Le fait que les détracteurs de l’or fassent référence au
métal comme à une relique barbare alors que l’abandon de l’or est la raison pour
laquelle la civilisation telle que nous la connaissons aujourd’hui est aux
portes de l’extinction est sans aucun doute l’une des grandes ironies de
l’Histoire.
L’étalon or qui a si bien servi les économies Occidentales
tout au long du XIXe siècle est entré en collision avec un mur de briques en
1914 et ne s’en est jamais relevé. L’Europe est passée de la prospérité à la
destruction, ou plus précisément de la prospérité de certains à la
destruction d'autres, à mesure que la guerre s’est développée. L’étalon or a
dû être abandonné pour que les guerres mondiales puissent avoir lieu.
Si l’or avait été une monnaie, puisque les guerres coûtent
cher, comment un tel scénario aurait-il pu se développer ?
Premièrement, les gens ont été habitués à utiliser des
substituts monétaires plutôt que de la monnaie réelle – des billets de banque
plutôt que des pièces d’or contre lesquelles ils pouvaient être échangés sur
simple demande. Les gens trouvent plus pratique de transporter du papier dans
leurs poches que des pièces d’or. C’est pourquoi les billets ont fini par
être perçus comme une monnaie, et que l’or a été relégué au rang de monnaie
gênante du passé.
Deuxièmement, les banques ont pris l’habitude d’émettre
plus de billets et de dépôts que leur or le leur permettait et ont de temps à
autres porté le public à penser que leurs billets représentaient des
promesses qu’elles n’étaient pas capables de tenir. Les cours se sont
associées aux banques en leur permettant de suspendre le rachat de leurs
billets tout en poursuivant leurs opérations, renforçant ainsi l’alliance des
gouvernements avec les banques. Puisque selon les cours, les dépôts
appartenaient en réalité aux banques, les banquiers ne pouvaient être accusés
de détournement. Les paniques bancaires furent interprétées telles des prophéties. Si
les gens qui faisaient la queue pour retirer leur argent pensaient que leur
banque était insolvable, il ne se passait pas longtemps avant qu’elle le
devienne. La plupart des gens ne savaient pas que les banques prêtaient une
majeure partie de leurs dépôts, et ils ne savaient pas que le système
bancaire de réserve fractionnaire, une forme de contrefaçon, était la norme.
Notez qu’un contrefacteur n’est pas un criminel parce qu’il
imprime ses propres billets, il est criminel parce que les billets qu’il
imprime ne représentent pas de monnaie réelle bien qu’elle soit acceptée
comme telle. Exposer la criminalité d'un contrefacteur est le rôle premier des
pouvoirs publics.
La capacité des billets à être échangés contre de l’or
impose une limitation au système de réserve fractionnaire. De telles limites
ne sont pas bien vues des banques. Puisque les banques peuvent prêter au
gouvernement, elles signifient que les dépenses du gouvernement sont
limitées. Le gouvernement n’apprécie pas non plus la limitation représentée
par la capacité des billets à être échangés contre de l’or.
Ce qui nous amène au mur de brique contre lequel s’est
fracassé l’or.
Se préparer à la guerre revient à se préparer à
l’inflation
« La guerre de 1914 a été un choc brutal, non
seulement aux yeux du peuple Américain, mais aussi aux yeux des Américains
les plus informés – et d’une majorité d’Européens. [Ch. 2]
L’Allemagne, la Russie et la France ont commencé à
accumuler de l’or avant la guerre – l’Allemagne ayant commencé la première en
1912. De l’or fut pris enlevé des mains du peuple et confié vers la Reichsbank,
la banque centrale Allemande. Les gens se virent ensuite distribuer des
billets de papier pour remplacer l’or jusqu’alors en circulation.
Lorsque la guerre éclata en août 1914, comme l’explique Gary
North, la politique de rédemption fut…
…indépendamment mais presque simultanément révoquée par
les gouvernements Européens… Ils ont tous eu recours à l’inflation monétaire.
C’était là un moyen de cacher au public le coût réel de la guerre. Ils ont
imposé une taxe sur l’inflation, et ont ensuite pu blâmer les hausses de prix
sur des manipulations antipatriotiques. Cela a pu se produire en raison de l’ignorance
des gens pour les effets et les causes de l’inflation monétaire et de celle
des prix. Ils n’auraient pas pu le faire si leurs citoyens avaient pu
demander l’échange de leur monnaie pour des pièces d’or à taux fixe, parce
qu’une panique bancaire se serait développée. Les gouvernements n’auraient
pas pu alimenter l’inflation sans revenir sur leur promesse d’échanger leurs
devises contre des pièces d’or. Ils sont donc revenus sur leur promesse quand
ils avaient encore de l’or. Mieux vaut briser un contrat trop tôt que trop
tard. »
Sans briser leur promesse, les gouvernements auraient eu à
négocier leurs différents plutôt que de se lancer dans le conflit (à
l’époque) le plus meurtrier de l’Histoire. L’abandon de l’étalon or, qui a
toujours été sous le contrôle des gouvernements plutôt que du marché libre, a
été le facteur décisif de la guerre.
Bien que les Etats-Unis n’aient pas formellement abandonné
l’or durant leur participation tardive à la guerre, ils ont découragé la
rédemption des billets de banque tout en doublant la masse monétaire. Voici
un extrait de War and Inflation, de Blanchard Economic Research:
‘Pendant la première guerre mondiale, les Américains n’étaient
pas volontaires pour financer l’effort de guerre au travers d’une hausse des
taxes. C’était aussi vrai au cours de la Guerre Civile, et l’a aussi été pour
la seconde guerre mondiale et la guerre du Vietnam. Une grande partie des
dépenses de la première guerre mondiale ont été financées par la hausse
inflationniste de la masse monétaire’. (Voir ‘American Economic
History’, Scheiber, Vatter et Faulkner)
Wikipédia : le manque en action
Il est plus qu’étrange que les articles de Wikipédia sur
la première guerre mondiale et l’étalon or n’établissent pas de connexion
entre une devise sujette à l’inflation et la guerre. Dans l’article sur l’étalon
or, Wikipédia stipule qu’avant ‘la fin de 1913, l’étalon or classique
était à son apogée, mais que l’arrivée de la première guerre mondiale a
poussé les pays à l’abandonner’. C’est totalement faux. Les gouvernements
avaient le choix entre mener une guerre meurtrière ou conserver l’étalon or.
Ils ont choisi la guerre. Les dirigeants Américains trouvaient cette décision
irrésistible. C’est n’est pas JP Morgan, Woodrow
Wilson, Edward Mandell House et Benjamin Strong qui ont combattu dans les tranchées.
La guerre n’était bien entendu que la première des
catastrophes qui ont découlé de l’abandon de l’or. Dans son article sur le XXe siècle,
Wikipédia nous explique que les ‘termes tels qu’idéologie, guerre mondiale,
génocide et guerre nucléaire’ sont entrés en usage à cette époque. Il n’était
pas non plus rare d’entendre parler de ‘devises fiduciaires, banques
centrales, réserve fédérale, dette et accommodation’, mais l’article ne fait
aucune mention de ces derniers.
Il est vrai que l’étalon or ne puisse pas fonctionner
lorsque le gouvernement cherche à anéantir une population ou à en contrôler
une autre. L’or est une monnaie honnête, une valeur échangée contre une
autre, mais les gouvernements ne sont pas honnêtes par nature, parce qu’ils
obtiennent leurs ressources du vol et de l’intimidation. Au vu de ce dont
nous avons été témoins depuis l’abandon de l’or, il est difficile d’imaginer
un humanitaire honnête percevoir le métal jaune comme barbare.
Lorsque nous entendons parler d’abandon de l’or comme
condition requise pour la paix et l’harmonie entre les hommes, rappelons-nous
d’endroits comme le Cimetière
Américain de Meuse-Argonne, où les pierres tombales s’étendent à perte de
vue. Ce sont les tombes de jeunes hommes morts pour les mensonges des politiciens.
L’or ne voulait rien avoir à faire avec le massacre. Mais les politiciens et
les banquiers savaient que la monnaie fiduciaire avait la capacité de les
accommoder.
« Quel épisode extraordinaire du progrès économique
est apparu à la fin du mois d'août 1914!... Les habitants de Londres
pouvaient commander par téléphone depuis leur lit, une tasse de thé à leur
chevet, les produits de la terre entière dans quelques quantités que ce soit,
et en attendre la livraison sur leur palier dans des délais respectables. Ils
pouvaient réserver en avance leur transport vers d’autres pays ou d’autres
climats sans passeport ou formalité, pouvaient envoyer leurs servants auprès
de la banque locale pour qu’ils y retirent autant de métal précieux que
nécessaire, et pouvaient se rendre à l’étranger sans que mention soit faite
de leur religion, de leur langue ou de leur coutume. Mais plus important
encore, ils percevaient cela comme normal, certain et permanent, et voyaient
toute déviation comme aberrante et scandaleuse. »
Si Keynes avait relu ce qu’il a écrit, il aurait pu
devenir un meilleur économiste. Et nous pourrions vivre dans un monde
meilleur aujourd’hui.