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Il ne faut pas
s’inquiéter de la disparition des ressources naturelles ou de la croissance
de la population, expliquait l’économiste Julian Simon, car la richesse des
nations se trouve dans les possibilités infinies ouvertes à l’homme. Chaque
être humain est une intelligence capable de créer un nouveau monde autour de
lui. Et cette capacité créative est démultipliée à travers la division de
l’information et des connaissances qui prend place sur le marché.
Même si chaque
personne peut en faire l’expérience dans la vie quotidienne, ce sont les
entrepreneurs comme Steve Jobs qui démontrent le plus la vérité de cette
proposition. Le dirigeant de la marque à la pomme était un personnage hors du
commun. Entrepreneur infatigable, il cofonde Apple dans son garage avec Steve
Wozniak à l’âge de 20 ans avant d’en être renvoyé
en 1985. Il met à profit cette situation pour entreprendre à nouveau avec NeXT et Pixar Animation Studios, pour finalement retourner
chez Apple en 1996 et devenir le « chief executive » visionnaire que l’on sait. Patron
craint, il a la réputation d’être égocentrique et de ne pas toujours
contrôler ses humeurs. Mais les faits parlent pour lui : il était clairement
l’un des « grands » de notre époque et a influencé par ses innovations
la vie de millions de gens. De la trempe des Andrew Carnegie et autre John D.
Rockefeller, il est comparé à juste titre à Henry Ford, celui qui démocratisa
l’automobile, ou encore à Thomas Edison, le génial inventeur qui entre autre perfectionna
l’ampoule électrique.
Si l’on ne
peut que célébrer le génie entrepreneurial de Steve Jobs, son histoire personnelle
est riche en enseignements pour la vie de tout un chacun (on pourra réécouter
à bon escient son allocution à l’Université de Stanford en 2005). N’oublions
pas aussi qu’avant de réussir à produire des iPods, des iPhones, et autres
iPads, Steve Jobs avait essuyé de multiples échecs. Peu de gens se souviennent
de l’ordinateur personnel Lisa, par exemple, qui avait coûté des millions
mais qui n’avait pas rapporté grand-chose. Pourtant, l’échec n’a jamais freiné
son désir de poursuivre ce qui le passionnait, bien au contraire. On le voit
bien, la vie de Steve Jobs est riche en préceptes, mais le plus important d’entre
eux se trouve ailleurs, dans le cœur non visible de sa réussite
entrepreneuriale.
Cet
« ailleurs » est au plus profond de la nature humaine. C’est l’idée
que les phénomènes qui nous concernent le plus, même s’ils possèdent une
contrepartie visible dans le monde matériel qui nous entoure, sont, à la
base, des manifestations de la grandeur de l’esprit humain. « L’essentiel
est invisible pour les yeux » dit le renard dans le Petit Prince. Et
cette affirmation n’est pas seulement vraie pour les théologiens ou les
philosophes, elle l’est aussi dans les domaines qui nous touchent tous les
jours. En effet, la créativité de l’homme est antérieure à l’usage de toute ressource . Les Indiens d’Amériques connaissaient
l’existence du pétrole car ils pouvaient en trouver parfois en surface, mais
ils ne savaient qu’en faire et ils l’évitaient autant que possible. Ce n’est
qu’au XIXe siècle que l’homme découvrit qu’il pouvait l’utiliser pour s’éclairer,
et ce fut un progrès énorme au vu des moyens d’éclairage plus anciens. La
véritable ressource n’est pas cet élément que l’on va chercher dans les
profondeurs de la terre, mais l’idée qui est née dans l’esprit de celui qui
en a découvert l’usage. L’homme est capable
d’introduire de l’information nouvelle dans l’univers qui l’entoure. Comme un
sculpteur, il donne un sens à la matière.
Et pourtant une
approche matérialiste et malthusienne domine toujours le discours économique
et politique. Les exemples sont nombreux. Pour commencer et contrairement à
beaucoup d’idées préconçues, avoir des ressources naturelles n’est ni
nécessaire ni suffisant au développement économique ; au contraire c’est
souvent une entrave. Les idées mercantilistes du XVIIIe siècle qui visaient à
favoriser les industries nationales et ne voyaient la richesse que dans une
balance commerciale excédentaire justifient encore bien des politiques (protectionnistes)
actuelles. Les gouvernements, malgré des discours contraires, favorisent
souvent la production (matérielle) au dépend de la création. On ne veut pas
de fermetures d’entreprises alors que celles-ci retardent l’émergence d’idées
nouvelles. On limite le temps de travail pour mieux « partager »
les emplois. La comptabilité nationale, concept éminemment matérialiste, ne prends en compte que la valeur indiquée par les prix, pas
la valeur d’échange réelle qui est subjective et invisible aux statisticiens.
L’Union Soviétique est sans doute le meilleur exemple d’une économie guidée entièrement
par des principes matérialistes : pour atteindre des quotas de
production, des entreprises d’État avaient une fois produit des clous inutilisables
car pesant une tonne. Enfin, la lutte des classes n’est pas qu’une notion familière
à quelques marxistes invétérés, elle transparait dans le discours politique et
social quotidien. Elle procède aussi d’une même vision matérialiste qui voit
toute richesse dans la détention d’un capital physique, mais pas dans la
créativité humaine.
« Il n’est de
richesses que d’hommes » disait Jean Bodin au XVIe siècle. C’est avec Richard
Cantillon, Turgot, ou encore Jean-Baptiste Say que l’on comprend l’importance
de cet aphorisme : le processus entrepreneurial et créatif du marché libre
est à l’origine de la richesse des nations. Steve Jobs incarnait cette idée à
merveille. En ce sens, il est une figure héroïque de l’homme qui crée et
transforme, réalisant ainsi son potentiel véritable ; ce que nous sommes
tous appelés à faire. Au-delà de toutes les leçons de vie extraordinaires
qu’il nous lègue, l’enfant adopté qui partit de rien
laisse un message important au monde : celui du triomphe de l’esprit humain.
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