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Dans
la gestion des problèmes environnementaux, deux solutions sont
habituellement proposées. D’une part, le principe du « pollueur-payeur »
– dont on retrouve les fondements dans le livre d’Arthur Pigou The Economics of
Welfare (1921) – introduit une taxe
proportionnelle à la pollution émise afin de contraindre les
entreprises à considérer la pollution comme un coût de
production et à l’internaliser. D’autre part, le marché
des permis de pollution repose sur les réflexions de Ronald Coase dans un célèbre article intitulé
« The Problem of Social Cost », publié en 1960 dans Journal
of Law and Economics.
Plus concrètement, le marché des
droits à polluer (plus connu sous son nom anglais : cap and trade system) alloue dans un premier temps des permis
de polluer aux entreprises polluantes, puis les autorise dans un second temps
à les échanger. Séduisant à première vue, ce
système semble permettre de contrôler et limiter les droits de
pollution. Il est en outre censé
stimuler les entreprises polluantes à investir dans des dispositifs destinés
à réduire leurs émissions (afin de pouvoir vendre leurs
droits de pollution résiduaires).
Le
système des marchés de permis d’émission est
appliqué avec plus au moins de succès depuis plusieurs
décennies et dans différents contextes. Un des premiers pays
à y avoir recouru à grande échelle est les États-Unis,
qui ont émis des permis de pollution pour les SO2 (dioxide de souffre) et NOX (oxides d’azote) afin de réduire les pluies
acides (Acid Rain Program).
Plus récemment, suite au protocole de Kyoto, l’Union européenne
est devenue la plus grande bourse mondiale de permis d’émissions
de CO2. Ce programme, habituellement appelé la
« bourse du carbone », attribue à travers des plans
nationaux des quotas de CO2 aux installations fixes d’une
puissance supérieure à 20MW, en fonction de leurs
capacités et des émissions de l’année
précédente.
Il
est intéressant de noter que ce système est loin
d’être un système de libre marché, dans la mesure
où il a été crée de
toute pièce par des autorités publiques et est sévèrement
contrôlé. Ainsi, le prix de la tonne de carbone est clairement
influencé par les plans nationaux qui établissent l’offre
de permis. Une émission de permis particulièrement
généreuse conduit à des prix bas de CO2 (il
est actuellement possible d’acheter le droit d’émettre une
tonne de CO2 pour environ 6 euros, soit le prix d’un menu
McDonalds), tandis qu’une réduction du nombre de permis
pousserait leur prix à la hausse. Dans la mesure où
l’offre de ces permis est le résultat des négociations
politiques, les termes « bourse »,
« marché » ou « prix »
sont de toute évidence utilisés à mauvais escient.
Le
système des échanges des permis de pollution (SO2,
NOX) ou d’émission des gaz à effet de serre
(CO2) pose non seulement un problème économique mais
aussi un problème moral. Si la pollution était
réellement considérée comme une nuisance, et si ce
système était effectivement efficace, pourquoi ne serait-il pas
appliqué à d’autre types de nuisances : le crime, le
vol, le viol etc. Caeteris paribus, le
maire d’une commune qui voudrait baisser le taux de criminalité
sur son territoire, n’aurait qu’à émettre des
permis de crime, vol ou viol à ceux qui ont commis de tels actes
l’année précédente, en leur disant que s’ils
veulent commettre davantage de crimes, dans le cadre de la loi, il faudrait
alors acheter les permis d’autres criminels, qui eux devraient
s’abstenir...
Si
un tel système nous paraît étrange et extrêmement
dérangeant lorsqu’on l’applique à ce que l’on
considère comme des nuisances graves, alors de deux chose l’une :
soit la pollution (ou les gaz à effet de serre) représente une
véritable nuisance, et dans ce cas il faudrait appliquer les mêmes
solutions que pour toutes les autres catégories de nuisances (punition
ou compensation); soit elle n’est pas une véritable nuisance, et
il n’existe alors pas de problème à résoudre.
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