Après la hausse initiale de l’or dans les heures qui ont suivi
l’élection de Donald Trump, son cours est sous pression. Pour jauger ce
qui attend le métal jaune, nous allons disséquer les différentes forces qui
peuvent l’influencer.
De par le passé, nous avons affirmé que tout investisseur qui souhaite
considérer l’ajout d’un actif à son portefeuille, et cela vaut pour l’or,
celui-ci doit satisfaire à 2 conditions : il doit afficher une faible corrélation
par rapport aux autres actifs en portefeuille ainsi que présenter des
perspectives de retour positif. Examinons les changements qui ont lieu dans
le paysage de l’or dans le contexte de l’élection :
L’or en tant qu’actif de diversification ?
Depuis 1971, le cours de l’or affiche une corrélation zéro par rapport à
l’indice S&P 500 selon notre analyse (-0,016 sur base des rendements
quotidiens, pour être précis). De ce point de vue l’or peut être considéré
comme un actif de diversification à long terme. Cela dit, il y a des périodes
de corrélation positive et d’autres de corrélation négative.
Traditionnellement, un portefeuille comporte à la fois des actions et des
obligations. De ce fait, examinons également la corrélation entre l’or et les
obligations : depuis 1971 cette corrélation est de 0,024, elle est donc très
basse. Cependant, si vous regardez le graphe ci-dessous vous pouvez observer
que cette corrélation par rapport aux obligations se trouve récemment à des
plus hauts historiques :
Nous reparlerons plus en détail des obligations lorsque nous aborderons
les moteurs principaux ; pour savoir si cet corrélation relativement élevée
par rapport aux obligations va durer, si on s’en réfère à l’histoire elle
devrait s’évaporer assez rapidement.
Dit autrement, dans le contexte de l’or en tant qu’actif de
diversification nous pensons que les arguments positifs à long terme sont
solides, mais certains investisseurs pourraient ne pas les apprécier lorsque
la corrélation aux actions ou aux obligations réapparaît.
Par le passé, nous avons dit que l’or pourrait bien être l’un des actifs
de diversification les plus « faciles » du fait qu’il est plus
facile d’investir dans le métal jaune que de mettre en place, par exemple,
une stratégie long/short actions ou devises qui, par nature, pourrait
également avoir une corrélation zéro par rapport aux autres classes d’actifs.
Mais cette diversification facile a un prix : cette basse corrélation
n’est pas stable si bien que durant certaines périodes la corrélation peut
être élevée.
L’or dans le contexte d’un revers boursier
Toujours sur le thème de l’or en tant qu’actif potentiel de
diversification, son cours a affiché un retour positif durant tous les
marchés baissiers des actions depuis 1971, avec une seule exception notable,
celle que j’appelle le marché baissier provoqué par Volcker lorsque les taux
d’intérêt grimpèrent substantiellement :
Nous allons parler des taux d’intérêt dans une seconde, mais laissez-moi
vous expliquer l’une des raisons fondamentales pourquoi l’or a bien pu se
comporter durant chacun de ces marchés baissiers : durant une période de
compression de la prime de risque, soit lorsque les prix des actifs risqués
que sont, par exemple, les obligations spéculatives ou les actions, sont
élevés, nous pensons que ces prix sont vulnérables si la prime de risque
grimpe à nouveau. C’est-à-dire si, pour quelle que raison que ce soit, le
marché permet une valorisation encore plus élevée de ces actifs, cela
pourrait créer des vents contraires aussi bien pour les actions que pour les
obligations. En fin de compte l’or, grâce à sa basse corrélation avec les
actifs risqués, pourrait à nouveau briller à l’occasion d’un marché baissier.
L’or va-t-il fournir un rendement positif ?
Si les investisseurs apprécient la diversification, ils apprécient les
rendements positifs encore plus. Nous avons connu une liquidation notable sur
le marché obligataire depuis l’élection alors que comme on peut le voir
ci-dessus, le cours de l’or est depuis peu corrélé à celui des obligations.
Alors, que se passe-t-il ?
Nous avons affirmé que le plus grand concurrent de l’or est l’argent
liquide : si les investisseurs sont bien compensés pour conserver du
cash, les arguments en faveur de l’or, un actif non productif, sont réduits.
Une bonne compensation du cash est par exemple un taux d’intérêt réel
acceptable.
Actuellement, les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire le taux moins
l’inflation, sont proches de zéro (nous mettrons de côté la discussion de
savoir si les calculs de l’inflation officielle prennent totalement en compte
l’augmentation du coût de la vie). La question est de savoir à quel point la
présidence de Trump change la donne. Les 2 thèmes principaux qui me viennent
à l’esprit sont les dépenses d’infrastructures et la dérégulation :
- Les dépenses d’infrastructures : nous
pensons premièrement que Trump réalisa de telles dépenses, et
deuxièmement qu’elles seront inflationnistes. Trump est un
« faiseur d’accords », donc il pourrait promettre à certains
sénateurs de construire leur pont tant désiré qui ne mène nulle part en
échange de la construction de son mur. Il s’agit d’une façon simplifiée
d’affirmer qu’à Washington, il devrait être possible de dépenser de
l’argent en faisant des promesses « à gauche et à droite »,
même si les Républicains plus rigoureux font objection. Dans un
environnement de faible chômage, nous pensons que cela provoquera une
inflation des salaires. (…)
- La dérégulation : même si le Congrès ne
vote pas les propositions de Trump, il devrait avoir une influence
substantielle sur le mode de fonctionnement des agences gouvernementales,
ce qui suggère qu’il pourrait tenir ses promesses de dérégulation du
secteur privé. (…) C’est notamment parce que les entreprises ont
préféré acheter des actifs financiers plutôt que d’investir que les
obligations à long terme rapportent si peu. De fait, si la liquidation
du marché obligataire reflète les velléités des entreprises d’investir
davantage, nous pensons que ce sera négatif pour le prix de l’or.
Nous pouvons également citer les baisses d’impôt. Il faudra voir leur
poids lorsqu’elles seront décidées, mais toute simplification de la fiscalité
devrait aussi encourager les investissements.
Nous n’avons pas vu Trump proposer une solution sérieuse pour enrayer les
coûts grandissants des avantages sociaux. Ce qui signifie qu’avant même que Trump
n’arrive à augmenter les dépenses gouvernementales, les déficits devraient
gonfler dans les années à venir.
Nous n’avons pas encore abordé l’impact potentiel d’une guerre
commerciale. En ce moment, le marché semble suggérer que Trump puisse faire
volte-face par rapport à sa rhétorique anti globalisation. Nous pensons cela
du fait que le dollar est vulnérable face à une guerre commerciale vu que les
États-Unis ont besoin de l’étranger pour financer leur déficit. Le
Royaume-Uni est un exemple récent d’un pays qui compte beaucoup sur
l’étranger pour se financer et qui a vu sa devise souffrir lorsque les
barrières commerciales se sont élevées (le Brexit ayant suggéré l’élévation
de telles barrières). Le dollar pourrait ne pas décliner par rapport au peso
mexicain ou à une autre devise d’un pays émergent, mais il pourrait baisser
par rapport aux devises majeures et à l’or.
Quel futur pour le cours de l’or ?
Nous nous attendons à voir les différentes forces citées ci-dessus se
livrer une bataille. Pour le moment il semble que le marché anticipe une
croissance réelle plus élevée grâce à la dérégulation, avec une Fed en mesure
de faire grimper les taux alors que l’économie reprend. Nous avons vu ce film
plusieurs fois, le marché anticipant une hausse des taux grâce à des
fondamentaux qui s’améliorent.
Le souci est que l’économie est tellement leveragée que des taux
obligataires plus élevés et l’anticipation de taux plus élevés pourraient
bien faire grimper la prime de risque, c’est-à-dire faire augmenter la
volatilité des marchés et éventuellement renverser les marchés actions. Cette
baisse de la liquidité pourrait provoquer « la détérioration des
conditions financières », pour paraphraser la Fed, ce qui la ferait reculer
de ses plans hawkish. Cette anticipation du relèvement des taux pourrait donc
à nouveau s’évaporer pour supporter le cours de l’or.
Outre les taux en tant que source de volatilité, les politiques de Trump
en elle-même, comme l’introduction de barrières douanières, pourraient faire
grimper la volatilité et profiter à l’or. (…)
Pour ceux qui pensent que nous allons assister à une répétition des
Reaganomics, il faut se rappeler que le chômage était bien plus élevé lorsque
Reagan fut élu et que le patron de la Fed de l’époque était plus strict.
Pour conclure, en plus de tout ce qui a été dit la Fed s’assied toujours
sur un bilan énorme. (…)
Nous ne possédons pas une boule de cristal, mais nous croyons en une
gestion du risque prudente. De ce fait, nous encourageons les investisseurs à
évaluer le risque découlant de ces scénarios. Vu que l’or présente une faible
corrélation par rapport aux obligations et aux actions, nous pensons que les
investisseurs pourraient considérer l’or dans le cadre d’une stratégie prudente.
Article d’Axel Merk, publié sur le site de Merk Investments