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Le franc suisse en question

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Published : August 22nd, 2011
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Cela fait des années que le franc suisse s’apprécie contre la plupart des autres monnaies, en particulier européennes, phénomène qui s’est accéléré avec la création de l’euro, dont le moins que l’on puisse dire à constater l’explosion des dettes publiques européennes -que la plupart des Etats-membres de l’Union monétaire sont incapables de rembourser- c’est que la confiance qu’il inspire se réduit comme peau de chagrin. La hausse du franc suisse a des causes conjoncturelles mais surtout structurelles.

Au plan des causes structurelles, la Suisse a pour avantage d’être un vieil Etat de droit démocratique et décentralisé, à la population bien formée, globalement honnête et ne rechignant pas au travail au surplus souvent polyglotte, placé au centre des flux économiques européens, générant des excédents permanents de commerce extérieur par suite de l’existence sur son territoire d’entreprises multinationales compétitives parce que spécialisées dans des créneaux porteurs, dont la dette publique est faible et les finances tant fédérales que cantonales plutôt bien gérées. Tout cela concoure à entretenir la force de sa monnaie nationale. Au plan des causes conjoncturelles, la Suisse dispose encore d’un système bancaire puissant et diversifié, respectant assez bien le secret des transactions liées à la sphère privée en dépit des attaques multiples dont il fait l’objet, qui attire en permanence de nouveaux dépôts de l’extérieur, d’autant que les gérants de fortune suisses sont globalement plus performants que les étrangers. C’est aussi la gestion calamiteuse de la plupart des autres monnaies fiduciaires de papier par les banques centrales étrangères interventionnistes qui, affaiblissant le pouvoir d’achat desdites monnaies, entretient par défaut la force du franc suisse.

De telle sorte que les actions de la Banque nationale suisse visant à faire baisser la monnaie helvétique (de la vente de la moitié des réserves d’or, aux multiples interventions sur les marchés des changes, comme au rachat des actifs toxiques des grandes banques privées voire à ses ententes cachées mais très couteuses avec le FMI et autres banques centrales étrangères) ont toujours échoué ; la BNS ayant en outre du fait de ses actions précitées accumulé des pertes de plus en plus importantes se chiffrant à plusieurs dizaines de milliards de francs suisses, ce qui a affaibli les finances publiques helvétiques (fédérales et cantonales), puisqu’elle n’est plus en mesure de les faire bénéficier de ses profits qui se sont envolés, comme sa propre crédibilité. Tout porte donc à penser que les mesures plus radicales qu’elle vient d’adopter auront les mêmes effets, sans permettre de corriger fortement la parité euro/franc suisse, surtout si la zone euro dans sa forme actuelle venait à imploser. Il en est d’ailleurs de même pour le yen japonais que la Banque du Japon n’est jamais parvenue à faire baisser de façon sensible et durable.

La « surévaluation » du franc a des effets à la fois positifs et négatifs pour la Suisse. Au plan des effets positifs, on retiendra le maintien sur longue période des taux d’intérêt les plus bas du monde, une inflation quasi nulle, la prospérité globale des habitants dont la fortune s’accroît et du système bancaire qui enregistre des profits réguliers du fait de l’apport massif de fonds venus de l’étranger à la recherche d’une sécurité accrue. Mais aussi la possibilité tant pour les particuliers que pour les entreprises d’investir à l’étranger au moindre coût, ce qui entretient une balance suisse des paiements très positive. Au plan des effets négatifs, on notera la hausse vertigineuse des prix immobiliers comme la perte progressive de compétitivité des exportateurs suisses poussés à accélérer la délocalisation à l’étranger de leurs activités, avec des effets croissants sur l’emploi et le niveau de vie de la majorité de la population active de plus en plus constituée de « working poors » dans les secteurs industriel et tertiaire, sans parler de la disparition accélérée de la paysannerie suisse. Le développement d’une immigration non qualifiée trop importante, attirée par le miroir de la richesse helvétique symbolisée par sa monnaie forte, difficile à intégrer comme coûtant de plus en plus cher à la collectivité nationale, a aussi entrainé une insécurité jusqu’ici inconnue dans le pays.

Au lieu d’utiliser le levier largement inopérant de la politique monétaire, qui risque de casser les avantages du franc fort, la Suisse devrait mettre en place de multiples mesures visant à imposer beaucoup plus de concurrence intérieure sur son territoire. Étant donné que son problème principal c’est que la hausse du franc, qui aurait dû faire puissamment baisser les prix intérieurs les a au contraire fait monter, la Suisse étant devenue le pays dont les prix de la plupart des biens et des services comme le coût de la vie sont les plus élevés du monde entier. Ce qui pousse les Suisses à acheter de plus en plus à l’étranger (en particulier les produits alimentaires) au risque d’affaiblir encore les petites entreprises, les artisans et les paysans. Tout cela porte aussi préjudice à l’industrie touristique nationale, dont les prix sont devenus inabordables pour beaucoup d’étrangers.

Ce sont les ententes scandaleuses sur les prix et les multiples cartels entre ses grandes entreprises locales comme les marges exorbitantes de ses importateurs contre lesquels elle doit lutter. Ce que ses politiciens ne font pas assez puisqu’ils sont, pour beaucoup d’entre eux, trop liés aux « lobbies » économiques monopolistiques qui souvent les emploient ou payent leurs campagnes électorales, d’où la nécessité d’introduire plus de transparence dans ce domaine. Par ailleurs, tant que la Commission de la concurrence (COMCO), la Surveillance des prix et les Douanes resteront aussi inefficaces et que des amendes salées ne seront pas systématiquement imposées aux importateurs et distributeurs qui ne répercutent pas sur leurs ventes domestiques la hausse du franc dont ils bénéficient, du fait des produits qu’ils achètent de moins en moins chers à l’étranger, le consommateur final ne bénéficiera pas vraiment de la force du franc. Augmenter massivement la masse monétaire (à hauteur de 30% du PNB suisse, alors que les deux Quantitative Easing US n’ont atteint « que » 18% du PNB américain!) et pratiquer des taux d’intérêt négatifs comme l’a entrepris la BNS, ayant pour effet certain de relancer à terme l’inflation et la spéculation, ne feront qu’accroître la bulle immobilière et augmenter plus encore les prix intérieurs, sans améliorer la croissance de l’économie comme on le voit aux USA, ce qui aura des effets opposés aux buts prétendument recherchés.

Le levier fiscal devrait aussi être utilisé pour favoriser la consommation domestique en Suisse par la réduction tant des impôts directs qu’indirects (TVA) mais surtout des primes des caisses d’assurance-maladie, qui ne devraient plus être uniformes quel que soit le revenu individuel mais progressives au prorata dudit revenu. Ce qui développerait l’économie intérieure et diminuerait la paupérisation des classes basses et moyennes comme des retraités, dont l’assistanat risque de grever très fortement les finances fédérales et cantonales dans les prochaines années. Il importe aussi, pour éviter ladite détérioration des finances publiques, de limiter l’appel à la main d’œuvre étrangère surtout non qualifiée et, pour cela, de revenir sur les abandons de souveraineté à sens unique consentis par la Suisse dans le cadre de ses accords avec l’Union européenne.

Pour corriger la surévaluation des prix immobiliers, qui empêche de plus en plus les Suisses d’acquérir un logement et ne fait qu’augmenter la charge de leurs loyers, il faudrait enfin déclasser massivement les terrains agricoles largement inutilisés à l’abord des villes pour les rendre constructibles et donner des avantages fiscaux à l’investissement dans la construction, ce qui aurait aussi un effet positif sur l’emploi dans ce secteur.

Ces quelques mesures libérales permettraient d’éviter de nouvelles nuisances interventionnistes venant de la politique monétaire inadaptée à la situation de la Suisse que pratique la BNS et qu’elle est en train de radicaliser. Évidemment, les mesures évoquées par la BNS ou par les milieux qui lui sont proches comme l’entrée de la Suisse dans la zone euro, au moment où cette dernière est fort mal en point, voire l’instauration d’un « peg » entre le franc suisse et l’euro, qui obligerait la BNS à intervenir constamment pour le défendre au risque de se ruiner, étant inconstitutionnelles parce que signifiant la fin de toute politique monétaire « indépendante », n’ont heureusement aucune chance de se réaliser. D’autant qu’en cas de proposition de révision de la constitution suisse dans ces matières, à l’évidence, ni le peuple ni les cantons suisses ne l’accepteraient.

Ludwig von Mises écrivait que « Les crises économiques sont provoquées par les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales », ainsi que le démontre amplement la crise dont l’Occident ne parvient pas à s’extraire. Puisse la Suisse, qui n’a pas encore complètement commis cette erreur de s’engager dans une politique monétaire dirigiste, s’en abstenir et son peuple comme sa classe politique remettre à sa juste place la BNS dont la fonction n’est pas de définir en leur nom les politiques intérieure et étrangère que doit suivre ce pays. Que la Federal Reserve US ou la Banque centrale européenne outrepassent constamment leurs obligations constitutionnelles, sans que presque personne aux USA ou dans l’Union européenne ne proteste, ne signifie pas que la BNS doive le faire aussi. Les prochaines élections fédérales suisses du 23 octobre 2011 à n’en pas douter remettront la pendule à l’heure sur cette affaire qui, au delà du faux prétexte de corriger la « surévaluation » du franc suisse, concerne en réalité l’indépendance de la Confédération que les « européistes » veulent remettre en question en hâtant par tous les moyens possibles son intégration dans une Union européenne en train de se déliter, alors même que le « modèle » suisse de démocratie directe nationale et de neutralité internationale a fait depuis longtemps la preuve de son excellence.

La stabilité monétaire et la maîtrise de l’inflation sont des trésors que bien peu de nations possèdent, raison de plus de ne pas prendre le risque de les perdre par des mesures monétaires inflationnistes keynésiennes qui ne traitent pas la question de l’insuffisance criante de compétition intérieure en Suisse. Le meilleur moyen de se protéger contre la dévaluation monétaire pour les détenteurs de capitaux disponibles en francs suisses, c’est évidemment d’acheter massivement de l’or et autres métaux précieux en francs suisses dont les prix sont encore relativement bas dans cette monnaie. Étant donné que les actions de la BNS ne se traduiront pas nécessairement par une baisse durable du franc suisse contre l’euro ou le dollar US, deux monnaies de papier qui sont elles-aussi émises en excès par leurs banques centrales, mais assurément par une chute du franc suisse contre l’or. Pour triste que puisse être la chute annoncée de la moins mauvaise monnaie fiduciaire de papier qu’était jusqu’ici le franc suisse, dans le contexte actuel de guerre entre les principales monnaies ; il y a lieu de remarquer qu’elle confirme la faillite des Systèmes monétaires européen et international, dont la réforme ne pourra plus se faire que par le retour à l’étalon-or, ce qui réjouira les partisans des libertés individuelle et collective.

On remarquera sur le graphique ci-dessous que l’or est beaucoup monté en USD mais assez peu en francs suisses, ce qui laisse présager un prochain rééquilibrage (l’or corrigeant à la baisse en USD mais montant fortement en francs suisses et aussi en euros).


Quant aux marchés d’actions, si le Russell 2000 (voir graphique ci-dessous) casse 639 à la baisse, par une clôture sous ce niveau évidement, ce sera le KRACH!

http://blog.kimblechartingsolutions.com/wp-content/uploads/2011/08/russellwave3august191.gif


http://blogs.decisionpoint.com/chart_spotlight/2011/08/long-term-sell-signals.html




Pierre Leconte


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Economiste, essayiste, consultant financier et gérant de fortune, Pierre Leconte préside le « Forum monétaire de Genève pour la paix et le développement ». Il a été membre des bourses des marchés à terme de Londres et de New York. Il a aussi conseillé plusieurs institutions publiques, dont une banque centrale sud-américaine, et travaille actuellement à la création de produits financiers peu risqués, adaptés aux besoins de placement d’investisseurs institutionnels comme privés et de gestion des réserves de change de pays émergents. Pierre Leconte a publié en 2007 : La grande crise monétaire du XXIe siècle a déjà commencé !
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