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Le gros morceau espagnol

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Published : March 05th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

A peine venait-il d’adopter, simultanément à 24 autres dirigeants européens, les mesures de contrôle et de coercition budgétaires du « pacte de stabilité et de croissance » (qui n’en a que le nom) que Mariano Rajoy a décidé de le briser. Le chef du gouvernement espagnol a en effet annoncé que les engagements pris de réduction du déficit public pour 2012 ne pourront être tenus, faisant état de conditions économiques ayant changé et annonçant pour la fin de l’année un taux de 5,8% du PIB au lieu du 4,4% prévu, après avoir arrêté un déficit au taux de 8,51% du PIB fin 2011.

Il venait de recevoir une abrupte fin de non-recevoir à ses pressantes demandes de révision de ses objectifs par les autorités de Bruxelles et les chefs d’État et de gouvernement réunis ces deux derniers jours en sommet. Irrecevables selon eux, car il n’était pas envisageable de signer d’une main le traité et d’accorder de l’autre une dérogation qui de plus risquerait en appeler d’autres.

Des émissaires de Bruxelles lui avaient pourtant suggéré de présenter le 30 mars prochain un budget bâti pour parvenir à l’objectif initial, quitte à le revoir plus tard dans l’année après avoir fait preuve de ses meilleurs efforts, mais Mariano Rajoy a préféré trancher dans le vif. Avait-il le choix, si l’on considère que cela lui aurait imposé de trouver et d’afficher 29 milliards d’euros supplémentaires d’économies budgétaires, après en avoir déjà prévu 15 milliards en décembre dernier lors de l’adoption d’un ajustement budgétaire ? Ceci dans le contexte de l’entrée du pays dans la récession et d’une situation sociale explosive.

Des manifestations rassemblant des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens se sont déroulées le 29 février dans une quarantaine de villes espagnoles, la ville de Valence étant en état de quasi révolte permanente. Le chômage touche désormais plus de 4,7 millions d’espagnols, selon les chiffres du ministère du travail, plus de 100.000 nouveaux chômeurs ayant rejoint les précédents durant le dernier mois. Chez les jeunes de moins de 25 ans, particulièrement touchés, la progression est beaucoup plus rapide ; certaines régions, comme l’Andalousie, dépassent le taux de 30% de chômeurs. L’Institut national de la statistique a pour sa part rendu public le chiffre de 5 millions de chômeurs, dépassé fin 2011, qui correspond à un taux de près de 23%. Si près d’un actif sur quatre est sans emploi, c’est un jeune sur deux qui se trouve dans la même situation. Ce n’est plus l’économie qui est sinistrée, c’est la société.

Après avoir adopté début février une réforme destinée à flexibiliser le marché du travail, le gouvernement a commenté ces chiffres en expliquant qu’ils justifient les réformes qu’il entreprend, ce qui risque d’être diversement vécu à la suite des grandes manifestations organisées par les deux grandes centrales syndicales. De nouvelles mesures d’austérité, que le gouvernement espagnol est appelé à prendre, ne pourraient qu’accélérer la progression d’un chômage déjà très élevé.

Une nouvelle fois après la Grèce, la situation dans laquelle se trouve l’Espagne illustre l’impasse dans laquelle se sont engagés les dirigeants européens, dans laquelle ils persistent. C’est cette fois-ci un représentant de la droite libérale qui se trouve aux commandes, avec l’obligation de gérer des contraintes qui vont en s’accroissant, sans espoir de parvenir au résultat exigé comme il doit lui-même l’admettre. Ironie de l’histoire, les Pays-Bas, dont le gouvernement minoritaire s’appuie au parlement sur l’extrême droite de Geert Wilders, a été en pointe pour réclamer le durcissement des contraintes destinées à garantir la réduction des déficits publics, doit simultanément procéder à de nouvelles coupes budgétaires afin de respecter ses engagements. Près de 16 milliards d’euros d’économies supplémentaires devraient être trouvées par le premier ministre Mark Rutte, afin de boucher au final un trou de 9 milliards d’euros et de se retrouver dans les clous. D’après les calculs du Bureau central du plan, un déficit au taux de 4,5% du PIB est prévisible fin 2013, au lieu des 3% de prévus.

L’Espagne doit rentrer dans le rang, ont estimé les dirigeants européens, car admettre le contraire mettrait en évidence que le pare-feu financier qu’ils s’efforcent de constituer n’est pas destiné à jouer un rôle dissuasif, comme ils se plaisent à le souligner, mais à être très rapidement utilisé ; ce qui ne pourrait qu’éveiller des marchés que l’on voudrait laisser assoupis, ainsi que compliquer la tâche de la coalition allemande à qui il est demandé de renforcer l’implication financière du pays. D’ailleurs, ne leur donnant pas tort de ce point de vue, le marché obligataire n’a pas tardé à se tendre à nouveau, à l’annonce des prévisions de déficit espagnol et de la nouvelle crise qu’elle annonce.

En Allemagne, la proposition de nommer un commissaire européen aux allures de pro-consul chargé de suivre spécialement la Grèce rejaillit. La retraite humiliante a laquelle a été contrainte Mariano Rajoy, lorsqu’il a cherché à négocier avec ses confrères, témoigne également des tensions qui agitent ce petit monde. Pas de quoi affirmer, en tout cas, que « nous sommes en train de tourner la page de la crise financière », comme vient de le faire Nicolas Sarkozy, toujours prompt à fermer les dossiers afin de s’en attribuer le mérite.

En prenant au nom de la souveraineté nationale la décision de ne pas plier, la droite espagnole se cherche des appuis dans le pays. La réaction de l’Union européenne peut-elle être d’imposer à l’Espagne un dispositif permanent de surveillance, comme cela est déjà le cas pour l’Italie ? Le morceau va être plus gros à avaler que la Grèce.

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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