Voir la 1ère partie
En supprimant les aides au secteur agricole, Roger Douglas, le
ministre des finances, aurait dit : « Les agriculteurs ne
votent pas pour nous ; on n’a pas trop à les
ménager ». Certains mettent en doute cette parole mais quoi
qu’il en soit, le parti travailliste perd les élections au
profit du parti national.
À peine arrivé au pouvoir, ce parti, loin de faire machine
arrière, adopte une politique similaire, en ne ménageant pas
l’électorat socialiste.
C’est d’abord la réforme de la protection sociale. Il
faut dire que les dépenses sociales avaient doublé entre 1972
et 1984. Le nouveau gouvernement conservateur prend des mesures
radicales :
-
report de l’âge de la retraite
à 65 ans (étalé sur dix ans),
-
suppression des allocations familiales sans conditions
de ressources dès le premier enfant,
-
baisse des prestations sociales de 10 %, en
particulier des allocations chômage,
-
transfert de la gestion des logements sociaux au
secteur privé,
-
non remboursement de certaines prestations
médicales,
-
réforme de la santé sur la base
d’un modèle déconcentré, contractuel et
entrepreneurial avec dissociation du financement, de la gestion des moyens de
fonctionnement et des organes prestataires.
Puis, le gouvernement s’intéresse à
l’éducation, en commençant par supprimer la carte
scolaire. Cela permet de verser les dotations publiques à chaque
école en fonction du nombre d’élèves inscrits. La
gestion des établissements est confiée à un conseil
élu de parents d’élèves. Des groupes de parents
sont autorisés à ouvrir de nouvelles écoles.
L’autonomie des universités est renforcée, tandis que les
droits d’inscription et les frais de scolarité sont
relevés.
Enfin, troisième réforme des conservateurs, celle du
droit du travail : l’obligation d’appartenir à un
syndicat pour obtenir un emploi dans certains secteurs est supprimée,
ainsi que celle, pour les employeurs, de négocier collectivement les
contrats de travail.
Les grèves non liées à une question relevant de
l’entreprise – ou de l’administration pour les fonctionnaires
– sont interdites. Résultats : division par 10 du nombre de
jours de grève, diminution de moitié du nombre de
syndiqués et accroissement de 10 % du nombre de créations
d’emplois.
Il s’agit là des réformes emblématiques.
D’autres ont concerné la propriété intellectuelle,
l’urbanisme, l’environnement, l’aménagement du
territoire, ou encore la justice (concessions privées pour
gérer les prisons) ou le commerce (disparition des horaires contraints
d’ouverture des magasins).
Pour les sénateurs français, « la
réputation de laboratoire du libéralisme acquise par la
Nouvelle-Zélande n’est donc pas usurpée. Nulle autre
nation développée n’a mis en œuvre en un si bref
laps de temps, une panoplie aussi étendue de mesures de
libéralisation économique ».
Et cela, dixit les parlementaires, donne « des
résultats remarquables » :
-
croissance annuelle moyenne du PIB, entre 1992 et
1997, supérieure à 3,5 %,
-
chômage autour de 6 %, alors que la
population active s’est accrue de 17 %
depuis 1991,
-
investissement industriel progressant de
60 %,
-
inflation maintenue au-dessous de 4 %,
-
excédent budgétaire de
l’État de plus de 3 % du PIB,
-
hausse de 30 % des exportations depuis 1991,
-
renouveau de l’agriculture, qui sort
modernisée et diversifiée des réformes,
-
explosion du nombre d’entreprises
individuelles,
-
baisse de 45 % des effectifs de la fonction
publique en dix ans.
La délégation française a tout de même
trouvé des ombres au tableau : elle estime le poids du capital
étranger dans les entreprises néo-zélandaises trop
important, de même que le déficit de la balance des paiements
courants.
Malgré tout, la libéralisation « semble
irréversible » car tous les partis politiques de
gouvernement entendent poursuivre « la réalisation
d’un marché libre ».
Qu’ont donc fait les sénateurs français de ce
qu’ils ont appris en Nouvelle-Zélande ? Rien. Ils se sont payés un voyage agréable aux frais de la
princesse, et puis c’est tout.
Pour la délégation française,
l’expérience néo-zélandaise ne peut pas être
importée en France. Pourquoi donc ? Parce que « ses
modalités, son rythme, sa conduite politique et ses indéniables
succès s’expliquent en effet pour partie par des
caractéristiques nationales et des circonstances particulières
dont la combinaison se retrouve rarement ailleurs ». Et les
sénateurs de citer, par exemple, « l’esprit
pionnier » des Néo-Zélandais, encore qualifié
« d’individualisme entreprenant et courageux »,
qui serait donc une spécificité locale que l’on ne retrouve
nulle part ailleurs dans le monde. Ou encore la brièveté du
mandat parlementaire – 3 ans – qui aurait contribué
à la rapidité des réformes, alors qu’ici les
mêmes parlementaires nous expliquent que la multiplication des
échéances électorales empêchent les
réformes.
Lisons la conclusion du rapport : « Qui fait fausse
route : la petite Nouvelle-Zélande confrontée à la
gigantesque Asie ou la France adossée à l’Europe des
Quinze ? Aujourd’hui, nul ne peut encore être sûr de
la réponse. […] la Nouvelle-Zélande a compris que ce
n’était ni sur une rente de situation ni sur les dépenses
de l’État mais sur l’effort collectif et
l’initiative individuelle que pouvait se construire durablement le
succès économique. La leçon mérite d’être
méditée ».
Oui, vous avez bien lu. Les sénateurs français n’étaient
pas encore certains, quinze ans après le début de
l’expérience libérale néo-zélandaise, que
cela pouvait être la voie à suivre, alors même que leur
rapport ne faisait que mettre en avant ses succès.
Décidément, il n’y pas que les pays qui soient aux
antipodes. Les esprits aussi. Plutôt que d’agir, ils
préfèrent méditer sur cette expérience. Et cela
fait maintenant 16 ans qu’ils méditent. Il y a là de quoi
être vraiment pessimiste.
La Nouvelle–Zélande était au plus bas. Elle en a
pris conscience et s’est réformée. Pourquoi cela ne
serait-il pas accessible à La France ? N’est-elle pas
encore descendue assez bas ? Ou ses hommes politiques sont-ils décidément
incapables ?
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