Le droit à l’oubli et la réécriture de l’Histoire

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Published : July 15th, 2014
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Category : Crisis Watch

Penchons-nous un instant sur les aspects troublants de la censure, et sur la disparition virtuelle de milliers de références en ligne suite à la signature de la Charte de l’Union européenne sur le droit à l'oubli, qui autorise les individus à demander aux moteurs de recherche de retirer les liens contenant des informations personnelles à leur sujet.

Voici ce qu’en dit Wikipédia :

Le droit à l’oubli reflète la demande d’un individu de voir certaines informations à son sujet supprimées afin que des tierces personnes ne puissent plus retrouver sa trace. Ce droit a été défini comme le « droit de passer sous silence des évènements passés révolus ». Il se manifeste en permettant aux individus de supprimer des informations, des vidéos et des photographies les concernant des archives internet, afin de ne plus apparaître sur les moteurs de recherche.


En mai 2014, la Cour européenne de justice s’est prononcée contre Google en faveur de Costeja, un homme d’origine espagnole qui a fait la demande de suppression d’un lien vers un article digitalisé publié en 1998 par La Vanguardia concernant la mise aux enchères de sa maison saisie et une dette qu’il a par la suite remboursée. Il a d’abord tenté de faire supprimer l’article en déposant une plainte auprès de l’Agence espagnole de protection des données, qui a rejeté sa demande sur le principe que l’article était légal et exact, mais a accepté sa plainte contre Google puis demandé à la société de supprimer le lien vers l’article en question. Google a ensuite lancé une action en justice auprès de la Haute cour espagnole, qui a transféré une série de questions à la Cour de justice européenne. La Cour a décrété que les moteurs de recherche doivent être tenus responsables pour les liens qu’ils rendent disponibles, et Google a été forcé de se plier aux lois européennes sur la confidentialité des données.


Des articles du Guardian cachés par les moteurs de recherche


Je vous prie de considérer cet extrait de l’article intitulé EU's right to be forgotten: Guardian articles have been hidden by Google.


Suite à la déclaration de la Cour de justice européenne selon laquelle les individus ont le droit de demander le retrait d’information les concernant de la liste de résultats fournis par les moteurs de recherche, nous avons reçu ce matin une notification automatique indiquant que six articles du Guardian auraient été supprimés des résultats de recherche Google.


Trois de ces articles, qui remontent jusqu’en 2010, font référence à un ancien arbitre de la Ligue 1 écossaise aujourd’hui à la retraite, Dougie McDonald, qui aurait menti quant au penalty accordé lors d’un match opposant les Celtic à Dundee, et dont les répercussions ont entraîné sa retraite anticipée.


Si vous tapez « Dougie McDonald Guardian » dans Google.com – la version américaine de Google – vous verrez apparaître trois articles du Guardian au sujet de l’incident en haut de la liste de résultats. Entrez ces mêmes mots dans Google.co.uk, et ces articles ne sont plus disponibles. Les registres de McDonald ont été effacés.


Le Guardian ne peut rien faire contre le fait qu’une partie de son travail de reportage soit caché à une majorité des 368 millions de citoyens européens. L’aspect le plus étrange est que le contenu de ces articles existe toujours : si vous cliquez sur les liens présentés dans cet article, vous pourrez tomber sur les articles « disparus ». Personne n’a jamais suggéré que l’affaire n’était pas juste ou véridique. Mais les détails à son sujet ont été rendus difficiles d’accès.


Peut-être que certaines informations devraient pouvoir disparaître des archives : disons que quelqu’un ait commis un crime banal à l’âge de 18 ans, et ait depuis longtemps payé pour ses actes. Si, à l’âge de 30 ans, cette personne éprouvait encore des difficultés à trouver un emploi pour cause de son historique de recherche, ne pourrait-elle pas demander à ce que cette information tombe dans l’oubli ? Peut-être – c’est un sujet de débats. Mais un tel travail d’édition devrait être mis entre les mains des éditeurs, et pas de Google.


Le Guardian, comme les autres médias, publie souvent des articles au sujet des actions de certaines personnes, qui pourraient être considérées sinon illégales au moins sujettes à des débats politiques, éthiques ou moraux – évasion fiscale, par exemple. Ce genre d’informations ne devrait pas pouvoir être effacé : les supprimer représenterait une entrave à la liberté de la presse. La décision de la Cour européenne a mis un frein à la liberté d’expression – les articles de presse ne peuvent être lus que jusqu’à ce que quelqu’un demande à ce qu’ils soient cachés.


Les éditeurs peuvent et doivent faire plus pour se défendre. Ils pourraient choisir de saisir la justice. D’autres pourraient rechercher à publier sur des moteurs de recherche extérieurs à l’Union européenne. Ils pourraient aussi innover : qu’en serait-il d’une application qui publie sur Twitter le lien vers les articles qui viennent d’être effacés ? Suivriez-vous @GdnVanished ?


Tombé dans l’oubli


Et le problème ne concerne pas seulement le Guardian. Robert Peston, de la BBC, se demande pourquoi Google l'a jeté dans l'oubli.


Ce matin, la BBC recevait l’avis suivant de la part de Google :


Avis de retrait du moteur de recherche Google : nous avons le regret de vous informer que nous ne sommes plus en mesure de publier les pages suivantes de votre site sur certaines versions européennes de Google : Merrill's Mess


Ce que cela signifie est qu’un article que j’ai écrit en 2007 (au sujet de Merrill Lynch) ne sera plus disponible dans la liste de résultats de recherche Google en Europe.


Il a été caché des yeux du public, puisque Google est pour beaucoup la voie de l’information.


Pourquoi donc Google a-t-il supprimé cet exemple de mon travail de journalisme ?


Dans mon article, un seul individu est nommé. Il s’agit de Sean O’Neal, ancien directeur de la banque d’investissement Merrill Lynch.


Mon article décrit la manière dont O’Neal a été chassé de Merrill après que la banque d’investissement ait souffert de pertes colossales suites à des investissements irréfléchis.


Ces informations sont-elles inadéquates, hors-propos ou plus d’actualité ?

Hmmm


Beaucoup pourraient penser que cet article est essentiel aux registres, bons ou mauvais, d’un ancien chef d’entreprise – notamment quelqu’un qui a joué un rôle dans la crise financière la plus désastreuse de l’Histoire (Merrill a frisé l’effondrement l’année suivante avant d’être refinancée par Bank of America).


Big Brother


Michael Krieger, sur son blog Liberty Blitzkrieg, cite George Orwell : « Celui qui contrôle le passé contrôle le futur. Celui qui contrôle le présent contrôle le passé ».


Il se penche à son tour sur l’idée d’une application Twitter du Guardian…


A chaque fois qu’un article est censuré, il devrait être porté à l’attention du public. Si nous pouvions créer un compte Twitter qui regrouperait tous les articles supprimés (ou peut-être simplement les plus importants), nous pourrions donner à la campagne de censure des répercussions qui donnerait aux articles pris pour cibles plus de publicité que s’ils avaient été lu au travers de recherches standards. Imaginez les possibilités…


Il est intéressant de noter qu’en raison de la controverse qui en a découlé, un porte-parole de la Commission européenne a critiqué Google pour avoir supprimé l’article de la BBC. Ca ne peut pas s’inventer. Voilà un message de la BBC :


Selon un porte-parole de la Commission européenne, le retrait d’un article de la BBC de ses résultats de recherches n’était pas pertinent.


40.000 demandes de censure en moins de quatre jours


Paul Bernal, dans un article écrit pour CNN, se demande si Google compromet le droit à l'oubli.


Dans le commentaire que j'ai écrit pour CNN le lendemain du verdict de l’affaire Google Espagne, j’ai suggéré qu’il présenterait des difficultés pour Google – et potentiellement des coûts très élevés – et pourrait ouvrir la porte à des marées de requêtes, qui nécessiteraient toutes une résolution.


J’ai ensuite expliqué que la réponse qu’apporterait Google à ce verdict serait critique – et les signes initiaux présentaient déjà des problèmes causés par la réponse de la société.


Comme nous pouvions nous y attendre, Google a reçu une multitude de demandes de retrait de liens – plus de 40.000 en seulement quatre jours. La société a désormais commencé à y répondre.


Dans les cas de Ball (Guardian) et de Peston, les articles pour lesquels des avis ont été reçus ne concernent pas les catégories couvertes par la décision de justice contre Google Espagne : des articles anciens et sans intérêt au sujet de personnes qui ne sont pas des figures publiques. Les articles de Ball incluent des publications remontant à 2010 et 2011 – assez récentes – et ceux de Petson font référence au monde bancaire de 2007, qui ne peut pas être jugé comme hors de propos ou n’ayant pas d’intérêt pour le public.


C’est exactement ce que craignaient ceux qui s’opposent au droit à l’oubli : une censure et un remaniement de l’Histoire.


Google a-t-il réagi outre-mesure, ou a-t-il tenté de compromettre délibérément la décision judiciaire en mettant en lumière les formes dangereuses que peut prendre la censure ?


Cette dernière possibilité semble raisonnable, et les trois articles présentés ci-dessus pourraient contribuer à cette idée.


Google semble d’abord pencher du côté de ceux qui désirent voir certaines données supprimées – et créer ainsi plus de censure.


Puis, en supprimant plus de liens que ceux concernés par la décision de justice, il a créé une atmosphère de censure pour le public.


Au travers de ses avis envoyés aux agences de presse, Google donne également aux journalistes le sentiment qu’ils se trouvent censurés – et pourrait se faire des alliés dans le monde journalistique pour compromettre le droit à l’oubli.


La combinaison de ces trois possibilités paraît vraisemblable.


Il est toutefois possible que Google se soit montré maladroit, et qu’il ne s’agisse là que d’erreurs de novice.


Les cas individuels qui ont fait la une ont commencé à faire parler d’eux : Google a révisé sa décision de supprimer l’article de James Ball et reconnu qu’il était de l’intérêt public de le conserver. L’article de Peston est plus intéressant.


L’hypothèse de Peston était que le lien vers son article soit bloqué si les gens entraient « Sean O’Neal » dans la barre de recherche Google, puisqu’il s’agissait du seul nom à paraître dans l’article.


Il s’est en fait trouvé que la demande de retrait concernait un membre du public dont le nom apparaît dans les commentaires au bas de l’article – le lien retiré est lié aux recherches faites pour cette personne. Rechercher Sean O’Neal permet toujours d’accéder l’article.


L’espoir d’un Big Brother limité


Krieger note que Google a désormais reçu plus de 250.000 demandes de retrait. La société devra-t-elle supprimer tous les liens qu’elles concernent, et seulement sur ses moteurs européens ?


Bernal est favorable à une forme limitée de Big Brother, et écrit que « la chose la plus importante que puisse faire Goodle est de s’engager positivement et activement dans le processus de réforme du régime de protection des données. Une réforme bien exécutée, mieux écrite et limitée du droit à l’oubli pourrait être notre solution ultime ».


Un Big Brother limité est-il possible ?


Je suis d'accord avec Pater Tenebrarum du blog Acting Man, qui a dit ceci : « Le droit à l’oubli est le premier pas pris vers la porte de sortie qui rendra possible la censure en ligne ».



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Réflexions sur de débat de l’inflation /déflation/stagnation et autres remarques sur l’or, l’argent, les monnaies, les taux d’intérêts et les politiques monétaires affectant les marchés mondiaux.
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