On le sait : la bataille contre les gens qui meurent connement ne fait que
commencer. D’abord parce qu’il y a de plus en plus de gens (il y a des
statistiques dessus, c’est affolant). Ensuite parce qu’ils y en a de plus en
plus qui meurent connement et notamment parce qu’ils n’ont pas mangé comme il
fallait. Et ça, dans le monde qui est le nôtre au jour d’aujourd’hui et à
l’instant présent qui nous occupe ici et maintenant, c’est proprement
intolérable. Ne tolérons plus ça.
Heureusement, en France, l’élite politique et les responsables
gouvernementaux ont pris la mesure de la tâche à accomplir et se sont
empressés, depuis plusieurs années, de donner un objectif clair et précis à
la population : lutter contre les nourritures trop grasses, trop salées, trop
sucrées, et surtout, faire du sport régulièrement, boire quand on a soif, se
couvrir quand il pleut, se laver les mains après le petit pipi et les dents
avant le petit dodo. Grâce à la répétition ininterrompue de messages aussi
pertinents que subtils (dans les publicités pour les Pépitos,
sur les aires d’autoroute, à la radio, sur les paquets de chips et les
bouteilles d’alcool, etc…) le message général a fini par percoler doucement
dans la population et il a fort bien été compris : pour pouvoir mourir en
bonne santé, il n’y a pas d’autres solutions que se passer de sel, de sucre,
de gras, de drogues, il faut faire des efforts, tout le temps, il faut se
restreindre, toujours, et garder le sourire.
Nos politiciens, en charge de notre santé collectivisée jusqu’au trognon,
l’ont bien compris : il n’y aura pas de salut pour nous tant qu’il y
aura du fun. Et puis, c’est pas comme si en
France, la nourriture était une tradition ou un art de vivre. Laissons ça à
la perfide Albion, tiens, qu’elle s’étouffe sous les douceurs bien préparées
!
C’est donc tout naturellement dans cette optique de restriction du plaisir
qui pourrit la vie qu’un épais rapport vient d’être remis à l’une des piètres
excuses ministérielles actuellement en charge de la santé, Marisol Touraine. Et pour changer de tout ce qui a été
fait avant, ce rapport préconise une nouvelle série de mesure (interdictions,
taxations, vexations) pour inciter le cheptel
les Français à suivre une alimentation encore moins
fun plus équilibrée.
Eh oui : comme je le notais avec détachement dans un précédent billet qui
évoquait la Fat Tax, la taxation de
toute une série d’aliments méchants est évidemment LA solution pour résoudre
le vrai et réel problème qui se pose à nous de limiter le fun et la joie de
vivre déjà trop présents dans ce pays. Bon, ici, il faut comprendre qu’il ne
s’agit pas d’un retour de cette Fat-Tax qui agita
vaguement les médias il y a quelques mois. On va faire dans le subtil : au
pays de Socialie, il y a des aliments méchants et
des gentils. Alors pour passer les moments difficiles, avoir des surtaxes
(sur les aliments méchants), c’est très utile. Les propositions envisagent de
sous-taxer les aliments gentils, mais n’y comptez pas, c’est un gros bobard
pour endormir les naïfs. (Baisser une taxe, en France, pffrt, franchement)
Et on sait que ce sera une réussite ! Rien de tel qu’une bonne taxe pour
réduire le nombre d’obèses ou de maladies cardiaques, hein. D’ailleurs,
depuis qu’il y a des taxes sur les cigarettes, il y a moins de fumeurs. Les
taxes sur les alcool ont renvoyé la consommation de
spiritueux au rang de curiosité. Et à l’instauration des taxes sur le
carburant (nombreuses et gratinées), les ventes de voitures se sont
effondrées et la consommation d’essence, de gasoil, de mazout et de kérosène
a dégringolé. C’est connu.
Bien sûr, quelques tabassages taxatoires ne
suffiront pas. Je vous le rappelle : nous sommes en guerre contre les gens
qui meurent connement, et comme la connerie s’étend, il y a toujours fort à
faire. Et pour cela, l’étatisme à la Française pourra se servir de ses deux
mamelles habituelles : l’interdiction et la propagande.
Pour l’interdiction, rien de plus simple : on lâchera les législateurs
fous comme on le fait régulièrement pour tout et n’importe quoi, et, après
une solide ponte de quelques kilomètres de papiers gribouillés d’articles de
lois illisibles, on pourra interdire certaines promotions en volume de
méchantes boissons sucrées (disons, au hasard, des sodas américains qui
butent des chatons mignons) ; cela ne suffira pas et il faudra aussi
interdire complètement toute publicité pour certains produits, comme ceux de
régimes amaigrissants sous toutes les formes (livres, méthodes,
suppositoires, …) parce qu’il est maintenant reconnu qu’interdire de telles
publicités amènera naturellement les gens à mieux se nourrir (mais si, c’est
évident).
Et pour la propagande, on utilisera les moyens maintenant habituels des
légions de petits empêcheurs de saler, sucrer et graisser en rond, ainsi que
la panoplie courante de slogans agressivement niais et de brochures aussi
colorées qu’idiotes. Innovation : on va introduire des petites gommettes de
couleurs pour indiquer, comme à des enfants en bas âge, ce qu’il faut ou pas
consommer, ce qui permettra de jeter à peu de frais une bonne louche
d’opprobre sur les aliments déclarés impurs par les Hautes Autorités
Sanitaires. L’échelle est déjà fixée, les couleurs seront sans ambiguïté et
l’ensemble ressemblera grosso-modo à ça, pas du tout culpabilisant :
La question évidente qu’on peut se poser maintenant, c’est comment nos
élites enfiévrées vont parvenir à faire passer tout ça ? Fort simple, mes
petits amis : on va utiliser l’arme efficace de l’égalitarisme qui rabote
tout ce qui dépasse à commencer par les mets plantureux et les repas de
famille festifs. Et c’est expliqué dès les premières pages du rapport : on va
combattre le gras et les méchantes nourritures parce qu’à cause d’elles, les
gens tombent malades et que ces maladies sont directement liées à la
condition sociale des individus, pardi !
Ces maladies liées à la nutrition sont un facteur d’inégalités sociales de
santé.
S’ensuit un magnifique bricolage logique sur le mode « Les pauvres ne
savent pas s’alimenter, indiquons-leur comment procéder et donnons leur des tickets de réduction ». Les auteurs
se sont manifestement fait violence pour ne pas traiter ouvertement les
populations défavorisées d’idiots incapable de manger sain, mais cela
transpire pas mal dans l’épais rapport, additionné d’un ou deux barils de
commisération qu’un Zola n’aurait pas reniée afin d’enrober l’idée générale
qu’en distribuant, encore une fois, de l’argent à des gens, on allait résoudre
leurs problèmes (méthode dont tout le monde peut constater qu’elle a très
bien marché jusqu’à présent).
Sauf que manger sainement ne demande généralement pas plus d’argent que
manger des cochonneries (en moyenne, ces dernières sont plutôt plus cher). Distribuer des coupons et afficher des petits
stickers aux couleurs vitaminées ne changera pas : l’idée que le principal
problème de ces populations n’est pas d’abord celui de l’argent, mais d’abord
un problème de temps semble échapper quelque peu au tableau
grassement barbouillé par nos experts ; préparer un repas prend du temps,
choisir des aliments sains mais peu cher est très consommateur de temps,
planifier ses repas, ses courses prend du temps, et, comme je l’expliquais dans un précédent billet, c’est ce temps
(et l’habitude, l’expérience qui se construisent dans la durée) qui manque
cruellement.
Du reste, il faut ajouter à ça que les recommandations des « experts
internationaux » sont, de plus en plus souvent, parfaitement contraires
à l’hygiène alimentaire que la médecine, hors des poncifs entendus partout,
valide obstinément. Ainsi, des individus persistent à manger en quantité des
graisses de bonne qualité et s’en portent honteusement bien comme l’explique cet article, et que d’autres, faisant fi
des remarques répétées des agences sanitaires anti-fun,
salent copieusement leurs plats et ne s’en portent pas plus mal ; les exemples sont légions
de « recommandations » foireuses, de petits stickers mal adaptés et
de populations orientées dans la mauvaise direction.
Encore une fois, on nous sert une soupe bien amère : interdictions,
stigmatisation, propagande, et messages douteux. On voit mal ce qui va encore
pouvoir sortir de bon de ces recommandations d’autant qu’elles seront mises
en musique par les habituels bras cassés qui nous gouvernent. Alors que la
France a élevé la cuisine au rang d’art, elle s’apprête maintenant à saboter
l’une de ses plus grandes richesses.
Ce pays est foutu.
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