Des décennies durant, beaucoup
de ceux qui pronent la restauration des monnaies
métalliques ont spéculé sur le rôle qu’ont pu jouer les gros intérêts
financiers dans la détermination des performances du marché de l’or. Le cœur
de la manipulation est, pour beaucoup, le marché de Londres, ou ce que nous
connaissons sous le nom de fixing de Londres. Ce sont ceux qui ont ont sonné le signal d’alarme et qui ont été qualifiés
d’alarmistes, de théoriciens de la conspiration, voire même pire. Mais de
récentes révélations pourraient nous permettre d’avancer un peu plus vers la
vérité.
Le 11 mars 2014, le Wall
Street Journal rapportait la poursuite judiciaire lancée par AIS Capital
Management contre un certain nombre de grosses banques, dont Barclays PLC,
Deutsche Bank, HSBC et d’autres, les accusant d’avoir manipulé le marché de
l’or à leurs propres fins. Cette action en justice fait suite à de récentes
enquêtes menées en Allemagne et au Royaume-Uni.
Comme le London Inter Bank Offered Rate (LIBOR), le prix de l’or sert de référence
pour le prix de l’or au comptant utilisé dans le cadre de transactions aux
quatre coins du monde. Le scandale du LIBOR a brutalement secoué le monde
financier. Mais le principal régulateur financier allemand a dit juger la
manipulation du prix de l’or « pire encore que celle du LIBOR ».
Ces mots donnent un tout nouveau sens au terme « fixing ». Pour
apprendre la vérité et découvrir ce qu’il se passe vraiment, il est utile
d’observer qui achète, qui vend et où des écarts sont susceptibles
d’apparaître.
Le négoce de l’or est
enveloppé de mystères. Malgré les requêtes du FMI, les opérations liées au
négoce de l’or sont difficiles à tracer en Asie. En 2009, la banque centrale
chinoise dévoilait au monde que ses réserves d’or avaient augmenté de 75%
pour passer de 600 à 1.054 tonnes. Selon Wikipédia, cela ferait de la Chine
le sixième plus gros propriétaire d’or à l’échelle de la planète.
Gold Field Mineral
Services (GFMS) estime la production d’or mondiale pour 2012 à 2.982
tonnes. Avec une production annuelle de 428 tonnes, la Chine est le plus gros
producteur d’or mondial. Mais comme la Russie, la Chine n’exporte pas d’or.
Si la production d’or de la Chine de ces trois dernières années avait été
additionnée aux réserves officielles, les réserves officielles du pays
pourraient avoir gonflé de 1.284 tonnes et s’élever aujourd’hui à 2.338
tonnes. Voilà qui ferait de la Chine l’un des plus gros propriétaires d’or du
monde. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La Chine importe également
beaucoup d’or par le biais de Hong Kong et Shanghai.
Selon Forbes Asie, la China
Gold Association a déclaré que la consommation de la Chine en or a augmenté
de 41% en 2012 pour passer à 1.176 tonnes en 2013. La Chine ne publie pas de
chiffres officiels, la marge d’erreur de ces estimations s’élève donc à
plusieurs centaines de tonnes. En ajoutant ces importations à la production
annuelle de 428 tonnes, nous obtenons 1.604 tonnes rien que pour 2013. Les
importations de l’Inde, comme nous l’a indiqué Bloomberg, étaient de 978
tonnes l’an dernier. L’Inde et la chine ont donc cumulé à elles deux 2.582
tonnes d’or, soit plus de 85% de la production mondiale annuelle de 2.982
tonnes.
En plus de cela, en combinant
la production annuelle de la Chine et les importations du pays, nous
découvrons que la Chine possède actuellement plus de 3.514 tonnes d’or. Si
les Etats-Unis possédaient encore tout l’or que la Fed dit avoir dans ses
coffres, cela ferait de la Chine le deuxième plus gros propriétaire d’or
mondial.
En dehors de la Chine et de
l’Inde, l’Arabie Saoudite et la Thaïlande ont augmenté leurs réserves d’or en
2013. Puisque l’or est largement reconnu comme un symbole de richesse, il
s’agit bel et bien là d’un transfert de richesses de l’Occident vers
l’Orient.
La demande orientale en or
physique a rendu très difficile pour les banques centrales occidentales la
poursuite de leur suppression du prix marché de l’or. A moins que les banques
centrales occidentales aient prêté de l’or en secret, à des acheteurs
politiquement « encouragés », comme peut-être l’Allemagne, à ne pas
demander la livraison physique de leur métal.
Quand, au début de l’année
2013, l’Allemagne demandait le rapatriement de 300 tonnes d’or depuis la Fed,
cette dernière lui a demandé de lui accorder cinq ans pour satisfaire sa
demande. A la fin 2013, elle ne lui avait envoyé que 5 tonnes.
Bien qu’elle appartienne à des
propriétaires privés, en majorité des banquiers, la Fed n’est que
partiellement auditée. Une partie des 8.133,5 tonnes de la Fed pourrait-elle
appartenir à d’autres pays, comme l’Allemagne ?
La Chine est-elle déjà la
propriétaire de la plus grosse réserve d’or du monde ? Si c’était le
cas, elle serait aujourd’hui bien plus proche que nous pouvions penser, grâce
notamment au centre financier de Hong Kong, de remettre en question la
légitimité et la crédibilité de la devise de référence internationale.
La récente reprise du prix de
l'or doit certainement beaucoup aux craintes liées à l’inflation, aux taux
d’intérêts proches de zéro et à la situation en Ukraine. Une possible pénurie
d’or et le déclin du pouvoir des banques centrales d’en supprimer le prix
laissent sous-entendre une réaffirmation des bases fondamentales du marché
haussier de l’or, malgré une possible escalade des craintes liées à la
récession.
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