Les
français ont une caractéristique concernant le marché de
l’emploi : ils ne demandent rien de moins que l’impossible, la
sécurité de l'emploi à vie, précisément ce
qu’une économie dynamique et productive ne pourra et ne devrait jamais
pouvoir leur garantir.
Dans le
système actuel, il n'y a ni fraternité, ni
égalité - encore moins liberté. L'employé est
libre de quitter son travail. Démissionner est considéré
à juste titre comme appartenant aux droits de l'homme. Nier cette
liberté revient en effet à instaurer l'esclavage et ou le
servage. Il relève dès lors de la pure hypocrisie de refuser
à l'employeur la possibilité de mettre un terme à un
contrat passé avec l'un de ses employés. Lui refuser cette
liberté, c'est rendre
esclaves les employeurs et les transformer en serviteurs assujettis aux
employés et à leurs syndicats.
Une grande
partie de l'opinion et la plupart des journalistes ne voient dans cette
situation qu'une lubie socialiste. Si ce constat est parfaitement
indéniable, il existe pourtant d'autres raisons expliquant leurs
réactions au-delà de la persistance d'aberrations
idéologiques. Le taux de chômage français dépasse
les 10% et il augmente tous les jours. Le taux de chômage est de 22%
chez les jeunes, et chaque jeune français sait qu'il est
extrêmement difficile de trouver un emploi. Une fois obtenu, ils ne
veulent plus jamais le quitter.
L'emploi
à vie est absolument incompatible avec la productivité
caractérisant une économie de marché dynamique. Les
entreprises françaises ont répondu de deux façons
à cette situation : elles refusent de recruter de nouveaux
employés ou ne leur offrent que des contrats de courte durée.
Le
problème avec cette seconde solution c'est l'apparition de nouvelles
régulations qui interdisent de recourir à ces contrats à
durée limitée comme moyen de recruter ceux qui sont en fait des
employés permanents de l'entreprise. A moins, donc, que les
entreprises soient prêtes à supporter les coûts colossaux
de l'emploi à vie, leurs employeurs doivent laisser ces
employés "temporaires" partir, quelque soient les
investissements consentis par les entreprises dans leur formation.
Ce genre de
pratiques - produites par l'existence de régulations - ont accoutumés les travailleurs français
à méconnaître la nature du contrat de travail. Dans un
marché libre, il s'agit d'un échange mutuellement bénéfique
au même titre que n'importe quel échange conclu entre un vendeur
et un acheteur. Tous deux arrivent à la table des négociations
doté d'un pouvoir égal et ils ne contracteront que si les deux
parties s'attendent à profiter/bénéficier de
l'échange ainsi conclu.
Un tel
système est inexistant en France en raison de l'omniprésence
d'un ensemble complexe et incompréhensible de régulations qui
interfèrent avec cette liberté de contracter. Il n'est
dès lors pas étonnant de ne trouver aucune trace d'un marché
du travail dynamique. Au lieu de créer de nouvelles
opportunités en dérégulant le marché du travail,
le gouvernement a choisi de rendre encore plus précaires et plus
vulnérables les emplois proposés. Peu importe que l'effet d'un
tel changement entraîne éventuellement une augmentation de
l'offre d'emploi : alors que des millions de français cherchent un
emploi sans pouvoir en trouver, il est facile de comprendre pourquoi les
jeunes sont pris de panique.
Imaginez qu'on
offre un emploi à quiconque souhaite travailler. Que se passerait-il
si des panneaux "Nous recrutons" poussaient comme des champignons ?
Que se passerait-il si les travailleurs qualifiés avaient la
possibilité de choisir où ils souhaitent travailler et si les
travailleurs non-qualifiés avaient, quant à eux, la
possibilité d'obtenir de nouvelles qualifications en acceptant divers
emplois ? Imaginez encore que les travailleurs français soient en
mesure de décider - comme c'est actuellement le cas de nombreux jeunes
américains - de travailler pour l'entreprise de quelqu'un d'autre ou
de prendre le risque de monter leur propre entreprise ?
Si tel
était le cas, je suis prêt à parier qu'on trouverait
moins de gens pour s'opposer à une loi qui accorde aux entreprises de
plus grandes facilités pour licencier. Et pourtant, un nombre
impressionnant de lois empêchent une telle situation de se produire. Il
n'est pas facile en France de monter sa propre entreprise ou d'embaucher. La
pression fiscale, les interdictions de toute sorte et le contrôle des
salaires sont extraordinairement contraignants. Au nom des droits de l'homme,
la France a réussi à empêcher ses citoyens d'exercer leur
droit le plus fondamental de contribuer à la société de
la manière qu'ils souhaitent.
Mais comment
pouvons-nous être sûrs qu'un marché libre pourrait
garantir un taux élevé d'offres d'embauche ? Dans toute
société, et à toutes les périodes de l'histoire,
il y a toujours et partout du travail à accomplir car il existe des
besoins insatisfaits à satisfaire. Et ce, pour la raison suivante :
nous vivons dans un monde de rareté. Prenez l'exemple de votre propre
environnement domestique. Devez-vous refaire la plomberie, la peinture, la
moquette, le jardin ou les placards ? N'y a-t-il rien que vous seriez ravis
de voir refait pourvu que le prix soit raisonnable ? Bien sûr que si.
Et cela est vrai de n'importe quel secteur d'activité
économique.
Il faut
distinguer le chômage de la pénurie de travail à
accomplir. Etant donné un certain prix, il y a toujours du travail
susceptible d'être réalisé. C'est la raison pour laquelle
sur un marché libre il ne peut y avoir de chômage involontaire.
Tous ceux qui veulent travailler travaillent et tous ceux qui ne souhaitent
pas travailler demeurent oisifs par choix. C'est là une
vérité qui découle du fait universel de la
rareté.
Il n'y a que
deux raisons expliquant le chômage : l'existence de restrictions
légales qui empêchent des contrats de se former (la France en
présente un très grand nombre mais les Etats-Unis
également) et l'existence d'un contrôle des prix qui interdit au
marché du travail d'ajuster offre et demande comme il se doit (la
France comme les Etats-Unis connaissent l'existence de tels contrôles).
En d'autres termes, le chômage involontaire est toujours et partout le
produit d'une cause unique : la restriction par le gouvernement du
marché.
Le
chômage français n'a donc rien de très surprenant. Nous
en comprenons la raison. Proposer d'assouplir les régulations du droit
du travail c'est ne s'attaquer qu'en partie aux raisons du chômage. Et
c'est bien là précisément le problème de ces
réformes : elles ne sont pas assez radicales. La France a besoin de
réformes qui libèrent les entreprises - que celles-ci
décident d'embaucher ou de licencier, qui permettent aux prix de s'ajuster
en fonction de l'offre et de la demande, qui délivrent les entreprises
des régulations qui découragent la création de richesses
et qui réduisent, enfin, le coût de l'embauche en
éliminant les taxes et les règlementations qui pèsent
sur lui.
La réponse
appropriée à ceux qui s'opposent à ces réformes
consiste non pas à battre en retraite mais à aller beaucoup,
beaucoup plus loin. Une réforme qui s'attaquerait aux
privilèges des entreprises en situation de monopole en offrant ainsi
de nouvelles opportunités d'embauche aux travailleurs serait
perçue comme bien plus équitable. Cela redonnerait foi en un
avenir meilleur à des travailleurs français désormais
délivrés du souci immédiat de garantir, à tout
prix, la sécurité de leur emploi.
La France se retrouve
ainsi pieds et mains liées, et ce - sur le long terme. Elle peut soit accélerer plus avant sur la voie du socialisme et
anéantir ce qu'il reste de la civilisation française, ou elle
peut pousser plus fortement en direction d'une réforme vraiment profonde
et radicale, la seule réforme capable de créer une
véritable libéralisation dans tous les domaines sans se
confiner à un aspect du problème.
En bref, la
France se trouve à la croisée des chemins, là où
se sont également retrouvées la Russie et l'Europe de l'Est
à la fin des années 80. Si les jeunes demandeurs d'emploi
français raisonnaient en vrais progressistes, ils renverseraient les
statues de Rousseau et de Robespierre pour en élever d'autres à
la gloire de Turgot et de Bastiat.
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