dispositif qu’il va falloir déployer,
les estimations continuent d’être très variables à
propos des montants à mettre sur le tapis, afin que l’annonce
attendue fasse l’effet d’un tir de « bazooka »,
suivant l’expression venue d’outre-Atlantique (Henry Paulson avait ainsi qualifié le TARP). Depuis
reprise par David Cameron, le premier ministre britannique, qui estime par
ailleurs que « le temps est compté ». Pas moins
de cent milliards d’euros, en tout état de cause. Mais
d’autres estimations de JP Morgan et de Nomura dépassent les 200
milliards d’euros annoncés par le FMI et atteignent 400, voire
675 milliards d’euros, le tout dépendant de l’ampleur des
décotes à venir et des pays concernés. On est très
loin des 2,5 milliards identifiés par les derniers stress tests, que
Dexia avait d’ailleurs passés haut la main !
Une
triste vérité se fait jour : le simple calcul des besoins
de recapitalisation des banques – c’est à dire la
profondeur de leur trou potentiel – rencontre de grandes
difficultés d’appréciation. Pour mesurer la vanité
de l’exercice, il faut par exemple observer la proportion très
importante (jusqu’à 10% de leur noyau dur, selon la BCE) des
DTA, les Deferred Tax
Assests, qui sont des crédits
d’impôts sur les pertes antérieures comptabilisés
au titre du noyau dur au bilan des banques. Ils ne seront en effet
d’aucune réalité, si celles-ci ne produisent pas les
bénéfices anticipés.
L’Europe
a-t-elle les moyens de ce traitement de choc des banques, dans le contexte
politique actuel ? Rien n’est moins certain, ce qui laisse
supposer un parcimonieux renforcement des banques, et non pas un tir de
bazooka. Surtout qu’il faudra ensuite aborder l’autre grand
dossier en attente : comment élever une haute barrière
financière, par exemple sous forme de lignes de crédit
destinées aux Etats, pour éviter que l’Italie et
l’Espagne n’entrent au coeur de la zone
des tempêtes ? Mais n’anticipons pas, car les
marchés s’en chargent très bien.
Quoique
les banques en disent, l’addition commence à être
salée pour elles, si l’on ajoute à l’absorption
d’une décote supplémentaire sur les dettes souveraine de
la Grèce, probablement suivie de celles d’autres pays à
venir, l’obligation de s’aligner sur les nouveaux ratios de
Bâle III. Dans un contexte où leurs besoins de refinancement au
titre de leurs opérations de crédit en cours sont
élevés et alors que le marché obligataire accroît
ses exigences.
Les
banques ont de plus en plus de difficultés à convaincre les
marchés d’investir dans leur propre dette, en raison du
risque nouveau qu’elles représentent : leur exposition
à la dette souveraine qui était hier au contraire jugée
facteur de solidité. Jouant un rôle déterminant dans
l’offre de crédit aux entreprises, elles risquent de la
restreindre ou la rendre plus onéreuse, ce qui revient la plupart du
temps au même. C’est par ce biais que la récession
économique s’élargira et s’approfondira,
créant en retour un nouveau choc sur les banques, qui verront à
nouveau leur volume d’affaire diminuer.
La
situation de la zone euro a ceci de reconnu que la BCE a des moyens
d’action bien plus limités que ses collègues. Faire
sauter ce verrou pour l’aligner – solution que les
Américains et les Britanniques préconisent – est une
décision que l’on ne voit pas les Allemands accepter. Cette
porte fermée, il ne reste plus alors en magasin que des montages
reposant sur un empilement de dettes, afin de créer un effet de
levier au FESF.
Le
champ du possible se rétrécit.
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