L’année 2015 a marqué le
150éme anniversaire de la fin de la Guerre civile aux Etats-Unis, plus
correctement décrite comme la guerre qui a empêché l’indépendance des Etats du
sud. Elle marque également le 31ème anniversaire du film Le Parrain 2, dont une
seule scène suffit à illustrer la véritable cause de la Guerre civile.
La scène en question implique
un parrain de la Mafia new-yorkaise de Hell’s Kitchen du début du XXème
siècle, Don Fanucci, dont le personnage est inspiré d’un véritable parrain de
la Mafia du nom d’Ignazio Lupo. Dans cette scène, Don Fanucci rencontre le
jeune Vito Corleone (qui deviendra plus tard le Parrain) après avoir eu vent
du succès de Vito et de ses amis en tant que voleurs dans le voisinage.
L’objectif de cette rencontre était de soutirer de l’argent aux jeunes
aspirants mafieux, puisqu’après tout, c’était là l’entreprise première de la
Mafia de l’époque. Don Fanucci (comme Ignazio Lupo) allait rendre visite à
tous les gens d’affaires de Hell’s Kitchen pour leur dire que
« s’ils veulent continuer de faire des affaires dans ‘mon’ quartier, ils
devront me reverser un pourcentage – sinon… » (Ignazio Lupo n’était pas
un plaisantin, on lui attribue au moins soixante meurtres). Voici ce que Don
Fanucci dit à notre jeune Vito Corleone dans Le
Parrain 2 :
Don Fanucci à Vito
Corleone :
« J’entends dire que toi et tes amis volent dans le voisinage. Mais tu
n’envoies pas même une robe à mon adresse ! Quel manque de
respect ! Tu sais que j’ai trois filles. C’est mon quartier. Toi et tes
amis devraient me faire preuve de respect. Vous devriez me laisser me
mouiller le bec de temps en temps. J’ai entendu dire que vous aviez tiré 600
dollars chacun. Donnez-moi 200 par tête, pour votre protection. Et je
passerai l’éponge sur l’insulte commise. Les jeunes punks que vous êtes
doivent apprendre à respecter les hommes comme moi ! Sans quoi les flics
ne tarderont pas à venir toquer chez toi. Ta famille sera ruinée. Si je me
trompe quant à ce que tu as volé, je prendrai un peu moins. Et par moins, je
veux dire cent dollars de moins. Ne refuse pas mon offre. Tu m’as compris,
paysan ? Dis à tes amis que je ne demande pas beaucoup. Juste assez pour
me tremper le bec. N’aie pas peur de le leur dire ! »
Dans la scène suivante, Vito
Corleone assassine Don Fanucci et devient le nouveau Parrain du quartier, et
collecteur de la monnaie extorquée en échange du privilège de faire affaires
dans son quartier.
La cause criminelle de
la Guerre civile
Dans son premier discours d’investiture, Abraham Lincoln a présenté la même
menace aux Etats du sud. Mais en tant que chef d’un puissant gouvernement, et
non de simple criminel. Sa menace impliquait une invasion et de véritables
« bains de sang » (ses propres mots) ainsi qu’une guerre qui a,
selon de récentes recherches, coûté la vie à 850.000 Américains. L’Etat, nous
explique Murray Rothbard dans son essai intitulé « The State », est
parasite par nature. Il vit de manière coercitive, de la production de ses
citoyens. L’objectif de l’Etat est le pillage par la classe gouvernante de ceux
qui ne gouvernent pas. Comme Rothbard l’écrit ensuite en citant Albert Jay
Nock, « l’Etat réclame et exerce un monopole du crime… il interdit le
meurtre privé, mais organise lui-même le crime sur une échelle colossale. Il
punit le vol privé, mais met ses mains peu scrupuleuses sur tout ce qu’il
désire, qu’il s’agisse de la propriété d’un citoyen ou d’un étranger ».
Comme l’a un jour dit George Washington, « le gouvernement n’est pas la
raison, il n’est pas éloquent, il est la force, et peut potentiellement
devenir un maître terrible ».
L’extorsion est la
préoccupation primaire des Etats et des chefs d’Etat. Fred McChesney,
économiste et chercheur juridique, a écrit dans son livre intitulé Money for Nothing: Politics, Rent
Extraction, and Political Extortion (Harvard University
Press, 1997) qu’aux Etats-Unis, à n’importe quel niveau que ce soit, les
gouvernements proposent des taxes et régulations onéreuses et potentiellement
désastreuses aux entreprises et industries afin de pouvoir solliciter des
« contributions de campagne ». Après que des millions de dollars
sont envoyés aux politiciens des deux partis, les taxes et régulations
proposées sont retirées. Elles sont connues par les insiders de Capitol Hill
sous le nom de « projets de loi de trayeurs », puisqu’elles visent
à la traite des hommes d’affaires, à la Don Fanucci, exception faite des
menaces de mort. Des menaces de ruine économique (ou d’audits sur les
revenus) ont tendance à suffire.
En 1861, Abraham Lincoln était
un homme politique de l’Illinois dont la réputation dans le monde politique
était d’être un grand champion du patronage et de la subvention des
entreprises parasites. Il était un riche avocat qui représentait toutes les
corporations de chemins de fer du Mid-West. Il voyageait toujours en wagon
privé, à la courtoisie de l’Illinois Central Railroad, accompagné d’un
entourage de directeurs, et vivait dans la plus grande maison sur ce qu’on
appelle aujourd’hui Old Aristocracy Row, à Sprinfield. Son cabinet juridique
était situé à cinquante pas de la porte d’entrée du siège de la législature
de l’Illinois.
Lincoln a passé toute sa
carrière politique à tenter d’utiliser des pouvoirs de l’Etat au bénéfice des
sociétés parasites (les un pourcent d’aujourd’hui), d’abord dans l’Illinois,
puis au sein des Etats du nord en général, au travers de tarifs
protectionnistes, de subventions de routes, de canaux et de chemins de fer,
et d’une banque nationale contrôlée par les politiciens pour financer tout
cela. C’était là le vieil agenda du parti hamiltonien/Whig qu’Hamilton
lui-même a qualifié de « système américain ». En réalité, il
s’agissait plus d’une version américaine du système mercantiliste rouillé et
corrompu de Grande-Bretagne, qui bénéficiait aux corporations proches de la
sphère politiques et aux dépens de tous les autres.
Dans son premier discours
d’investiture, Lincoln n’a pas perdu de temps pour s’établir en tant que Don
Fanucci de la politique américaine. Dans la première partie de son discours,
il a pris la défense de l’esclavage dans les Etats du sud, et a peut-être
fait l’apologie la plus vigoureuse jamais faite par un politicien américain.
L’objectif en était de maintenir les Etats du sud dans l’Union et, plus
important encore, de le forcer à continuer de verser leurs taxes fédérales,
qui avaient plus de doublé juste deux jours auparavant suite à la signature
de la loi Morrill par le président Buchanan. (A l’époque, les tarifs
d’importation représentaient environ 90% des recettes fédérales. La loi
Morrill a fait passer le taux tarifaire moyen de 15 à 32,6%, et élargi la
palette de produits couverts. Cette taxe est plus tard passée à 47%).
Sur la question de
l’esclavage, Lincoln a promis d’apporter son soutien le plus optimal.
« Je n’ai aucune intention, directe ou indirecte, d’interférer avec
l’institution de l’esclavage dans les Etats où il est encore en place. Je
pense n’avoir aucun droit de le faire, et n’ai aucune intention de le
faire. »
Il a ensuite rappelé à son
audience de Washington DC que cette défense de l’esclavage dans les Etats du
sud était un point clé de la plateforme républicaine de 1860. « Ceux qui
m’ont nominé et élu l’ont fait dans la certitude que je ferais cette exacte
déclaration, et que je ne renierais pas mes promesses… Aujourd’hui, je
réitère mes propos. »
Et puis Lincoln a offert son soutien à la mise en place de la loi sur les
esclaves fugitifs, qui demandait aux citoyens des Etats du nord de traquer
les esclaves ayant pris la fuite. Il a également offert son soutien à
l’amendement Corwin, déjà approuvé par la Chambre et le Sénat, qui aurait
interdit au gouvernement d’interférer avec l’esclavage dans les Etats du sud.
Le texte du « premier treizième amendement » a été rédigé
ainsi : « Aucun amendement ne pourra être fait à la Constitution
qui autoriserait ou donnerait le droit au Congrès d’abolir ou
d’interférer, au sein de tous les Etats, avec les institutions domestiques, à
l’inclusion de la réduction de certaines personnes à l’état de
servitude. »
Au milieu du mois de mars
1861, Lincoln a envoyé des copies de cet amendement à tous les gouverneurs
des Etats-Unis. Dans son premier discours d’investiture, il a mentionné cet
amendement par ces termes : « Je comprends qu’une proposition
d’amendement à la Constitution – que je n’ai moi-même pas lue - ait été
approuvée par le Congrès, qui demande à ce que le gouvernement fédéral
n’interfère jamais avec les institutions domestiques des Etats membres de
l’Union, à l’inclusion de l’état de servitude de certaines personnes… Je n’ai
aucune objection quant à la mise en place et au caractère irrévocable de
cette loi constitutionnelle. »
Pour ce qui est de
l’esclavage, Lincoln n’a même pas mentionné la possibilité d’un compromis. Il
s’est contenté de défendre l’esclavagisme des Etats du sud. C’est tout. Pour
lui, aucun compromis n’était nécessaire. La seule opposition à l’esclavage
qui ait jamais été discutée par Lincoln et le parti républicain était
l’opposition à l’extension de l’esclavage sur les nouveaux territoires,
justifiée par deux raisons. La première était que, en raison de la clause des
trois-cinquièmes de la Constitution, limiter l’esclavagisme limiterait
également la représentation du parti démocrate que Congrès, et rendrait plus
simple l’établissement du « système américain ». Deuxièmement, le parti
républicain cherchait à courtiser le nord blanc suprématiste en promettant
aux électeurs du nord qu’aucun Noir ne viendrait vivre chez eux ou ne
viendrait leur prendre leur emploi.
Sur la question des tarifs,
Lincoln s’est prouvé être un tyran sans scrupules. « Il n’y aura nul
besoin de bain de sang ou de violence », a-t-il annoncé lors de son
premier discours d’investiture. Pourquoi un président américain pourrait-il
penser nécessaire le recours à des bains de sang et à la violence contre ses
propres citoyens ? C’est ce qu’il a expliqué dans sa phrase
suivante : « Le pouvoir qui m’a été livré sera utilisé pour
maintenir, occuper et posséder la propriété et le rôle du gouvernement, et de
collecter taxes et impôts ; mais au-delà de ce qui est nécessaire à leur
collecte, il n’y aura pas d’invasion ou de recours à la force contre les
peuples, où qu’ils soient. »
Lincoln est devenu Don
Fanucci. Ce qu’il a voulu dire était essentiellement ceci :
« Voici où nous en
sommes. L’esclavage est déjà légal et constitutionnel sous le système
gouvernemental américain, et l’a été depuis 1776. Nous, citoyens du nord, ne
devrions pas hésiter à rendre l’esclavage irrévocable dans la Constitution.
Si vous êtes inquiet des appels à la rébellion d’esclaves dans les Etats du
nord, vous vous trompez. Restez dans l’Union, et votre propriété continuera
d’être protégée.
« L’esclavage est une
entreprise profitable et nous, au nord, avons l’intention de partager ces
profits. C’est l’un des objectifs du tarif de Morrill, qui vient de doubler
le taux moyen. Si vous, citoyens du sud, exportez au moins trois quarts de
vos produits agricoles et vous reposez tant sur le commerce avec
l’étranger ; les gens du nord ne peuvent pas tolérer les politiques de
libre-échange que vous avez inscrites dans la Constitution des confédérés.
(La Constitution confédérée rendait illégaux les tarifs protectionnistes). Le
libre-échange dans les Etats-Unis, et des tarifs de 50% au nord, la pierre
angulaire de la plateforme républicaine de 1860, détruiront les ports du nord
ainsi que notre commerce. Nous ne le permettront pas. Nous avons la volonté
et le pouvoir de faire usage de la force, de bains de sang et ne reculeront
pas devant une invasion des Etats du sud. Nous ne reculerons pas face à ceux
qui cherchent annuler les taxes en Caroline du Sud, comme l’a fait mon
prédécesseur Andrew Jackson il y a trente ans.
« Nous ne sommes pas plus
gourmands que nos homologues européens. Tout ce que nous voulons, c’est
tremper notre bec en taxant une partie de vos profits liés à l’esclavage. Nul
besoin de violence ou de bains de sang – tant que vous faites ce que nous
vous demandons. »
C’est ainsi que les
politiciens du sud ont compris les motivations de l’élite politique yankee de
1861. Jefferson Davis l’a lui-même démontré dans son propre discours
d’investiture à Montgomery, en Alabama, le 18 février 1861 :
« Notre politique
véritable est celle de la paix, et notre objectif un commerce aussi libre que
possible… il ne devrait y avoir que peu de restrictions à l’échange de
marchandises… Si la passion ou la convoitise peuvent troubler le jugement ou
enflammer les ambitions des Etats du nord, nous devons nous préparer à faire
face à l’urgence afin de maintenir, par l’épée si nécessaire, la position que
nous avons prise. »
Les autres raisons avancées
par les Etats du sud pour justifier leur demande de sécession n’ont aucune
importance dans la justification du conflit. La sécession ne nécessitait pas
la guerre. Lincoln a promis la guerre pour des raisons de taxes dans son
premier discours d’investiture. Quand les Etats du sud ont refusé de verser
son tarif Morrill bien-aimé dans les ports du sud, il a tenu sa promesse
d’invasion et de bains de sang, et mené la guerre contre les Etats du sud.
Aucun gangster de l’Histoire du monde n’avait encore mis en place un système
de racket grâce à un recours plus gargantuesque à la mort, au saccage et à la
destruction.