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Sale
tuile pour les Espagnols ! Jean-Claude Juncker, le chef de file de l’Eurogroupe, a déclaré hier que le pays
« n’avait pas besoin d’aide extérieure » et a
invité les marchés à être « plus
rationnels » ! Vítor Constâncio, le vice-président de la BCE, a
été dans son sens en estimant qu’ils avaient «
sur-réagi » en imposant des taux obligataires
élevés lors des adjudications d’hier mardi.
Au
vu des précédents, ce genre d’affirmation est toujours
annonciateur d’une catastrophe imminente. Les jours et les semaines qui
viennent leur donneront ou non raison, mais comment en attendant ignorer que
le compte à rebours est engagé ? Et se demander quel évènement
serait encore susceptible de l’arrêter ?
Des
mécanismes sont enclenchés. La hausse des taux obligataires
n’aura certes qu’une incidence immédiate limitée
sur la charge de la dette (le poids de ses intérêts), ne jouant
encore que sur une faible partie de celle-ci. Plus préoccupantes en
sont les conséquences pour les banques, qui devraient enregistrer des
pertes, si elles le font, car la valeur de marché des obligations
achetées avec les prêts de la BCE a diminué avec la
hausse de leur taux. Le gouvernement est quant à lui placé
devant un mur sans savoir quelle hauteur il va devoir prochainement franchir,
ne pouvant plus bénéficier des achats obligataires des banques
du pays qui stabilisaient les taux en achetant sa dette, les fonds de la BCE
étant épuisés.
Vu
son état, le système bancaire espagnol n’est plus
à ces pertes près, il est vrai. Elles viennent s’ajouter
à celles du secteur immobilier, qui tous les jours augmentent, aux
effets de la récession économique, et pour faire bonne mesure
à celles qui pourraient provenir du Portugal voisin, où les
engagements espagnols sont estimés à 50 milliards
d’euros. Son renflouement est indispensable, mais la formule est un
bricolage de circonstance, car il n’est pas question
d’accroître le déficit public pour y parvenir.
D’où va venir l’argent ? La crainte étant que, si
le FESF (fonds européen de stabilité financière) devait
intervenir, car sa mission le lui permet désormais, un très
mauvais signal serait par là même adressé aux
marchés. Ce qui risquerait d’impliquer sans tarder un sauvetage
en bonne et due forme.
La
Banque d’Espagne vient de valider un plan d’assainissement du
secteur bancaire gouvernemental. En plus des 9,2 milliards d’euros
déjà dégagés en 2011, celui-ci va devoir trouver
dans l’année qui vient, ou les deux prochaines années (pour
celles qui participeront à la restructuration du réseau des Cajas en pleine déconfiture), 44,6
milliards d’euros. Soit en les prélevant sur leurs profits, ou
bien en émettant des actions, soit en dernière instance en
faisant appel au Frob, le fonds public
d’aide. La vraisemblance du plan est faible, n’anticipant pas
toutes les occasions à venir que les banques vont avoir
d’accroitre leurs pertes.
Telle
est la dynamique dans laquelle l’Espagne se trouve placée, avec
comme seule alternative d’imposer aux régions des coupes claires
dans les budgets de la santé publique et de l’enseignement pour regagner
la confiance des marchés. Le gouvernement croit en avoir
trouvé le moyen en s’engageant à payer les factures en
souffrance des régions contre l’élaboration d’un
plan d’économies. Prises à la gorge, quatorze
régions sur dix-sept ont répondu présent et ont remis
près de 4 millions de factures impayées pour un montant de plus
de 17 milliards d’euros. Les plans remis d’ici fin avril et
acceptés, les fournisseurs seront payés en mai, est-il promis.
L’objectif
est de crédibiliser la participation des régions à la
réduction du déficit, mais que craignent en
réalité les investisseurs ? Que l’Espagne atteigne ses
objectifs de déficit ou bien le contraire, inquiets qu’ils sont
d’une récession qui ne peut ainsi que s’accentuer ? La
stratégie poursuivie envers et contre tout procède d’un
total contresens.
On
peut faire confiance aux dirigeants européens : ils
n’interviendront en Espagne que quand ils ne pourront plus faire
autrement, n’étant capables de lever la casserole de dessus le
feu que pour l’y reposer ensuite. La guerre des nerfs a donc repris.
Tous
les regards se tournent vers Washington et la réunion du FMI. Le
gouvernement allemand a fait savoir qu’il attendait qu’un signal
y soit donné, afin que « les Européens ne soient pas
livrés à eux-mêmes ». Quelle reconnaissance de
l’impasse ! Pour que la BCE ne soit pas dans l’obligation
d’intervenir à nouveau, sous une forme ou sous une autre, la
seule issue est en effet que des ressources financières soient
dégagées via le FMI pour secourir par ses prêts les pays
européens qui devront à leur tour sortir d’un
marché devenu infréquentable vu ses prix.
Chaque
chose à sa place : à la BCE, le sauvetage des banques, aux
États celui des États, c’est ainsi que peut être
résumé le plan dont le second volet doit encore être
concrétisé. Mais la question du risque pris par le FMI, et donc
par ses membres, n’est pas négligeable, impliquant des
contreparties. Les éléments d’un accord global sont
connus, tout du moins pour les pays émergents, mais son adoption
n’est rien moins que certaine. Car il représenterait un pas en
avant vers une réforme du système monétaire
international, et celle-ci ne pourra intervenir qu’à chaud,
là encore quand il ne sera plus possible de faire autrement. En niant
dans la presse brésilienne toute responsabilité à la
baisse entretenue du dollar par la Fed dans le surenchérissement du
réal, épousant la thèse américaine, Christine
Lagarde vient de montrer non seulement quelles sont ses marges de
manœuvre, mais également que les Américains ne veulent
rien céder, craignant de ne pas pouvoir contrôler la suite.
Dans
l’immédiat, le gouvernement japonais a demandé en
contrepartie des 60 milliards de dollars qu’il va apporter que les
Européens accroissent de leur côté le montant des
engagements du Mécanisme européen de stabilité (MES).
Christine
Lagarde espère atteindre au bout du compte ce qu’elle a
déjà qualifié de « masse critique » en
additionnant pour les besoins de la cause les fonds dont le FMI dispose
déjà pour prêter aux pays à revenu moyen et
élevé – 382 milliards de dollars – à ceux
qu’elle récolte petit à petit comme s’il s’agissait
de promesses de dons. On a déjà vu cela quelque part. Un
montant équivalent est à l’arrivée
espéré. Telle est la grande victoire qui s’apprête
à être célébrée à Washington, au nom
du refinancement planétaire de la dette des pays européens de
la zone des tempêtes, à moins qu’un montage financier
n’en répartisse autrement le risque.
Justifiant
l’espoir d’être remboursé, le même FMI vient
d’annoncer que le « pic » de la dette publique était
« à portée de vue », prévoyant que «
le ratio de la dette sera stabilisé ou aura commencé à
baisser » dès 2015 dans une soixantaine de pays, à
l’exception toutefois des États-Unis et du Japon. À
condition, est-il ensuite reconnu en plus petits caractères, que se
maintienne « un différentiel entre taux
d’intérêt et de croissance très favorable ».
D’autant que la persistance de taux d’intérêt
historiquement bas n’est pas garanti », et que, « pour
beaucoup d’économies avancées, y compris la France,
l’Italie et le Royaume-Uni, il suffirait de petits chocs (…) pour
empêcher la stabilisation de la dette à moyen terme »,
est-il conclu.
Une
proposition de dernière minute de Christine Lagarde est par contre
susceptible de semer un certain trouble, si ce n’est même un
grand froid. Tirant sans doute les leçons des dernières
prévisions semestrielles du FMI, selon lesquelles les banques de la
zone euro devraient réduire la taille de leurs bilans de 2.600
milliards de dollars dans les deux ans à venir, augurant d’un
fort resserrement du crédit, elle a proposé la création
d’une nouvelle entité européenne. Elle aurait pour
mission de recapitaliser les banques en prenant des participations directes
dans celles-ci, afin de briser « le cercle vicieux entre États
et banques ». Sans plus d’explication sur son financement et les
circonstances de son intervention.
Décidément,
la crise de la dette publique cède ces temps derniers le pas devant
celle de la dette privée…
Billet rédigé par
François Leclerc
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