Depuis qu’un trader de
Barclays a été jugé coupable d’avoir manipulé le prix de l’or et suite à la condamnation
de Barclays à une amende de 44 millions de dollars, le fixing de Londres
s’est retrouvé sous les projecteurs. Le banquier impliqué est principalement
vu comme reflétant un ou quelques traders solitaires, et non une manipulation
du fixing par la fraternité bancaire.
Il n’en est pas moins que
beaucoup perçoivent le fixing de Londres comme archaïque et pensent qu’il
devrait être abandonné. Le danger que représente une telle attitude est lié
au fait que le fixing soit un repère critique pour l’or échangé globalement
chaque jour. Trois propositions devraient bientôt être discutées lors d’un
Forum organisé par le Conseil mondial de l’or. Il est tout à fait normal que
le Conseil accueille ce genre d’évènement, puisqu’il est lui-même financé par
les producteurs d’or du monde et ne favorise pas seulement la position d’un
acheteur mais aussi celle des vendeurs.
Le besoin de voir naître un
nouveau fixing
Qu’est-ce que cela
signifie ? Vous êtes certainement tous au courant que cinq banques
commerciales organisent deux fois par jour une conférence téléphonique lors
de laquelle elles observent les ordres d’achat et de vente de leurs clients
pour fixer un prix qui reflète aussi bien l’offre que la demande en or à 50
barres près. Le prix de l’or est ensuite fixé et toutes les transactions
discutées lors du fixing sont effectuées à ce prix. Notez que lorsque nous
parlons des clients des banques, nous parlons de clients qui couvrent une
gamme de participants.
Mais soyons clair quant à ce
qu’est réellement ce fixing. Il n’est pas un prix moyen en cours de journée
ou encore un prix fixé au hasard à une heure précise, mais le prix auquel les
plus grosses quantités d’or sont échangées au même endroit, en même temps,
deux fois par jour. Il est le repère qui représente au mieux le prix de l’or
à deux moments de la journée, à des heures qui enregistrent les plus gros
volumes d’or échangés sur la journée. Et c’est ce point particulier qui doit
être souligné. Il représente le plus gros du volume d’or échangé deux fois
par jour.
Après le fixing, il est
possible que le prix de l’or fluctue dans une autre direction, mais ce
mouvement de prix implique de plus petits volumes et de plus petits joueurs
et n’est pas représentatif du marché global. Si le négoce de l’or était
limité à ces deux fixings quotidiens de Londres, alors ces derniers
représenteraient avec précision l’état de l’offre et de la demande. Mais une
telle chose ne pourrait jamais se produire en raison de la nature diverse du
marché de l’or. Parce qu’il s’agit du prix le plus proche d’un équilibre
entre l’offre et la demande quotidienne, le fixing de l’or est utilisé pour
déterminer la valeur des transactions effectuées hors du marché. Tout autre
mécanisme qui ne reflète pas, du moins en partie, l’état de l’offre et de la
demande sur le marché de l’or à deux moments précis de la journée, ne
pourrait pas être utilisé comme repère de prix sur le marché. Comme nous
avons pu le voir, il arrive que le fixing soit manipulé par un banquier ou
deux, mais il n’en est pas moins qu’il demeure la meilleure représentation
qui soit de l’offre et de la demande en or. Toute alternative devrait pouvoir
apporter des éléments similaires à ce système de fixation de prix.
C’est à trois heures de
l’après-midi à Londres, et à l’heure de l’ouverture des marchés américains,
que se tient le deuxième fixing de la journée, qui reflète un consensus plus
global de l’offre et de la demande. Mais vous vous demandez certainement
pourquoi nous avons besoin d’un tel mécanisme. Et c’est une bonne question.
Volumes d’or et liquidité
des contrats hors du marché
Certains commentateurs ont
déjà expliqué que le fixing de Londres représente 90% de la demande et de
l'offre globale à n’importe quel moment de la journée. Je suis
personnellement sceptique face à ce pourcentage, parce qu’une grande partie
du négoce de l’or dans le monde n’utilise pas le fixing de l’après-midi comme
prix de référence pour établir des contrats qui requièrent la livraison de
métal à une date précise. Ces volumes d’or ne passent pas par le marché de
Londres ou le fixing. Il n’en est pas moins que nous ayons besoin d’un
système de fixation de prix biquotidien pour déterminer la valeur de l’or
échangé lors d’un jour ouvrable particulier. Le fixing de Londres serait
utilisé pour établir l’échange des plus gros volumes d’or à l’échelle
globale, notamment pour ce qui est du négoce de gros. Sans lui, beaucoup de
contrats trouveraient difficile d’établir un prix représentatif de l’offre et
de la demande à un moment précis.
Le fixing représente peut-être
90% du négoce d’or physique à l’échelle globale, mais certainement pas des
contrats.
Nous ne savons pas dans quelle
mesure le fixing permet aux plus gros clients d’échanger de l’or physique sur
le court terme, mais il est certainement possible d’établir des contrats sans
pour autant vouloir livrer du métal à d’autres. Voilà qui est susceptible de
faire fluctuer davantage le prix de l’or, mais ne peut pas se détacher de
l’offre et de la demande réelles hors du cercle des traders professionnels.
En d’autres termes, ces échanges ne trompent pas la tendance sous-jacente du
prix de l’or. Contenues à l’intérieur des volumes enregistrés lors du fixing,
ces fluctuations ne peuvent pas avoir d’impact sur le plus long terme.
Certains pensent que le Comex
enregistre des volumes de contrats bien plus importants, mais je ne suis pas
du même avis. Seuls 5% des contrats établis sur le Comex débouchent sur la
livraison de métal physique. Et les acheteurs et vendeurs doivent spécifier à
l’avance s’ils ont l’intention de demander livraison ou de livrer avant même
que le contrat soit établi. Londres demeure le centre du négoce de l’or. Le
Comex est essentiellement un marché de produits dérivés. Et même ces produits
dérivés ont un effet limité sur le prix de l’or. Les positions qui y sont
prises supportent les positions physiques, que ce soit au travers de la
couverture ou au travers de la garantie d’une position à la vente ou à
découvert sur le marché physique (comme nous l’avons vu en avril 2013).
Un « prix
instantané » pour remplacer le fixing
Avec les critères ci-dessus à
l’esprit, observons deux des alternatives proposées.
Certains ont avancé l’idée
d’un « instantané » du prix de l’or à des heures précises de la
journée, heures qui sont susceptibles de changer fréquemment. Voilà qui
ignore la vertu clé du fixing actuel qu’est de représenter les plus gros
volumes d’offre et de demande enregistrés deux fois par jour. Nous savons par
exemple que les spéculateurs peuvent tenter de manipuler le prix de l’or en
choisissant de se débarrasser de gros contrats en périodes creuses pour
pousser les investisseurs à vendre.
La détermination du prix de
l’or deux fois par jour à des heures précises est donc plus importante que la
détermination d’un instantané pour représenter un prix quotidien. Le fixing
de Londres détermine le prix des plus gros volumes d’or échangés chaque jour.
Si le fixing n’était plus capable de concentrer ces gros volumes à des heures
précises, il ne vaudrait pas mieux qu’un instantané du prix de l’or, qui
serait également ouvert à bien plus de corruption que le fixing. La
difficulté serait donc de déterminer qui serait responsable de cet
instantané, et de savoir s’il serait au-delà de toute manipulation.
Un vent de changement
Un vent de changement souffle
sur les marchés financiers du monde, qui bien que ressenti par beaucoup n’est
encore que très peu apprécié. Il est basé sur le transfert de richesses et de
pouvoir depuis l’Occident vers l’Orient. Comme je l’ai déjà dit, par le
passés, 80% des flux monétaires globaux étaient dirigés vers le monde
développé. Entre 2016 et 2020, ce pourcentage passera à 35%. Nous en sommes
déjà à 40%.
L’Asie domine déjà le marché
de l’or depuis plusieurs années. En 2013, la Chine a dépassé l’Inde pour
devenir le plus gros consommateur d’or de la planète, et sa demande continue
de grimper. Il serait donc logique de voir la Chine devenir le centre global
de l’or dans le futur. Après tout, la demande du Proche-Orient, de l’Inde et
de la Chine représente 74% de la demande globale en or.
Pour que le fixing puisse
réellement représenter le gros des échanges quotidien, il devrait être établi
trois à quatre fois par jour à Londres et en Asie. Mais avant que cela puisse
se produire, le marché de l’or devra voir les producteurs d’or ou leurs agents
livrer de l’or directement via les marchés asiatiques comme le Shanghai Gold
Exchange, et non le marché de Londres.
Shanghai a gagné de
l’importance l’année dernière alors que les exportations suisses vers la
région atteignaient 2.711 tonnes. La Chine serait désormais capable
d’accommoder un fixing du prix de l’or au travers d’un système de contrats en
yuans et de l’ouverture de son marché aux banques internationales. Elle
pourrait imposer une livraison directe aux producteurs globaux afin de
s’assurer à ce que le contrôle se déplace depuis le système bancaire vers les
acheteurs et vendeurs du fixing. La Chine se déplace sans aucun doute vers
son propre système de détermination de prix, à moins bien sûr qu’elle tombe
d’accord avec les réformes discutées actuellement.
Shanghai est principalement un
marché physique, où la plupart des contrats échangés débouchent sur la
livraison de métal à des clients. Avec une proportion de spéculateurs bien
moindre qu’en Occident, Shanghai a la possibilité de représenter la demande
et l’offre sur le marché de l’or avec beaucoup plus d’exactitude.
A l’aube du Forum, il serait
bon de voir naître une expansion du système qui puisse intégrer Shanghai.
Bien que le Forum s’intéresse à un système centré sur Londres, il est nécessaire
qu’il reconnaisse qu’il fait partie d’un marché international ouvert 24
heures par jour. Afin d’éviter de futures représentations inadéquates du prix
de l’or, ces évolutions du marché de l’or devraient être prises en compte par
le nouveau système. Pourrait en naître une amélioration du système actuel de
Londres, qui pourrait le rendre moins vulnérable aux distorsions et
manipulations à l’échelle globale.
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