Les 72 millions de primes offertes à Daniel Vasella en échange d’une
clause de non concurrence , c’était déjà lui.
Lui, c’est Lukas Hässig. Un talentueux journaliste qui cumule de
nombreuses années dans le monde des
médias.
Lukas Hässig a un défaut: il dénonce les iniquités du monde de la
Paradeplatz, la place des grandes banques (BNS incluse). D’ailleurs son site
s’appelle insideparadeplatz.ch.
Coup de tonnerre en novembre 2015. Le Crédit Suisse porte plainte contre
Lukas Hässig pour concurrence déloyale. 24heures précise ainsi:
« La plainte pour concurrence déloyale et atteinte à la
personnalité, déposée par Credit Suisse (CS) contre
le site d’information Inside Paradeplatz et son propriétaire, le
journaliste financier Lukas Hässig, est toujours maintenue. Une semaine après
l’avoir reçue au début de novembre, le Tribunal de commerce du canton
de Zurich était entré en matière et avait même revu à la hausse la valeur
litigieuse de 100 000 francs, à au moins un demi-million. Trois
articles sont incriminés (Le CS c’est comme la FIFA, Tidjane Thiam vole le
cœur du CS et Urs Rohner n’arrive pas à lever du capital), même si des
modifications ont été entre-temps apportées par le journaliste à certains
titres et contenus de ses articles. »
Mais ce n’est pas tout. CS s’en prend simultanément à Tages-Anzeiger,
journal dans lequel publie régulièrement L Hässig. L’article incriminé est
« Credit
Suisse est au-dessus des lois aux USA ». Mais contrairement à la
plainte contre M Hässig, Credit Suisse ne demande pas d’argent dans le cas du
journal.
Mis à part les sommes folles demandées à ce père de famille de 4 enfants,
Lukas Hässig a d’ores et déjà perdu une emploi dans un hebdomadaire pour
cause de risque commercial.
A côté de ces déboires personnels, professionnels et financier de M
Hässig, cette étreinte qui confine à l’étranglement ne manque pas de soulever
bon nombre d’interrogations.
Que veut dire Concurrence déloyale quand le bourreau est un journaliste
gérant un site modérément grand et une banque globalisée?
Pourquoi Credit Suisse qui semble soucieuse de son image fait-elle l’objet
de plusieurs plaintes autrement plus graves. Le
Temps relayait ainsi l’information suivante:
« Début septembre, douze banques – parmi lesquelles Credit
Suisse et UBS – s’étaient déclarées prêtes à payer environ 1,87 milliard de
dollars pour éviter une plainte collective aux Etats-Unis.
Un groupe d’investisseurs avait fait valoir qu’il aurait subi
des pertes à cause d’un cartel illégal, que lesdites institutions financières
de même que la firme britannique Markit – prestataire important
d’informations financières dans le domaine des dérivés de crédit – auraient
monté autour de « credit default swaps ».
De nombreuses banques autour du globe doivent déjà répondre de
manipulations sur le marché des devises et des taux de référence comme le
Libor. »
Actuellement, Credit-Suisse fait l’objet de poursuite sur sol américain
pour une possible manipulation
sur le marché de la dette publique. Qu’est-ce qui fait le plus mal? Ce
genre de pub relayé par le Financial Time auprès de la planète anglo-saxonne
de la finance ou ce que peut bien écrire en allemand Lukas Hässig?
La question qui est derrière tout ceci est la désaffection de la place
financière suisse et la massive suppression d’emplois qui l’accompagne. Les
grandes banques veulent-elles aujourd’hui que la discrétion entoure
l’enterrement de la Suisse en tant que place financière? La question se pose.
Nous avons vu l’affaiblissement croissant des autorités fédérales au
profit des puissants lobbies de toute sorte. Qui pense pouvoir protéger
encore les citoyens? Qui va protéger la liberté de la presse. Qui va protéger
la liberté de penser et de s’exprimer? Ce sont là des piliers de notre
Constitution et de notre démocratie.
Il est vrai que ce qui est dit là n’est plus dans l’air du temps. La mode
est plutôt aux traités divers et variés qui mettent les entités
transnationales au-dessus des vieilles lois publiques, nationales et
étatiques. Cet exemple démontre la faiblesse de la situation du citoyen face
à ces mammouths de la finance qui ne doivent leur puissance qu’à la
générosité de dirigeants qui leur ont délégué des pans de la puissance
publique voire des droits régaliens avec la création monétaire bancaire
ex-nihilo.
Dernière question qui me saute aux yeux. La plainte pour Concurrence
déloyale soulève une question majeure. Est-ce que Lukas Hässig, son site et
ses employeurs vont être soumis à la loi sur le Renseignement et celle sur la
poste et les télécoms (LSCPT).
Il est dit ceci dans le cadre de la LSCPT:
- La LSCPT est ordonnée et mise en oeuvre dans le cadre
d’une procédure pénale;
- L’article 15 alinéa 2 précise dans quel cas le
« Service »fournit des renseignements:
- Mais de quelles données parle-t-on? Eh bien les voici
dans l’article 21:
Grâce à cette loi LSCPT (heureusement soumise à référendum), toute
plaignant qui invoque la loi sur la concurrence déloyale peut -si sa plainte
est reçue- déshabiller la personne physique ou morale (entreprise), objet des
doléances.
La question fondamentale et primordiale dans ce dossier est de savoir
si Lukas Hässig, son site, etc sont soumis à une surveillance qui permettrait
d’identifier les personnes qui lui transmettent les informations.
Si tel devait être le cas, cela signifierait que nous entrons dans
un monde totalitaire dont nous n’avons pas le début de l’idée de vers quoi il
va nous mener.
|