|
Le Dresden
Green
A
l’état brut, les pierres vertes sont généralement de trois types
distincts : pierres de teinte claire plutôt que de la couleur de l’eau
d’un lac, souvent en forme de cristal; pierres à la teinte vert foncé ;
ou pierres vertes teintées de jaune caractérisées par un certain degré de
lubricité. Une fois taillés et polis, les diamants du premier et deuxième
type perdent souvent leur couleur verte pour devenir des gemmes blanches ou,
alternativement, des pierres d’un jaune clair connues sous le nom d’argent capes. Les diamants verts facettés proviennent donc du
troisième type de pierres. La collection de diamants colorés de De Beers, qui a fait l’objet d’exposition tout autour du
monde, comprend quelques spécimens extraordinaires de diamants verts.
Il
faut d’abord commencer par expliquer le phénomène par lequel naissent les
diamants verts. La couleur verte est généralement causée par le contact d’un
cristal avec une source radioactive à n’importe quel moment au cours de sa
formation, et en termes géologiques, cela se mesure en millions d’années. Le
plus souvent, ces radiations sont dues à des particules alpha présentes dans
des composés d’uranium ou dans les nappes phréatiques en percolation. Une
exposition durable à ces particules forme un point vert à la surface d’un
diamant ou le recouvre d’une fine couche verte aussi épaisse que de la peau
et qui peut aisément être retirée lors du processus de taille. Mais les
rayons beta et gamma, ainsi que les neutrons, sont capables de colorer une
pierre plus en profondeur voire parfois rendre sa partie intérieure
entièrement verte.
La
chauffe de la pierre peut parfois en améliorer le rendu, mais la température
du four doit impérativement demeurer sous les 600 degrés, parce qu’au-delà de
cette température, la couleur verte a des chances de devenir jaune ou brune.
Ce changement de couleur est causé par des transformations au sein de la
structure du cristal. Avant d’entrer en contact avec des particules
radioactives, un cristal est stable, mais un choc radioactif est suffisant
pour en déranger l’équilibre et produire une couleur verte. Tempérer un
diamant vert peut aussi en altérer la couleur. Ce phénomène est similaire à
un morceau d’élastique détendu : il peut rétrécir, mais ne peut jamais
revenir à sa longueur initiale. De la même manière, après traitement, la
structure d’un diamant est transformée indéfiniment.
Le Dresden Green hors de sa monture.
Certaines
recherches ont prouvé que les diamants verts ou irradiés proviennent le plus
souvent de dépôts alluviaux, bien qu’on les découvre le plus souvent dans des
sources primaires, généralement vers le haut des tunnels volcaniques. Les
diamants verts, quelle que soit leur taille, sont rares. Le Dresden Green, qui sous sa forme brute pesait
certainement plus de 100 anciens carats, est un diamant unique. Il était à
l’origine certainement une pierre oblongue, parce que les diamants verts ont
rarement un clivage.
Le
Dresden Green tire son nom de la capitale de la
Saxe, où il a été exposé pendant plus de 200 ans. La plus ancienne référence
à son existence remonte à un article publié dans le journal Londonien The
post Boy dans les années 1700. L’article, publié dans le journal du 25-27
octobre 1722, mentionne ceci :
‘Mardi
dernier, dans l’après-midi, Mr Marcus Moses, récemment arrivé d’Inde, a eu
l’honneur de rencontrer Sa Majesté le roi George I (1714-21) avec son
diamant, qui est de couleur vert émeraude, et a passé près d’une heure en sa
compagnie. Sa Majesté a été très satisfaite du diamant. Il a dit n’avoir
encore jamais vu un diamant de ce type en Europe, et Marcus Moses a ensuite
présenté d’autres de ses pierres au Roi, de types qui n’avaient encore jamais
été rapportés d’Inde. Le 25 du mois, il a attendu Leurs Altesses Royales avec
son diamant, qui l’ont observé posé sur une feuille en aluminium. Le diamant
aurait été évalué à 10.000 livres’.
Marcus
Moses était un marchand de diamants de Londres au début du XVIIIe siècle – il
a également un lien avec l’histoire du Régent.
Une
autre référence au Dresden Green peut être trouvée
dans une lettre datée de 1726 et écrite par Baron Gautier, assesseur au
collège Geheimes Rath, à
Dresde, à l’ambassade Polonaise à Londres. Il explique que le diamant aurait
été offert à Frédéric Auguste Ier par un marchand Londonien pour la somme de
30.000 livres. Ce souverain, connu sous le nom d’Auguste le Fort, est
responsable de la construction de nombreux bâtiment à Dresde, qu’il a empli
de rares et extraordinaires trésors – sculptures, peintures et objets d’art.
Il a accumulé une collection de joyaux en tant que souverain de Saxe, et
lorsqu’il accéda au trône de Pologne en 1697, il demanda qu’une nouvelle
couronne soit créée à l’occasion de son couronnement. Frédéric Auguste a
sélectionné plusieurs salles du château de Dresde pour y déposer ses joyaux
et autres trésors, et les a surnommées le Coffre Vert, leur décoration
intérieure ayant été laissée à des artistes Perses. Le résultat final est
l’un des plus fins exemples de l’art baroque. Aujourd’hui, le contenu du
Coffre Vert se trouve au musée Albertinium,
construit sur le site où se trouvait autrefois le château qui fut détruit
pendant la seconde guerre mondiale.
Une
copie du diamant vert appartenait autrefois au physicien Sir Hans Sloane (1660-1753), dont la collection de livres,
manuscrits et autres curiosités forme la base du British Museum. Lorsque Sloane a pris sa retraite en 1741, sa librairie et sa
collection de curiosité étaient uniques au monde. Après sa mort, il a légué
ses biens à la nation, à la condition que le Parlement paie la somme de
20.000 livres à ses exécuteurs. Sa requête fut acceptée, et sa collection
contribua à l’ouverture du British Museum en 1759.
Ni
George Ier ni Frédéric Auguste n’ont acheté le diamant vert. Le fils du
dernier, Frédéric Auguste II (1733-1763) devint son premier propriétaire
royal. Il acheta le Dresden Green à un marchand
Hollandais du nom de Delles lors de la foire de Liepzig
en 1741. Nombreuses sont les sources qui indiquent un prix différent pour
cette vente, mais la somme la plus intéressante provient d’une lettre à
Frédéric le Grand, Roi de Prusse, stipulant que ‘pour le siège de Brünn, le
roi de Pologne s’est vu demander de l’artillerie lourde. Il a refusé en
raison de la rareté de la monnaie, mais venait de dépenser 400.000 thalers
pour un diamant vert’. Sur l’ordre de Frédéric Auguste II, le bijoutier de la
cour, Dinglinger, a monté le diamant sur la Toison
d’Or. Il y demeura attaché quatre année durant jusqu’en 1746. Le Roi demanda
ensuite à l’orfèvre Pallard de Vienne de lui
confectionner une nouvelle Toison d’Or sertie à la fois du Dresden Green et du Dresden
White, un diamant en forme de coussin d’un poids de 49,71 carats.
La Toison d’Or sertie du Dresden White (en haut). Le centre de l’ornement n’a pas
été détruit et se trouve aujourd’hui sur la présente Toison d’Or.
La partie supérieure de l’ornement a
été préservée et fait désormais partie de l’ornement du Dresden
White.
Entre
1756 et 1763, lors de la Guerre de Sept Ans, le contenu du Coffre Vert fut
mis en sécurité dans la forteresse de Königstein, au sud-est de Dresde à
proximité de la rivière de l’Elbe. Plusieurs années plus tard, après la fin
de la guerre et la défaite de la Saxe, la Toison d’Or de Pallard
fut aussi détruite. En 1768, un autre bijoutier, Diessbach,
monta le diamant vers sur une épingle à chapeau aux côtés de deux autres
brillants d’un poids total de près de 40 carats et d’autres diamants plus
petits. Le Dresden Green se trouve encore
aujourd’hui sur l’ornement de Diessbach.
Le Dresden
Green en exposition dans le Coffre Vert parmi d’autres joyaux de la couronne.
L’ornement de gauche est serti du Dresden White.
En
1806, la Saxe devint un royaume et la famille royale resta en place jusqu’en
1918, date à laquelle le dernier roi abdiqua. Le contenu du Coffre Vert a été
exposé au public jusqu’à la seconde guerre mondiale. En 1942, ils furent à nouveau
mis en sécurité au Königstein, échappant ainsi au raid aérien des Forces
Alliées de la nuit du 13 février 1945, qui dévasta Dresde. Plus tard, la même
année, la Commission Soviétique des Trophées, qui s’était installée au
château Pillnitz, près du centre de la ville en
ruines, transporta le contenu du Coffre Vert à Moscou. Il fut retourné en
1958.
Les facettes du Dresden
Green selon son fichier Gemcad.
Ce dessin est d’abord paru dans
l’édition de 1990 de Gems & Gemology,
et fut converti en fichier
Gemcad par Robert Strickland en 1998.
Le
GIA a examiné la pierre en 1988. Le Dresden Green
n’est pas seulement de qualité extraordinaire, mais aussi de type II2. Sa
clarté, selon le GIA, est de VS1, et la pierre a le
potentiel d’être sans aucun défaut interne (cela signifie qu’elle présente
des défauts à proximité de sa surface, probablement autour du pavillon, dont
une retaille pourrait améliorer la clarté). La pierre mesure 29.75 × 19.88 ×
10.29mm. Le GIA a noté la symétrie de la pierre comme bonne et son polissage
comme excellent, ce qui est exceptionnel pour un diamant taillé avant 1741.
Le Dresden Green est naturellement vert, ce qui est
très rare. Les diamants à la surface verte ou couverts de taches vertes sont
plus communs.
Une autre photo du Dresden
Green.
En
été de l’année 2000, Ronald Winston s’est arrangé pour que le Dresden Green puisse être mis en exposition en octobre 2000
à la galerie Harry Winston au Smithsonian
Institute, aux côtés d’un autre diamant très célèbres – le Hope. Le Dresden Green, de 40,70 carats – plus gros diamant vert
naturel jamais découvert - est depuis longtemps considéré comme le frère du
diamant Hope en raison de sa taille, de sa couleur et de son importance
historique. Le vendredi 14 octobre 2000 marqua l’ouverture officielle de
cette exposition exceptionnelle.
Ronald
Winston a passé douze années à planifier la réunion de ces deux diamants. ‘Il
n’y a qu’un autre diamant, le Dresden Green, qui
soit similaire au Hope en matière de rareté. J’ai toujours espéré voir un
jour les deux diamants côte à côte lors d’une exposition. Ils auraient été la
couronne du Court of Jewels de mon père, une
collection incomparable qui a été exposée dans tout le pays dans les années
1950 et comportait certain des plus célèbres diamants de l’Histoire’.
Le
Dresden Green est resté au Smithsonian
jusqu’en janvier 2001 avant de retourner au musée Albertinium,
à Dresde, où il se trouve encore aujourd’hui.
Sources: Site
internet The Harry Winston, Famous Diamonds par Ian Balfour, The
Nature of Diamonds par George E. Harlow, et le Gemstone Forecaster. Remerciements : R. Thomson.
|
|