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« De grand coeur
j'accepte la devise: “le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne
le moins”. Et j'aimerais la voir suivie de manière plus rapide
et plus systématique. Poussée à fond, elle se
ramène à ceci auquel je crois également: “le
gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout”. Et
lorsque les hommes y seront préparés ce sera celui qu'ils
auront. »
-Henry David Thoreau,
1849
La politique
est l’art de gouverner, l’éthique, l’art de la
conduite. Cependant, savoir se conduire, c’est savoir se gouverner. La
politique est d’abord une éthique, mais qui prétend que
l’homme ne peut se gouverner seul. Au contraire, le libéral
affirme que l’homme se gouverne lui-même tant qu’on le
laisse libre. Il y a politique non pas parce que l’homme ne sait pas se
conduire, mais parce qu’elle ne le laisse pas se conduire.
L’éthique se suffit à elle-même.
Un monde sans
politique n'en serait pas un sans institutions où règne le
chaos, mais plutôt un où ces institutions seraient
établies volontairement à l’aide d’ententes et de
contrats. Il s’agit d’un idéal, mais non d’une
utopie. Le libéralisme n’est pas qu’une doctrine
politique, mais une quête d’émancipation. Le
libéral ne s’enferme pas dans l’idée que la
liberté ne puisse s’épanouir qu'au sein d'une
société politique, puisqu’il n’attribue pas
à celle-ci un champ différent dont l’éthique
s’occupe déjà.
De son
côté, l’étatiste croit non seulement que la justice
est préservée grâce au politique, mais qu'elle
s’épanouit grâce à elle, de sorte qu’il
cherche à agrandir l’État. Oser franchir la
frontière politique signifie, à ses yeux, l’injustice et
la mort de la liberté. Le libéral croit exactement le
contraire, soit que l’épanouissement de l’homme passe par
la réduction de l’État. Plutôt que de préserver
la liberté, il affirme que l’État l’étouffe.
L’anarchiste libéral (ou le libertarien anarcho-capitaliste pour
utiliser un terme similaire) va plus loin en affirmant qu’on doit
pacifiquement abolir l’État et par conséquent la
politique, car c’est le problème et non la solution. Il en fait
une question de principe: l’homme peut et doit se gouverner seul.
L’État
est le problème, car il est tout entier basé sur la coercition.
Celle-ci est nécessaire en réponse aux comportements agressifs,
mais en réponse seulement. En d’autres mots, le maintien de la
sécurité exige la contrainte, mais non pas dans
l’établissement des institutions vouées à cette
fin. Établir la sécurité au moyen de ressources
tirées de la taxation et de l’imposition, peu importe le régime
politique qui les impose, est non seulement inutile, mais injuste d'un point
de vue libéral strict.
Au cours des trois
derniers siècles, le libéralisme s’est confiné
essentiellement à deux champs: le politique et
l’économique. À son tour, le libéralisme politique
a été étroitement associé aux régimes
démocratiques, alors que le libéralisme économique est
entendu comme synonyme du capitalisme. Or le libéralisme n’a nul
besoin du politique, encore moins de la démocratie. Celle-ci impose et
taxe sans limites, car elle ne qualifie pas ces moyens de coercitifs, mais
comme des leviers pour établir sa conception de la justice, soit
essentiellement une plus grande égalité économique.
Autrement dit, la liberté entendue sous cette conception se limite
essentiellement à pouvoir vivre des fruits du travail d’autrui.
On croit
généralement que la démocratie possède une assise
solide en se fondant sur les droits individuels, mais ceux-ci sont tout de
même malmenés. Les droits individuels sont d’abord des
libertés naturelles, c’est-à-dire que l’homme
n’a nul besoin de les revendiquer puisqu’elles relèvent de
lui. L’homme peut se mouvoir, s’associer, s’exprimer, et
cetera, sans avoir à en demander la permission. Pourvu qu’il
reconnaisse les mêmes libertés en l’autre, il agit
conformément à l’éthique.
L’ensemble des
libertés naturelles, et non seulement celles qu’on retrouve dans
les Chartes, constituent le domaine de l’éthique. Elles
relèvent toutes du même critère, soit le respect de la
propriété ou la non-agression envers autrui. Ces concepts, dans
leur acception large, ont essentiellement la même signification, soit
le respect d’autrui et de ce qui lui appartient. Si la
propriété se confine plus souvent aux biens, elle
n’exclut pas le respect de la personne au sens où elle doit
être entendue également comme propriété de soi. De
même, la non-agression se confine plus souvent à
l’individu, mais s’étend également au respect de
ses biens.
Respecter ce seul
principe, la propriété ou la non-agression, implique
nécessairement le respect de l’ensemble des libertés. Ces
libertés sont moralement antérieures et supérieures aux
impératifs et aux intérêts du gouvernement. Les
libéraux de la tradition classique diraient que les citoyens ne sont
contraints d'obéir au gouvernement que s’il garantit à
chacun ses libertés. Le gouvernement trouve sa
légitimité dans la mesure où il protège et
élargit systématiquement la jouissance de ces
« droits de l'homme » au profit des citoyens.
L’anarchiste libéral va plus loin en affirmant que
l’éthique se suffit à elle-même,
c’est-à-dire que le respect de la propriété ou de
l’ensemble des libertés n’a besoin que d’une
garantie institutionnelle, mais pas nécessairement politique.
À taxer et
à imposer, le gouvernement viole la propriété au sens
strict, soit la liberté de disposer de ses biens comme on
l’entend. L’anarchiste libéral ne fait pas de la justice
une question de degré, mais une question de principe,
c’est-à-dire qu’il ne tolère aucune violation
à la liberté. À ceux qui en font une question de
degré, il pose les questions suivantes: quel est le degré
légitime de taxation et d’imposition et comment le
déterminer? En répondant « un degré
raisonnable » on ouvre la porte à tous les excès et
en répondant que le gouvernement doit faire ci ou ça, on
enfreint nécessairement la liberté de disposer de ses biens.
Une conception de la
justice qui varie en degré selon qui est au pouvoir, est-ce vraiment
de la justice? N’est-ce pas plutôt son contraire? Pour être
vraiment cohérente, la justice libérale doit franchir une
étape supplémentaire, soit de passer du politique à
l’éthique, ou de l’étatisme à
l’anarchisme
.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
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