Tout n’est pas rose dans le
monde des actions. Le S&P 500, qui fait de la voltige autour de son
record historique et n’a pas enregistré de déclin de plus de 10% en trois ans,
donne le souffle court aux médias. Plus rien d’autre n’a d’importance. Mais
sous la surface, les actions des plus petites sociétés passent au hachoir.
Bloomberg a découvert que 47% des actions de la Nasdaq ont perdu au
moins 20% depuis leur record sur douze mois. 40% des actions du Russell 2000
et, chose effrayante, 40% des actions de l’indice Bloomberg pour les PAPE ont
enregistré une baisse similaire. Elles se languissent désormais dans leur
purgatoire baissier. Les investisseurs fuient ces sociétés depuis des mois. J’ai
déjà écrit à propos de ce phénomène en mai, mais la situation n’a depuis fait
que s’aggraver.
Et pourtant, quarante-quatre
start-ups qui n’ont pas encore été inscrites en bourse sont déjà évaluées à plus d'un
milliard de dollars. Au moins cinq d’entre elles font partie du « club
des dix milliards de dollars ou presque ». Uber
arrive en tête d’affiche avec 18 milliards de dollars. Et Snapchat,
évalué à plus de 10 milliards de dollars, n’a même pas encore enregistré de
revenus.
C’est à cette confluence de l’excès
et de l’exubérance d’une part et du carnage de l’autre que s’élève une voix
sortie tout droit du monde du capital-risque : Bill Gurley,
partenaire de Benchmark et investisseur d’Uber, Zillow, OpenTable et d’autres,
s’est lamenté dans une interview avec le Wall Street Journal des quantités excessives de risque
accumulées dans la Silicon Valley,
« d’une part de façon moins absurde qu’en 99, et d’autre part de façon
plus absurde encore ».
La comparaison avec la
dernière vague de folie de la bulle sur la dot-com
est évidente, même pour lui. Mais ce n’est pas le cas pour les entrepreneurs
d’aujourd’hui, dont 60 ou 70% « n’étaient pas là en 99, et ne peuvent
pas en avoir de souvenir ».
Il a pointé du doigt l’argent
presque gratuit qui afflue dans la Silicon Valley, et expliqué pourquoi tous les excès se terminent
mal : lorsque des start-ups lèvent plusieurs centaines de millions de
dollars, elles sont encouragées à les dépenser, et à accélérer leur taux d’absorption
de capital.
Et je vous garantis deux
choses: la première, c’est que le taux moyen d’absorption de capital de la Silicon Valley est au plus haut
depuis 99. La deuxième, c’est qu’il y a aujourd’hui dans la Silicon Valley plus de gens qui
travaillent pour des sociétés qui perdent de l’argent qu’il n’y en a eu
pendant quinze ans.
Ces quantités excessives de
capital posent problème, puisque les start-ups s’habituent à trop dépenser.
Et c'est un problème qui peut
être renforcé par le marché des capitaux. Pour ce qui est du monde du
logiciel-en-tant-que-service, où le risque est potentiellement le plus élevé,
Wall Street a décrété que perdre énormément d’argent n’était pas un problème
en tant que société publique. Dans les salles de réunion, en n’entend donc
plus que « Vous avez vu ça ? Vous avez vu qu’ils perdent des tas d’argent
et qu’ils valent un milliard ? Nous devrions dépenser plus ». Et
puis il y a ceux qui viennent frapper à leur porte pour leur demander s’ils
veulent plus d’argent.
Bien sûr qu’ils en veulent
plus. Pour justifier ce capital additionnel, ces sociétés, qui souvent n’ont
pas les revenus nécessaires et ne peuvent même pas s’imaginer ce que signifie
générer suffisamment d’argent pour survivre, augmentent leur taux d’absorption.
Elles se tournent vers des prêts plus chers, embauchent plus de gens,
augmentent les salaires, et servent des repas gratuits. Un capital excessif renforce
les péchés moraux que peut commettre une entreprise. [Je vous conseille de
lire ceci : How
the Surge of Hot Money Pushes
San Francisco to the Brink].
C’est ainsi que Gurley a reformulé ce que les banquiers savent depuis
toujours – que les mauvais prêts apparaissent quand la météo est bonne. « Les
sociétés se comportent le moins bien quand notre secteur se porte pour le
mieux ». Des quantités excessives de capital ne font que nourrir ces
mauvaises habitudes et détourner les sociétés de ce qu’elles devraient
réellement faire. Les objectifs sont distordus et les priorités se tournent
vers l’absurde. Tous ceux qui ont observé la situation les yeux grands ouverts
ont pu en percevoir les symptômes. « Plus la situation devient folle,
plus les gens s’exécutent ».
Des quantités excessives de
capital génèrent une diminution de l’état de santé moyen, parce que l’état de
santé, pour les entreprises, signifie profitabilité ou capacité à générer des
revenus. C’est l’essence même de la valeur comptable.
Et les excès se propagent.
Nous avons désormais des propriétaires fonciers qui, à San Francisco,
demandent des loyers deux à trois fois plus élevés qu’il y a trois ans et
demandent des contrats de location sur dix ans. S’ils pensaient que les
loyers allaient continuer de grimper, ils ne proposeraient pas de maintenir
les prix actuels pour dix ans. Ils savent ce que le monde des start-ups a
appris en 2000 et 2001, mais qu’il a malheureusement déjà oublié. Leur
stratégie ne fonctionnera pas.
Quand les flux monétaires
s'assèchent, les sociétés ont besoin de faire bien trop d’exercices
gymnastiques. Lorsque la bulle sur la technologie a éclaté, « la moitié
des sociétés ont fait faillite ». Bon nombre de ces sociétés se sont
évaporées après avoir éliminé tout l’argent de leurs investisseurs. En 2001,
les sociétés technologiques ont annoncé près de 700.000 suppressions
d'emplois. Aujourd’hui ? Les quantités excessives de capital jetées par
des investisseurs aux espoirs grandioses à des sociétés sans rendements ne
pourront que mal se terminer.
Combien coûte-t-il de
manipuler le marché des start-ups et des PAPE ? Pas grand-chose. Et même
de moins en moins ! Il a été dit que Kleiner Perkins Caufield & Byers investirait 20 millions de dollars sur Snapchat. Mais cela a suffi à faire grimper la valeur de Snapchat jusqu’à 10 milliards de dollars. Lisez-en plus
ici : Pump and Dump: How to Rig the Entire IPO Market with just $20 Million.
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