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Le gouvernement américain
accuse la Chine de concurrence déloyale. Il prétend que les
exportations chinoises sont avantagées par un taux de change maintenu
artificiellement bas. Ces exportations viennent gonfler le déficit
commercial américain, déjà énorme. Un
déficit commercial signifie que la valeur des importations d'un pays
dépasse celle de ses exportations. Les États-Unis ont un
déficit commercial avec le reste du monde presque sans interruption
depuis 1971. C'est également en 1971 que le dollar a été
coupé de tout lien avec l'or. Ce déficit est financé en
grande partie par les investisseurs étrangers.
La Chine sert de bouc
émissaire pour ce déficit, car plusieurs autres pays, dont le
Canada, vendent davantage de produits et services aux Américains
qu'ils n'en achètent. Cette accusation laisse poindre un malaise de la
part du gouvernement américain non seulement avec ce déficit,
mais également avec sa dette publique.
Tous ces éléments
– dette publique, déficit commercial et taux de change –
sont liés et portent à confusion. Le principal problème
à la source de ce déficit, de la dette publique
américaine et de la dette publique des autres pays est l'inflation.
À son tour, l'inflation est facilitée par l'existence d'une
monnaie fiduciaire et un monopole d'État sur l'émission de
cette monnaie. Tant que l'objectif n'est pas de maîtriser l'inflation
monétaire, les modifications au taux de change et les
réductions du déficit commercial et des dettes publiques seront
toujours à recommencer.
Monnaie flottante
La Chine fixe sa monnaie – le
renminbi, également connu sous le nom de « yuan » –
au dollar américain depuis une dizaine d'années, à un
taux de 8,3 yuan pour un dollar. Il est donc curieux que cette accusation ne
se soit pas fait entendre dès la mise en vigueur de cette politique.
Est-ce parce que l'économie chinoise semble mieux se porter que
l'économie américaine? Toujours est-il que le gouvernement
américain demande maintenant aux autorités chinoises de faire
flotter leur monnaie, c'est-à-dire de la détacher du dollar
pour que son taux puisse varier d'après la loi de l'offre et de la
demande.
Il est
intéressant de constater les différentes raisons
évoquées pour cette recommandation. Certains prétendent
qu'il s'agit de résoudre le déficit commercial, d'autres
parlent de « rééquilibrer les forces ». De
son côté, le président des États-Unis disait, il y
a un peu plus d'un an, lors d'une interview à la chaîne CNBC:
« We expect our trading partners to treat our people fairly –
our producers and workers and farmers and manufacturers – and we don't
think we're being treated fairly when a currency is controlled by the
government… We believe the currency ought to be controlled by the
market. »
La croyance voulant qu'une monnaie
à taux variable relève davantage du marché qu'une
monnaie à taux fixe est également partagée par de
nombreux « experts ». Or, que le taux d'une monnaie fiduciaire
varie ou non par rapport aux autres monnaies, elle n'en demeure pas moins
contrôlée par le gouvernement.
Si la Chine laissait
flotter sa monnaie demain matin et que j'avais à gager sur le cours de
celle-ci, je miserais sur une baisse relative du yuan étant
donné l'importance de son inflation. Il va sans dire qu'une baisse du
yuan par rapport au dollar serait mal vue dans les officines du gouvernement
américain. On pense qu'un yuan plus « fort »
aiderait l'emploi domestique et permettrait de résorber le
déficit commercial avec la Chine, d'où les pressions à
le réévaluer.
Dans un sens comme
dans l'autre, il n'y a pas de situation idéale. En effet, suite
à une baisse relative du yuan, les Chinois devront payer davantage les
importations nécessaires à leur quotidien et à leur
développement. Au contraire, s'il s'en suivait une hausse relative du
yuan, ce sont ses exportations et par conséquent l'influx de capitaux
étrangers qui seraient à la baisse. Aux États-Unis, une
hausse du yuan avantagerait les exportateurs, mais au détriment des
consommateurs qui auront à débourser davantage pour les
nombreux produits importés.
Pourquoi les
gouvernements veulent-ils favoriser les exportateurs au détriment de
l'ensemble de leur population? Le prix à payer est pourtant
énorme. Les consommateurs ont à débourser davantage pour
les mêmes produits étrangers, et ils ont alors moins d'argent
pour acheter autre chose. Redistribuer un problème ne signifie pas le
résoudre. Vouloir régler le déficit commercial
américain en demandant à la Chine de réévaluer
son taux de change ne fait que déplacer le véritable
problème, qui est l'inflation.
Il est important de
noter qu'un taux de change fixe est insoutenable à moyen terme, car la
monnaie la moins dévaluée finit par disparaître de la
circulation pour être thésaurisée. La plupart du temps, les
gouvernements se servent d'un taux de change fixe pour créer de
l'inflation à la tonne, jusqu'au jour où ils doivent la laisser
flotter à cause de la pression spéculative. La monnaie est
alors sauvée in extremis grâce à la forte
récession qui s'ensuit.
Regardez ce qui s'est
passé avec le peso mexicain en 1994-5, le bath thaïlandais en
1997-8 ou le peso argentin en 2002, pour ne prendre que des exemples
récents. Les trois monnaies étaient fixées au dollar et
chacune d'elle, dès qu'il fût possible de la transiger, a subi
une forte dévaluation, de l'ordre de 40%, en l'espace de quelques
jours. Le gouvernement chinois crée bien davantage d'inflation que le gouvernement
américain depuis plusieurs années, alors pourquoi le
même sort n'attendrait-il pas le yuan? Si on devait accuser la Chine de
quelque chose, c'est bien de cela. Or, on l'accuse de bien des maux, mais pas
de celui-là.
Déficit et inflation
Le gouvernement
américain pointe d'un doigt accusateur la Chine pour son
déficit commercial et demande qu'elle adopte un taux variable, voire
un taux prétendument « juste ». Toutefois, comme on vient
de le démontrer, ce taux, qu'il soit variable ou fixe mais haussé,
réglera peut-être ce déficit, mais au détriment de
la majorité. S'il y a lieu de s'inquiéter de ce déficit,
c'est parce qu'il cache l'inflation monétaire.
Lorsqu'on
considère que les étrangers financent également une part
sans cesse croissante des services américains, on peut se demander
comment cela est possible. Les dettes américaines, voire les dettes
gouvernementales en général, sont à distinguer des
dettes privées. Un individu qui accumule trop de dette doit changer
ses habitudes ou faire faillite. Une entreprise, en principe, n'a pas plus de
choix, sauf que les contribuables, malgré eux, viennent souvent
à sa rescousse grâce à la «
générosité » du gouvernement. Celui-ci, par
contre, ne fait jamais faillite, d'abord parce qu'il impose toujours plus,
ensuite parce qu'il dévalue sa monnaie.
Une dévaluation
monétaire n'est rien d'autre que l'inflation, c'est-à-dire une
augmentation du stock de monnaie en circulation. Réduire ses dettes
permet une plus grande marge de manoeuvre, mais réduire les dettes
publiques à l'aide de l'inflation monétaire ne donne une marge
de manoeuvre qu'à court terme seulement et au risque de la perdre
complètement. Ainsi, s'il faut se soucier des dettes publiques, c'est
dans la mesure où on utilise l'inflation pour les accumuler, soit tout
le temps. Une simple réduction de dette, à l'instar d'une
réduction du déficit commercial ou de l'utilisation d'un taux
de change variable, passe à côté du véritable
problème à maîtriser, soit l'inflation.
L'inflation permet aux
gouvernements de créer plus de dettes qu'ils n'ont d'actifs. Par un
processus subtil mais réel, les richesses sont ainsi
détournées de leurs propriétaires légitimes en
faveur des gouvernements, tout en enrichissant certains banquiers au passage
(voir l'article « La
stabilité de certains prix cache l'inflation monétaire
», le QL, no 132).
Les gouvernements
promettent ainsi plus de services qu'ils sont capables de fournir, car ils
ont le loisir de réduire leur dette, sur le dos de la population qui
la finance, en la dévaluant par l'inflation qu'ils contrôlent.
Celle-ci est facilitée par l'utilisation de monnaie fiduciaire et un
monopole d'État.
L'inflation est
toujours plus importante lorsque la monnaie est monopolisée et qu'il
n'en coûte rien pour la produire. Avant que les gouvernements ne
décrètent un monopole sur la monnaie, l'inflation était
pratiquement inexistante, car il coûte cher d'explorer des
métaux précieux et d'en produire de la monnaie. Cette monnaie
est justement précieuse, entre autres caractéristiques, parce
qu'elle est produite à partir de ressources qui se trouvent rarement.
L'inflation est
sournoise, elle procède en douceur sans que les gens s'en
aperçoivent. Il s'agit d'une des plus grandes injustices de ce monde.
Si elle a pris autant d'ampleur depuis cent ans, il faut en remercier votre
gouvernement, car c'est lui qui contrôle la monnaie.
Au cours des
siècles, lorsqu'une monnaie était établie librement,
elle était soit métallique, soit tirait sa valeur du
métal. Elle se définissait par une quantité d'or, son
prix était donc fixe. Dans la mesure où l'argent
métallique accompagnait l'or comme monnaie, il y avait un taux
variable entre les deux. Voilà bien la seule façon dont on
devrait parler de taux de change fixe ou variable.
On reconnaît
l'inflation davantage aux dettes qu'elle entraîne qu'aux augmentations
de prix dont les causes sont multiples. Les dettes et certaines variations de
prix, autant à la hausse qu'à la baisse, sont les
symptômes de la maladie et non la maladie elle-même. La maladie
existe grâce à la monnaie fiduciaire monopolisée par
l'État.
Château de cartes
Les
banques centrales européennes et notamment asiatiques
détiennent une part de plus en plus grande de la dette
américaine. Elles ont non seulement investi dans un dollar qui se
déprécie, mais elles dévaluent autant, voire davantage,
leur propre monnaie non seulement dans le but de maintenir leurs
exportations, mais, dans une folle témérité,
également pour soutenir un dollar qui tient lieu de «
système » monétaire mondial. Or, cela n'a rien d'un
système, mais tout d'un château de cartes!
L'endettement ne peut
soutenir une monnaie fiduciaire qu'à la condition qu'on en voit la
fin. Or les dettes de certains gouvernements n'ont pas de fin, elles sont
destinées à n'être remboursées qu'à une
fraction de leur valeur initiale à cause de l'inflation qui les ronge.
Si les investisseurs, au compte duquel on retrouve les gouvernements, réalisent
qu'il vaut mieux vendre ces « promesses » que de les voir se
déprécier à un rythme accéléré, ils
pourraient procéder, sans crier gare, à une vente de feu sans
précédent.
Cette tension se fait
de plus en plus sentir. Trop d'inflation, trop de dettes et trop de
déclarations intempestives finissent par vous rendre nerveux.
Peut-être qu'à force de le pousser dans les câbles le
gouvernement pourrait déclarer: « D'accord, nous
réévaluons le yuan à la hausse, comme vous le désirez.
Dorénavant, un yuan équivaut à 1/2000 d'once d'or, soit
5 yuan pour un dollar au prix du jour. Nous faisons d'énormes
sacrifices en haussant ainsi notre monnaie par rapport au dollar, mais nous
reconnaissons la sagesse de vos recommandations et nous nous y plions
sur-le-champ. »
Est-ce trop attendre d'un
gouvernement? Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale de Chine,
disait devant la London Bullion Market Association, le 6 septembre
dernier: « Allowing people to hold assets in gold can
improve social welfare, benefiting both the country and its people. Also,
the dual character of being an ordinary commodity and a currency allow gold
to well hedge against risks. So it is practical to develop individual gold
trading business. »
Permettre aux gens d'acheter et
vendre de l'or n'en fait pas une monnaie. Il s'agit néanmoins d'un pas
dans la bonne direction. Devant des gouvernements qui n'en finissent plus de
dévaluer leur monnaie, accumuler de l'or pour préserver son
pouvoir d'achat est une bonne idée; et certainement
préférable à chercher des boucs émissaires.
Faut-il y lire l'annonce prochaine d'un yuan ancré à l'or? Si
tel est le cas, tant mieux pour les Chinois. Ils en auront besoin pour passer
au travers la récession probable qui les attend lorsque leur monnaie
se transigera. Néanmoins, une telle décision permettrait
d'envisager une Chine plus libre et une assise plus solide pour continuer son
expansion économique.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire
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