Heureux résultat,
l’interdiction des parachutes dorés décidé par un referendum d’initiative
populaire en Suisse est-il une surprise ou tout simplement l’accomplissement
de ce qui devait finir par arriver et va se poursuivre en Europe ? Car, un
profond malaise s’est installé dans les opinions publiques et s’exprime quand
l’occasion s’en présente, ou bien quand ce n’est vraiment plus possible, il
emprunte les chemins disponibles et prend les formes les plus variées, y
compris parfois les pires.
C’est le cas au Royaume-Uni
avec la montée en puissance électorale de l’UKIP, ce parti sous la pression
duquel se trouve David Cameron et qu’il a traité de « barjots, de
cinglés et de racistes ». Ce qui n’a pas empêché celui-ci de devancer
les conservateurs lors de l’élection partielle de Eastleigh
avec 27,8% des suffrages. Mais l’extrême-droite ne donne pas le ton en
Europe, en dépit également de l’apparition en Grèce d’Aube dorée, le parti
néo-nazi.
Au cours de ce week-end, les
manifestations massives se sont poursuivies en Bulgarie et une nouvelle marée
a déferlé au Portugal. Des dizaines de milliers de Bulgares ont manifesté
dimanche dans une dizaine de villes contre la corruption et la pauvreté,
réclamant « le pouvoir aux citoyens » grâce à une nouvelle loi
électorale. Des comités de citoyens se forment dans certains quartiers de
Sofia afin de remplacer les partis politiques.
Surprenant par son ampleur, le
score du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo a bouleversé la donne politique
en Italie, refusant de jouer le jeu en rejetant les avances de Pier Luigi
Bersani, le leader du Parti démocrate. Tandis que les grands mouvements
espagnols et grecs butent, comme au Portugal, sur l’intransigeance de
gouvernements qui ne tiendraient pas si de nouvelles élections avaient lieu.
Le gouvernement français ne
sait pas où aller et peine à masquer les désaccords qui s’expriment en son
sein comme en celui des partis qui le soutiennent. Prisonnier d’une cage
qu’il a lui-même construite, d’une inflexible logique qu’il voudrait atténuer
afin de la rendre supportable. Les représentants du courant social-démocrate,
dont la fibre historique est on ne peut plus mince, cherchent les marges de
manœuvre avec lesquelles ils étaient habitués de jouer et qu’ils ont perdues.
Qu’ils soient au pouvoir ou déjà rejetés dans l’opposition, comme en Espagne
et au Portugal, ils ne représentent plus une alternative. Ce qui a également
motivé le succès de Syriza en Grèce. Après la quasi-disparition des partis
communistes, serait-ce le tour des socialistes de connaître un même déclin ?
À propos d’élections, beaucoup
est attendu de celles de septembre prochain en Allemagne, après lesquelles
espère-t-on, le gouvernement allemand pourra donner le mou qu’il ne concède
actuellement que lorsqu’il ne peut pas faire autrement. C’est le cas pour
Chypre, dont le sauvetage ne peut attendre cette échéance, le commissaire
Olli Rehn reconnaissant tardivement son caractère systémique. Mince
espoir que celui de cette inflexion qui ne résoudra rien. En France, Pierre
Moscovici et Arnaud de Montebourg (le ministre du redressement productif)
s’opposent publiquement à propos du rôle de la BCE, car la tentation est
forte de présenter l’intervention de celle-ci sur le mode de ses consœurs
comme la solution miracle à la crise, ne voulant pas voir qu’elle ne règle
rien aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon.
Le refus allemand du
refinancement du sauvetage des banques irlandaises par le Mécanisme européen
de stabilité, qui vient d’être réaffirmé par Wolfgang Schäuble, est la
conséquence d’une décision de plus grande portée encore : l’abandon des
velléités un temps agitées de déconnecter les dettes des banques et des
États. On s’éloigne donc de ce qui était un des éléments de solution de la
crise proprement européenne, au nom du refus de toute forme de mutualisation
de la dette. Wolfgang Schäuble l’a martelé : c’est à chacun de faire son
ménage ! Cela ne mène pas loin.
D’autres tentations encore se
développent immanquablement. Les Catalans continuent d’agiter la carte de
l’indépendance. Beppe Grillo réaffirme son exigence de la tenue d’un
referendum sur l’euro, tout en demandant une restructuration de la dette
italienne. Des partis politiques anti-euro allemand et autrichien sont en
cours de constitution. C’est inévitable dans une situation où le refus de
l’austérité et la dénonciation de la corruption sont omniprésents, sans qu’il
émerge des revendications fédératrices autour desquelles des mouvements
pourraient se créer avec le sentiment d’être en mesure de l’emporter.
En attendant, la crise
politique rajoute à la confusion déjà régnante. Et que ce soit au sujet des
bonus ou des parachutes dorés, des gages doivent être donnés, créant le
risque que de nouveaux soient alors demandés.
En un an, le taux officiel du
chômage a augmenté de 7%, plus de 5 millions d’espagnols étant sans emploi.
Le PIB italien est retombé dessous son niveau de 2001, selon l’institut de
statistique ISTAT. Le taux de chômage chez les jeunes est de 38,7%.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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