Depuis quelques semaines, les conservateurs d’outre-Rhin tirent à boulets
rouges sur les mesures accommodantes de la BCE. Selon eux, ses taux bas ruinent
les épargnants de Berlin ou Munich, tandis que ses rachats de dettes
publiques alimentent le laxisme budgétaire des pays du Sud,
comme le Portugal ou la Grèce.
Graphique Politique de baisse accélérée des taux par la BCE, (Credit
Crunch, 2008)
Quels sont les effets de ces politiques monétaires laxistes mises en place
depuis l’éclatement de la Crise de 2009 ? Celle-ci entraîne plusieurs risques
de gestion, selon le chef économiste des Etudes Economiques, Natixis, P.
Artus. Dans tous les cas, nous sommes face à un véritable mécontentement des
épargnants allemands. Explications :
1./ Tout d’abord, l’effet-revenu pour les épargnants/ futurs retraités qui
conduit à un report de l’épargne sur la consommation future (effet
déflationniste dans l’économie, entraînant des carnets de de commandes par
les entreprises imprévisibles liée à une demande intérieure
reportée)
2./ La baisse des profits des banques (marge bancaire plus faible)
: arbitrage entre baisse de la rémunération de l’épargne et taux des crédits.
3./ Le risque de retour d’une bulle immobilière
(conditions d’accès de crédit de financement de l’immobilier poussant la
demande de l’immobilier).
4./ Les conséquences néfastes de la remontée des taux d’intérêt par les
défauts en cascades anticipés par les banques et les investisseurs et les
banques (scénario Japonais, 50 QE depuis, ne donnant plus aucun effet sur la
reprise économique japonaise…).
Le 10 avril, le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang
Schäuble, a même accusé M. Draghi d’être en partie responsable de la montée
de l’extrême droite dans son pays (même condition sine qua Non économiques
et financières, comparables à la situation avant l’éclatement de l’ex-You_go_sla_VIE
: déreglémentation budgétaire, crise économique, retour des
nationalismes, facilement instrumentalisés par les belli-gérants ,
pour réduire à néant une zone stratégique à leurs “faims économiques”.
Le 18 avril, dernier, le président du parti bavarois allié de Madame
Merkel, Hans-Peter Uhl, a déclaré que « le prochain dirigeant de la BCE devra
être un Allemand, qui se sente lié à la tradition de stabilité monétaire de
la Bundesbank », la banque centrale du pays.
Car une gestion italienne reste « à l’ italienne ».
Cette révolte des Allemands a une source visible et une source cachée. La
source visible, c’est la nature même de toute union monétaire. La banque
centrale doit y mener une politique conforme aux intérêts de l’ensemble de la
zone et non de tel ou tel Etat, fut-il son premier actionnaire. L’argument de
la Banque Centrale. C’est ce qu’a rappelé Mario Draghi, son président, jeudi
21 avril, en disant que son mandat ne concernait « pas seulement l’Allemagne
».
Mais il y a aussi également, une inquiétude cachée de la part des
Allemands. C’est le risque de délabrement de la finance allemande ,
masquée par la puissance éclatante de son industrie.
Les deux premiers établissements à faire faillite en Europe lors de la
crise financière, dès juillet 2007, furent deux banques allemandes qui
avaient cherché du rendement sans comprendre les risques associés. Le fleuron
bancaire du pays, la Deutsche Bank, qui était devenu un
gigantesque « hedge fund », erre depuis de restructuration en
restructuration, avec une valse de dirigeants sans équivalent au monde. Des
centaines de banques locales sont dans un état lamentable, souvent
sous influence politique (collusion d’intérêts).
Le lobby du secteur s’est mobilisé pour éviter que les autorités
européennes regardent ses comptes. Les rendements de l’épargne sont
pitoyables. L’assurance-vie fonctionne souvent avec des taux garantis.
Comme l’a souligné le FMI, la finance allemande est trop vulnérable aux
taux d’intérêt bas. C’est le signe d’un ménage qui reste à faire, et c’est à
l’Allemagne de le faire (les Echos, Vittori, 22/04/2016).
Estelle Blanc